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Dangereuse escalade au Burundi

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 14 décembre 2015

Les attaques menées le 11 décembre par des groupes armés contre trois camps militaires burundais, suivies par l’assassinat de dizaines d'opposants, suscitent d'importantes craintes au Burundi.

Des dizaines de cadavres de jeunes gens, tués par balles, ont jonché les rues des quartiers de Bujumbura samedi dernier. Ce massacre a eu lieu quelques heures après des attaques des rebelles armées, visant trois camps militaires de la capitale. Dans plusieurs quar­tiers, les habitants ont accusé les forces de l’ordre d’avoir arrêté tous les jeunes qu’ils rencontraient et de les avoir exécutés délibéré­ment, après les attaques de vendredi. Des jeunes réputés pour leur opposition au prési­dent burundais, Pierre Nkurunziza. Le porte-parole de l’armée burundaise, le colonel Gaspard Baratuza, a affirmé de son côté à l’AFP que les cadavres trouvés dans ces quar­tiers sont « ceux d’ennemis ». « Le bilan final des attaques est de 79 ennemis tués, 45 prison­niers et 97 armes saisies. De notre côté, huit soldats et policiers ont été tués et 21 blessés », a dit le porte-parole militaire, qui s’est refusé à tout commentaire sur les combats et les cir­constances dans lesquelles les victimes avaient trouvé la mort.

Cet incident, qui est le plus grave au Burundi depuis des mois, a incité l’organisation améri­caine Human Rights Watch (HRW) de deman­der dimanche une enquête « sérieuse et indé­pendante ». L’organisation s’est alarmée, demandant qu’en raison de « la politisation et la corruption », qui gangrènent le système judiciaire burundais, des « experts » viennent « de l’extérieur pour assister » les enquêteurs burundais.

En effet, ces violences sont les pires enre­gistrées au Burundi depuis un coup d’Etat manqué en mai. Depuis cette date, la situation ne s’est jamais apaisée. A l’origine de la crise, l’annonce fin avril de la candidature du prési­dent Nkurunziza à un troisième mandat que l’opposition, la société civile et une partie de son camp estiment contraire à la Constitution et à l’Accord d’Arusha, ayant mis fin à la guerre civile (1993-2006). Les centaines de morts et les dizaines de milliers de déplacés, à cause des violences et des affrontements entre forces d’ordre et manifestants, n’ont pas empêché Nkurunziza de remporter en juillet la présidence du pays. Face à la répression aveugle, une partie de l’opposition, contrainte de vivre cachée ou en exil, a visiblement choisi de basculer vers la rébellion armée. Mais le pouvoir, tout en niant la gravité de la situation, a réagi par des rafles massives, frappant en priorité des hommes jeunes et souvent tutsis. Depuis la fin d’une guerre civile à forte connotation ethnique au début des années 2000, l’identification hutue ou tutsie avait pourtant disparu du discours poli­tique. Beaucoup redoutent aujourd’hui qu’un pouvoir à bout de souffle tente de réveiller les braises des haines ethniques. Sur les réseaux sociaux, les appels au secours relaient aussi les appels à la vigilance afin de ne pas céder au réveil de ces démons-là. Car au Burundi, comme ailleurs, l’information est le nerf de la guerre.

Calme et dialogue
La récente détérioration de la situation a alarmé la communauté internationale. Le Conseil de sécurité de l’Onu a condamné les attaques de vendredi et a appelé au calme et au dialogue politique. Les 15 pays membres ont « exhorté tous les protagonistes à s’abstenir de toute violence », a déclaré l’ambassadrice amé­ricaine, Samantha Power, à l’issue de consulta­tions à huis clos. Le Conseil a « exigé que tous les groupes armés déposent les armes et ces­sent toute activité déstabilisatrice afin de mettre fin au cycle de violences et de repré­sailles ». Les 15 pays membres ont « appelé le gouvernement burundais et tous les acteurs politiques à reprendre sans délai un dialogue qui n’exclut personne afin de prévenir d’autres violences ». Mme Power, qui préside le Conseil en décembre, a aussi réaffirmé que le Conseil était prêt à « envisager des mesures supplé­mentaires » contre tout protagoniste de la crise au Burundi, qui encouragerait la violence ou tenterait de bloquer un règlement politique, une menace voilée de sanctions. Elle a rappelé que le Conseil avait adopté le 12 novembre une résolution d’inspiration française, qui autorise l’Onu à déployer éventuellement des Casques bleus au Burundi. Mais pour l’instant l’Onu n’envisage que de mettre en place une petite équipe autour de son émissaire au Burundi, Jamal Benomar, afin de promouvoir un dialo­gue politique. Déjà, il y a plus de dix jours, le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, avertissait que le Burundi était au bord d’une guerre aux « effets potentiellement désastreux sur une région déjà fragile ».

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