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Dr Jekyll et Mr Hyde ?

Najet Belhatem, Mardi, 01 décembre 2015

L'immigration illégale des enfants, le tollé provoqué par le décès de trois citoyens dans des postes de police et une commission d'Al-Azhar pour « faire face au chiisme ». C’est la sélection de la semaine.

La question épineuse de la torture dans les postes de police est à nouveau revenue sur la scène suite au décès d’un citoyen à Louqsor. L’affaire a fait boule de neige et la ville a connu pendant des jours plusieurs manifestations. La situation s’est compliquée davantage avec la survenue d’autres incidents du genre à Ismaïliya, où un pharmacien a trouvé la mort lors d’un séjour au poste de police, et à Aïn-Chams, où un jeune homme a succombé à ses blessures suite au mauvais traitement policier. « Le présentateur de télévision Youssef Al-Husseini a fait état dans son émission de 7 cas de torture de citoyens dans les lieux de détention à l’intérieur des postes de police et des prisons, sans oublier le mauvais traitement des citoyens dans les rues durant le mois de novembre seulement », lit-on sur le site d’information Al-Bédaya. Fait positif, malgré ces informations lugubres, c’est que la protestation sociale arrive désormais à faire pression.

Le ministère de l’Intérieur, qui venait de déplorer la perte de quatre policiers tués dans un attentat dans le sud du Caire, a ainsi réagi au tollé général en publiant un communiqué rapporté par la presse, dont le quotidien Al-Ahram : « Le ministère affirme que tous les faits imputés aux policiers sont en phase d’enquête, et les résultats seront divulgués en toute transparence ».

Dans un éditorial publié dans le quotidien Al-Masry Al-Youm, Ahmad Al-Derini, journaliste qui a travaillé sur le dossier de la torture, écrit : « En étudiant les dialogues engagés par les officiers de police dans les vidéos de torture et les demandes déviantes qu’ils font aux détenus (du genre demander à ces derniers de s’insulter vulgairement ou de s’appeler par un nom de femme), nous découvrons que nous sommes en face de déviations psychologiques évidentes ! Ils ne torturent ni pour la justice, ni pour enquêter sur le crime … ils torturent pour se satisfaire. Satisfaire quelque chose de misérable dans leur enfance ou dans leur maturité ». Néanmoins, il ajoute que « dans le ministère de l’Intérieur, il y a un large secteur d’officiers honnêtes qui luttent pour mettre fin à cette relation maladive entre la police et les citoyens. Il y a des officiers jeunes dans la vingtaine qui combattent l’inconnu dans le Sinaï et y meurent, alors que leurs collègues passent leur temps à torturer et user de l’abus de pouvoir dans le reste des gouvernorats ». Le journaliste a mis ainsi le doigt sur un drôle de paradoxe, réel de surcroît, qu’il qualifie de « schisme moral » au sein du ministère de l’Intérieur. « Un camp appelle à la réforme pour exercer son métier, comme un policier, comme un professionnel, et non comme des mercenaires à la solde des politiciens ou comme un représentant d’une faction sociale aux dépens d’une autre, alors que sur l’autre versant gisent des vieux loups qui défendent leurs intérêts formés lors des trois dernières décades et veulent que le ministère demeure une cloison entre le régime et le peuple ». Parmi les citoyens, il y a aussi partage des opinions : pour les uns, les policiers sont dans la case tortionnaires, pour les autres, ils sont dans la case héros qui assurent la sécurité et meurent sous les balles des terroristes.

A Louqsor, les amis et la famille de Talaat Chebib, 46 ans, décédé à l’intérieur du poste de police ont créé une page Facebook intitulée « Nous sommes Talaat Chebib ». « Les protestations se sont calmées après que les autorités avaient promis de poursuivre les responsables », écrit le site Aswat Masriya.

Et fait rare, un jeune officier de police appelé Fadi Gad a publié sur sa page Facebook un plaidoyer contre ses collègues impliqués dans la torture : « Vous avez poussé les gens à nous détester et vous nous avez fait perdre nos amis ! Nous n’arrivons à regarder personne en face à cause de vous ! », a-t-il notamment écrit. Le plaidoyer a fait le tour du Web et de la presse.

Dans le quotidien Al-Shorouk, on apprend que le Conseil suprême des droits de l’homme a décidé de tenir une réunion exceptionnelle ce mercredi avec des responsables du ministère de l’Intérieur : « Le conseil a affirmé dans un communiqué que le décès en une semaine de trois citoyens dans les postes de police est un signal d’alarme et une grave violation au droit sacré à la vie ». Dossier à suivre, surtout à Louqsor.

Chiisme en ligne de mire

Dans le quotidien Al-Watan, nous avons sélectionné un article qui parle d’une commission créée par le cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, « pour étudier les croyances des chiites et répondre à leurs allégations sur la base de leurs propres livres ». Une source a affirmé à Al-Watan que la commission est en train d’écrire des études qui dévoilent les contradictions et les dérives chiites pour les soumettre au cheikh d’Al-Azhar. Et d’ajouter : « Le cheikh Mahmoud Mhena, membre du conseil des grands oulémas, a déclaré que les chiites sont plus dangereux pour l’islam que les juifs, et qu’il faut les affronter ». Il est à noter que l’affront dure depuis l’an 700 !

Le journal a mentionné que Moqtada Al-Sadr, le chef religieux chiite iraqien, a envoyé une lettre à Al-Azhar demandant de permettre aux chiites de pratiquer leur culte. Et nous mentionnons que la création de cette commission intervient quelques jours après la tenue d’une conférence à Louqsor chapeautée par Al-Azhar sur la réforme du discours religieux !

3 000 enfants clandestins en Italie

Le chiffre de la semaine vient de la ministre de l’Emigration et des Egyptiens à l’étranger. « La ministre Nabila Makram a déclaré que le dossier de l’émigration clandestine est un dossier de sûreté nationale, en mettant en avant le dossier de l’émigration des enfants de moins de 18 ans de manière illégale, sans que les médias y fassent référence. Elle a ajouté que 3 000 enfants égyptiens se trouvent en Italie de façon illégale et que les parents les poussent à émigrer pour gagner de l’argent demandant de mettre en place une loi pour punir la famille qui met son enfant dans un boat-people ».

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