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Eaux du Nil, les négociations stagnent

Dalia Abdel Salam, Jeudi, 19 novembre 2015

Une 9e réunion s’est déroulée au Caire les 8-9 novembre pour discuter de l’impact hydrique du barrage éthiopien sur les pays en aval. L’Egypte a réitéré sa position et ses inquiétudes.

Eaux du Nil, les négociations stagnent
Les travaux de construction du barrage de la Renaissance vont bon train.

Le Comité national tripartite (TNC) formé d’experts d’Egypte, d’Ethiopie et du Soudan s’est réuni au Caire afin de discuter des entraves qui empêchent le com­mencement des études sur l’impact environnemental et socioécono­mique du barrage éthiopien de la Renaissance sur les pays en aval du Nil.

« L’Egypte a insisté sur sa posi­tion qui consiste à respecter le droit des pays riverains au développe­ment sans nuire au quota historique de l’Egypte dans les eaux du Nil », affirme Alaa Yassine, conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation, et membre du Comité égyptien de négociations.

« L’Egypte a profité de cette 9e réunion pour exprimer une fois de plus ses préoccupations à l’Ethiopie. Celles-ci concer­nent deux points : la lenteur des études sur l’impact du barrage sur l’Egypte et le Soudan et la poursuite des travaux de construction du barrage sans attendre la fin de ces études, ce qui rend les recommandations de celles-ci, une fois terminées, lettre morte », explique Yassine.

Mais il paraît que cette der­nière réunion n’a abouti à rien. C’est pourquoi l’Egypte a demandé une nouvelle réunion au Caire au niveau des ministres des Affaires étrangères et de l’Ir­rigation des trois pays. Cette prochaine réunion devra avoir lieu au cours de ce mois de novembre et sera suivie d’une autre réunion technique du TNC à Khartoum, toujours au mois de novembre.

Le processus du choix des bureaux qui devaient se charger de ces études a commencé en août 2014 et se pour­suit toujours. Dans un premier temps, deux bureaux européens ont été choi­sis pour accomplir lesdites études : le bureau français BRL ingénierie qui devrait accomplir 70 % des travaux, et le bureau hollandais Deltares, qui devrait en accomplir 30 %. Or, Deltares s’est retiré en septembre dernier jugeant que les conditions de travail ne garantissaient pas la réalisa­tion d’une étude indépendante et de bonne qualité ! Vendredi dernier, Deltares a affirmé à l’Hebdo qu’il n’avait pas changé de position vis-à-vis de sa coopération avec BRL, avan­çant toujours le souci de manque « d’indépendance et de qualité de travail ». « Si le TNC nous invite directement à discuter de notre posi­tion, il est probable que nous accep­tions », a assuré à l’Hebdo Carola de Vree, la responsable de communica­tion de Deltares.

Dès que l’Ethiopie a annoncé en 2010 son intention de construire le barrage de la Renaissance sur les eaux du Nil Bleu pour relancer son déve­loppement économique et agricole, l’Egypte a commencé à s’inquiéter vis-à-vis de ce projet qui pourrait affecter sa part des eaux du Nil. L’inquiétude de l’Egypte a augmenté avec le début des travaux de construc­tion en avril 2011. Depuis, Le Caire s’est engagé dans un long processus de négociations avec Addis-Abeba afin de s’assurer que le barrage n’aura pas d’impact négatif sur son approvi­sionnement en eau.

De son côté, l’Ethiopie accélère la construction du barrage dont 45 % des travaux ont déjà été accomplis.

Lors de la dernière réunion au Caire, l’Egypte a refusé que BRL mène toute seule les études en question, selon une proposition éthiopienne. « On essaye­ra de résoudre les différends entre les deux bureaux, sinon on trouvera d’autres solutions », assure Yassine.

Mais il paraît que la gestion actuelle du dossier n’est pas efficace aux yeux de certains experts proches du dossier. « L’Egypte doit adopter une position plus ferme », commente l’ambassa­drice Mona Omar, ancienne assistante du ministre des Affaires étrangères pour les affaires africaines. Selon elle, l’Egypte doit absolument chan­ger le parcours des négociations et adopter une approche poli­tique plutôt que technique.

Elle affirme que les experts égyptiens ont tous assuré que le barrage de la Renaissance aura une influence négative sur le quota égyptien des eaux du Nil. « Ce n’est plus un secret : les Egyptiens vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté en eau, et l’inquiétude de l’Egypte vis-à-vis du barrage de la Renaissance est tout à fait légi­time », indique Omar. « Pour défendre la sécurité nationale, l’Egypte doit demander à l’Ethiopie d’arrêter les constructions tout de suite jusqu’à l’accomplissement des études hydriques, environnementales et socioéconomiques », ajoute-t-elle.

« C’est bien de préserver les bonnes relations avec l’Ethiopie, mais il faut plus tenir à ses intérêts. Il est indispensable de créer une opinion publique mondiale afin de soutenir la position égyptienne. Cela pourra être réalisé à travers la diplomatie égyptienne. A mon avis, tout ce dossier doit être suivi par le ministère des Affaires étrangères », estime Omar.

Le conseiller du ministre de l’Irri­gation n’est pas inquiet. Selon lui, l’accord de principe signé le 23 mars à Khartoum oblige les trois pays à respecter les recommandations de deux cabinets conseils en ce qui concerne l’impact environnemental et socioéconomique du barrage.

Un optimisme que ne partage pas l’ancienne diplomate. Omar rap­pelle qu’un accord plus important signé entre les présidents Hosni Moubarak et Meles Zenawi en 1993 n’a pas été respecté par Addis-Abeba. Cet accord stipule qu’aucun pays ne peut prendre des mesures susceptibles de nuire aux intérêts hydriques de l’autre. « Qu’est-ce qui garantit alors que l’accord de principe sera respecté ? », se demande-t-elle.

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