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Prix de l’électricité : L’augmentation est nécessaire

Névine Kamel, Dimanche, 16 août 2015

Une nouvelle hausse des prix de l’électricité est attendue ce mois d’août. Elle dérange les classes les moins favorisées, mais va de pair avec la fin des coupures de courant endurées l'année dernière.

Prix de l’électricité : L’augmentation est nécessaire
La hausse des prix d'électricité est inévitable, selon le gouvernement. (pHOTO:AP)

Les foyers égyptiens guettent leurs factures d’électricité du mois de juillet avec inquiétude. Car une nouvelle hausse des prix de l’électricité est applicable sur la facture concernant la consommation du mois de juillet. Il s’agit en fait d’une nouvelle hausse de 20 %, la deuxième après celle appliquée au mois d’août dernier. Le gouvernement avait alors annoncé la suppression progressive des subventions à l’électricité sur une période de 5 ans.

Et une très forte vague de chaleur, qui a frappé le pays la semaine dernière, aggravera sans doute la facture. Les Egyptiens ont été surpris du choc thermique avec un mercure qui a atteint les 49°C ne provoquant qu’une seule panne d’électricité notable dans le pays. « Mais c’est toujours les classes moyennes et pauvres qui paient la facture », regrette Abdallah, employé au ministère de l’Agriculture. Il ajoute : « Le gouvernement a promis de ne pas toucher aux plus pauvres, alors que la grande majorité des décisions prises à ce jour sont un fardeau pour nous ». Abdallah compte parmi les millions de personnes qui peinent à assumer une facture mensuelle d’électricité en hausse. « Cela devient de plus en plus lourd. Nous n’arrivons plus à satisfaire les besoins quotidiens », regrette-t-il, en critiquant l’application de la hausse de l’électricité même pour les catégories les moins consommatrices d’électricité. « Le gouvernement avait promis de prendre soin des classes pauvres mais rien n’a été fait jusqu’à maintenant », précise Alia Mamdouh, experte économique. Elle propose quelques alternatives avec, entre autres, l’exclusion des classes les moins consommatrices de cette hausse, ou la compensation par des coupons qui réduisent le coût de la facture. « Le gouvernement n’a même pas tenu sa promesse de garantir un salaire minimum permettant un niveau de vie convenable aux plus pauvres », dit-elle. Un responsable au ministère de l’Electricité, qui préfère garder l’anonymat, se défend : « La hausse des prix ne frappe pas tout le monde de la même manière. Les trois premières tranches sont exemptées de toute hausse (voir encadré). Que faire de plus ? Le gouvernement n’est plus capable d’assumer seul la facture ». Et d’ajouter : « Nous devons multiplier les investissements pour l’électricité afin de répondre aux besoins domestiques et industriels. Ceux qui abusent de l’électricité doivent payer la facture. C’est leur choix ».

Selon l’Union des ingénieurs des centrales électriques, la plus faible des consommations devrait dépasser les trois premières tranches précisées par le gouvernement. 80 % de la population endurera une hausse des prix. Le décompte est simple : un réfrigérateur consomme 200 kilowatts par jour et une lampe à faible consommation allumée 12h/jour exige 270 kilowatts. Si un foyer utilise un chauffe-eau, la consommation est de 300 kilowatts/h. Ainsi, la consommation mensuelle totale dépasse 1 200 kilowatts par mois. Selon la grille du gouvernement, l’exemption est donc illusoire (voir encadré).

Pari réussi
Mettre fin aux coupures d’électricité persistantes de l’année dernière était un objectif du gouvernement de Sissi. Un pari réussi en investissant massivement dans le secteur, et cela passe par la réduction des subventions publiques. Le plan du gouvernement a consisté à accroître la capacité de production de 3 600 mégawatts. « Cela nécessite des investissements de 2,76 milliards de dollars pour la construction de centrales, sans compter le coût du carburant nécessaire à leur fonctionnement », note Gaber Al-Dessouqi, président de la Société Holding de l’électricité. L’une de ces centrales a été inaugurée le 28 mai dernier, à Assiout, avec une capacité de production de 1 500 mégawatts. D’ici la fin 2015, la construction de nouvelles centrales devra générer près de 6 800 mégawatts supplémentaires. « La crise de l’électricité de l’année passée ne se répétera pas », avait promis Mohamad Chaker, ministre de l’Electricité, lors de l’inauguration d’une centrale électrique à Suez, le 31 mai dernier.

Les coupures d’électricité sont un phénomène que les Egyptiens ont connu pour la première fois sous la présidence de l’islamiste Mohamad Morsi, mais qui ne s’est pas beaucoup amélioré après son départ. L’été dernier, les coupures très régulières se prolongeaient pendant des heures dans certains gouvernorats, même au Caire et à Guiza, faisant réagir le président Sissi à plusieurs reprises. « Il n’est pas acceptable que les coupures d’électricité soient aussi fréquentes », a-t-il dit en novembre 2014. La crise ne touchait pas seulement les foyers. Le secteur industriel en a également fait les frais. L’année dernière, presque toutes les usines fonctionnaient à 50 % de leur capacité à cause du manque d’électricité et de gaz naturel. « La situation s’est considérablement améliorée dans les usines aussi. Mais il nous faut augmenter davantage la production d’électricité », indique Walid Hélal, homme d’affaires et président de l’Association des industriels égyptiens.

130 milliards de L.E.

Prix de l’électricité : L’augmentation est nécessaire

En septembre dernier, dans un long discours consacré à la crise de l’électricité, le président Sissi a affirmé que les investissements nécessaires pour que la production d’électricité aille de pair avec la demande se chiffraient à 130 milliards de L.E. (17,3 milliards de dollars) sur les cinq ans à venir. Le président a souligné que le manque de financement était la raison principale de ce retard, cumulé sous les gouvernements successifs. Mais l’actuel gouvernement, encouragé par le président, a sollicité les investisseurs dans le secteur de l’électricité. Il a fixé à 84 piastres/kilowatt le tarif de rachat garanti aux investisseurs dans le secteur de l’énergie renouvelable. Et ce, dans le cadre d’une stratégie où les énergies solaire et éolienne devront représenter 20 % de la production énergétique nationale d’ici 2020. Lors de la conférence économique de Charm Al-Cheikh, en mars dernier, le ministère de l’Electricité a signé avec des entreprises des mémorandums d’entente à hauteur de 22 milliards de dollars. Certains accords ont été finalisés, comme celui signé avec le géant allemand Siemens. Ces accords, de 10 milliards de dollars, portent sur la construction de plusieurs centrales électriques d’une capacité de production totale de 6,6 gigawatts. D’autres investissements, non moins importants, concernent l’exploration gazière, dans l’objectif de remédier à la pénurie de gaz naturel, carburant le plus utilisé en Egypte dans l’alimentation des centrales électriques.

Pour mettre un terme à la crise de l’électricité, le gouvernement a donc opté pour une diversification des ressources. Il a récemment reçu des offres pour la production de 4 gigawatts à travers les énergies solaire et éolienne. Il a également approuvé, pour la première fois, l’utilisation du charbon dans la production de l’énergie destinée notamment aux industries lourdement consommatrices d’électricité, telles celles du ciment et de l’acier.

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