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Néfertiti au centre de l’enquête

Rana Gohar, Lundi, 05 octobre 2015

La tombe de Toutankhamon cacherait-elle celle de la reine Néfertiti ? Une question sur laquelle les experts se penchent en réponse à une étude de l’égyptologue anglais Nicholas Reeves.

Néfertiti au centre de l’enquête

Il semble que la large polémique récemment suscitée à propos de la tombe de Néfertiti ne soit pas sur le point de se terminer avec les fouilles et investigations qui se sont déroulées sur deux jours dans la Vallée des rois à Louqsor par l’égyptologue britannique Nicolas Reeves, en présence du ministre égyptien des Antiquités, Mamdouh Al-Damati, et d’une équipe d’experts.

Reeves est l’égyptologue qui a avancé l’hypothèse de l’existence d’une chambre secrète derrière le mur nord du tombeau du jeune pharaon Toutankhamon, où reposerait la sépulture de la belle Néfertiti. L’équipe d’experts, qui a accompagné Reeves, est formée de grands noms du monde de l’égyptologie, tels que Dr Mohamad Saleh, membre du comité permanent des antiquités auprès du ministère des Antiquités, Dr Khaled Al-Anani, responsable du musée de la Civilisation et Dr Mahmoud Afifi, directeur du secteur des Antiquités égyptiennes.

Le ministre égyptien ne contredit pas Reeves sur le principe de l’existence d’une nouvelle découverte à l’intérieur du tombeau du roi Toutankhamon, mais pense qu’il y a plus de probabilité qu’il ne s’agisse pas de la reine légendaire Néfertiti. Cela, alors que Reeves défend bec et ongles sa théorie.

Entre ceux qui attendent avec impatience la découverte de la momie d’une des plus belles reines pharaoniques et ceux qui n’y croient pas à cette possibilité, les projecteurs du monde entier se trouvent plus que jamais braqués sur l’Egypte en attendant les rapports finaux. Les avis des experts divergent : les uns considèrent l’existence d’une chambre funéraire derrière le mur nord de la tombe de Toutankhamon qui pourrait appartenir à la reine Néfertiti ; d’autres refusent l’idée de façon catégorique (voir encadré). Il faut donc suivre les recherches de Nicholas Reeves pour mieux comprendre sa théorie.

Elles ont commencé à partir de la tombe de Toutankhamon où Reeves a expliqué sa théorie et exploré, avec Al-Damati et le comité d’experts, les deux murs nord et ouest du tombeau. Selon Reeves, les scans effectués par la société Factum Arte en février dernier ont permis de découvrir la présence de traces linéaires horizontales et verticales sur le mur ouest. Ces traces ont arrêté Reeves et suscité ses suspicions, car elles semblent dessiner les lignes ou l’entrée d’une porte. Plus tard, il a procédé à la mesure des dimensions de cette porte cachée et a été surpris de découvrir qu’elles sont conformes à celles de la porte de la chambre annexée à celle de la momie de Toutankhamon. Outre cela, des traces linéaires d’une plus grande entrée sont apparues. Selon Reeves, cette dernière aurait été construite pour cacher une chambre funéraire se trouvant derrière le mur, comme dans le cas de la tombe de Hormoheb. Reeves pense que ces lignes ne sont guère visibles à l’oeil nu à cause des fresques dessinées sur le mur. Mais il serait possible de voir la différence à partir du toucher de la surface à certains endroits sur le mur portant les traces de l’entrée.

Reeves a également mentionné le fait que les pierres magiques utilisées comme talismans pour garder les momies sont implantées à des endroits étranges. Ce qui mènerait à une déduction importante selon laquelle les ouvriers qui auraient bâti le tombeau auraient évité de les poser à des endroits qui empêcheraient l’accès aux portes existant derrière les 2 murs nord et est du tombeau.

Néfertiti au centre de l’enquête

De plus, Reeves a examiné les plafonds du tombeau, car ils donneraient une chronique détaillée du processus de construction ou de modifications qui aurait été effectué. En effet, le plafond se prolonge après le mur nord comme si l’inter-pièce et la chambre funéraire avaient été construites sous forme d’un long corridor qui dépasse le mur nord.

Reeves annonce qu’il tire sa théorie de l’éventualité de la présence d’une chambre funéraire dissimulée derrière le mur nord ; l’identité de la personne enterrée serait cachée dans les fresques dessinées sur le mur nord et exposant le rituel de l’ouverture de la bouche du propriétaire du tombeau. Selon l’égyptologue anglais, une étude minutieuse de la fresque représentant le roi Ay ouvrant la bouche de Toutankhamon révèle que les traits du visage sont plutôt ceux de Néfertiti et les traits de celui qui exécute l’ouverture de la bouche sont plutôt ceux de Ay, sachant que Toutankhamon a gouverné après Semen Ka Ra. Ce qui a conduit Reeves à déduire que Semen Ka Ra n’est en réalité que Néfertiti.

Un détail remarquable

Reeves dévoile que le mur nord révèle un détail remarquable. Selon les documents de l’Institution mondiale de restauration, publiés en 2012, les fresques sur le mur ont été à l’origine dessinées sur un arrière-plan blanc. Et la couleur jaune aurait été peinte lors d’une phase ultérieure autour des formes et personnalités dessinées afin d’être en harmonie avec le reste des murs.

Néfertiti au centre de l’enquête
Reeves explique sa théorie.
Ce qui signifierait que cette pièce aurait été employée à d’autres fins avant de devenir la chambre funéraire de Toutankhamon.

Outre cela, l’architecture des couloirs du tombeau est conçue avec une inclinaison vers la droite, ce qui signifie que ce tombeau appartiendrait à une reine, comme c’est le cas du tombeau de la reine Hatchepsout par exemple. Quant aux tombeaux des rois, ils sont généralement construits avec une inclinaison vers la gauche.

Au second jour de la visite, Reeves, Damati et l’équipe d’expert ont poursuivi leur tournée dans la région de la Vallée des rois durant laquelle ils ont exploré les tombeaux des rois Ay, Hormoheb et Aménothep II, le tombeau 55 qui a été utilisé comme dépôt pour les momies et de certains trésors de Tell Al-Amarna. L’objectif de ces explorations était de comparer entre la construction de ces tombeaux, les fresques dessinées sur leurs murs et les endroits où les pierres magiques ont été posées dans les creux des murs des chambres funéraires, et la tombe de Toutankhamon. Reeves a indiqué ne rien rechercher de particulier et qu’il était question d’explorer d’autres tombes pour parvenir à différentes réponses qui amèneraient à voir la tombe de Toutankhamon via un autre prisme. Et d’annoncer qu’il pensait que le mur nord avait été construit pour cacher quelque chose, comme si la chambre funéraire de Toutankhamon avait été creusée pour être la chambre du puits, sans être achevée. A la fin du parcours, Reeves a annoncé : « Nous sommes encore en phase d’hypothèse et nous allons faire des examens en novembre prochain avec des radars spécialisés. Nous attendons l’obtention d’une autorisation de leur introduction en Egypte ».

Néfertiti au centre de l’enquête
La tombe de Toutankhamon à la Vallée des rois.

La visite de Reeves en Egypte s’est achevée par une conférence de presse avec le ministre des Antiquités, Dr Mamdouh Al-Damati, durant laquelle il a annoncé qu’il détenait toutes les preuves selon lesquelles le tombeau est celui de Néfertiti et que Toutankhamon y a été enterré en raison de sa mort subite. Il penserait également que 80 % des objets du roi ont été à l’origine confectionnés pour la reine, y compris le masque en or. Il a précisé qu’en examinant le masque, il a découvert que la partie couvrant la figure était séparée du reste du masque et avait été confectionnée à partir d’un type différent d’or. Et pour ce qui est de la partie couvrant les oreilles, elle est fabriquée de plaquettes d’or rondes, qui auraient été conçues pour couvrir des orifices auxquels des boucles d’oreilles devaient être accrochées, comme si le masque était destiné à une reine ... d’autant plus que rien ne peut affirmer que les pharaons portaient des boucles d’oreilles.

Les investigations de Reeves se poursuivent, et il est très probable qu’on annoncera dans les mois à venir la découverte de la momie et de la tombe d’une des plus belles reines de la civilisation égyptienne.

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