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Poursuite du face-à-face au Yémen

Maha Salem avec agences, Mardi, 21 avril 2015

En l'absence de toute probabilité d'un règlement politique prochain au Yémen, la coalition poursuit ses raids contre les Houthis.

Poursuite du face-à-face au Yémen
La guerre a poussé plus de 300 000 Yéménites à quitter leurs foyers. (Photo : Reuters)

85 morts en moins de 24 heures. C’est le bilan des combats entre rebelles chiites houthis et partisans du président du Yémen appuyés par l’aviation de la coalition arabe, pour la seule journée de dimanche. Ces affrontements ont eu lieu dans quatre villes du sud du pays. Considérés comme les combats les plus sanglants depuis le début de la campagne « Tempête décisive » le 21 mars, ils ont été condamnés par la communauté internationale. Sur le terrain donc, on est toujours en situation de guerre. Une guerre qui, semble-t-il, va traîner en longueur en l’absence de tout espoir de règlement politique à court terme.

Bien que le Conseil de sécurité de l’Onu ait imposé, dans une réso­lution sur le Yémen, un embargo sur les armes contre les rebelles chiites au Yémen, sommé les mili­ciens chiites de se retirer des zones qu’ils ont conquises depuis qu’ils ont lancé leur opération l’été 2014, et demandé à toutes les parties au conflit de négocier dans les plus brefs délais une cessation rapide des hostilités, pour le moment, c’est la langue des armes qui domine. Rien de tout cela n’a en effet été fait. Tout d’abord, l’Onu n’impose pas à la coalition arabe qui combat les Houthis, soutenus par l’Iran, de suspendre les raids aériens. Ce qui équivaut à un sou­tien indirect et qui signifie que l’offensive peut encore s’étendre en longueur.

Jusqu’à présent donc, la commu­nauté internationale reste les bras croisés. Avant le début de la cam­pagne aérienne, le Conseil de sécu­rité de l’Onu avait imposé des sanctions contre deux comman­dants houthis dont Abdel-Malek Al-Houthi et Ahmed Ali Abdallah Saleh, fils de l’ex-président. Mais le gel de leurs avoirs et l’interdic­tion de voyage n’ont pas infléchi ces acteurs de la crise yéménite dans leur conquête du pouvoir.

« La résolution de l’Onu et les sanctions n’ont presque pas d’effet. Les pays qui soutiennent les Houthis, comme l’Iran, savent d’avance que le gel des avoirs et l’embargo sur les armes sont les seules sanctions qui peuvent être adoptées par la communauté inter­nationale, alors, ils leur fournis­sent les aides directement », explique Dr Moatez Salama, ana­lyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire, même si Téhéran dément systématiquement fournir un soutien militaire direct aux combattants houthis. Selon l’analyste, « le seul moyen de résoudre cette crise est le dialo­gue ». La rébellion chiite va pour­suivre sa guerre « tant que le régime yéménite ne répondra pas à ses revendications ».

Or, pour parler de ces revendica­tions, il est d’abord nécessaire que les hostilités cessent et que les diffé­rentes parties se mettent sur une même table de négociations. Pour le moment, cette option semble illu­soire. Le régime yéménite, soutenu par les Arabes et par la communauté internationale, ne veut négocier qu’en position de force, c’est-à-dire après avoir infligé une défaite mili­taire aux Houthis sur le terrain. Les Houthis veulent combattre jusqu’au bout pour tirer le maximum d’éven­tuelles futures discussions.

Une occasion ratée ?

Et c’est justement l’Iran, dont la position est largement critiquée, qui a proposé à l’Onu un plan de paix. Rejeté par le gouvernement yémé­nite, ce plan de paix en quatre points appelle à une fin immédiate des hostilités, y compris l’arrêt des offensives militaires étrangères, à une assistance humanitaire, à une reprise d’un dialogue national élargi et à la constitution d’un gouverne­ment d’union nationale inclusif. « Nous rejetons l’initiative ira­nienne. Le but de cette initiative est une manoeuvre politique », a déclaré le porte-parole du gouvernement yéménite en exil, Rajeh Baji.

« C’est là la raison officielle avancée par le gouvernement yémé­nite. La vraie raison, c’est que l’Arabie saoudite et ses alliés refu­sent l’influence, voire l’existence iranienne dans la région. Si les pays arabes acceptent le plan iranien, ils reconnaissent de facto la prépondé­rance du rôle de Téhéran dans la région. Et pour les Arabes, il n’en est pas question. Car ils craignent l’extension du chiisme », affirme Dr Salama. Avant même les récents développements au Yémen, le gou­vernement yéménite ainsi que l’Arabie saoudite accusaient l’Iran de s’ingérer dans les affaires du pays dans le cadre d’une stratégie d’expansion régionale. En fait, aussi bien les Occidentaux que les pays arabes ont montré peu d’inté­rêt à la proposition iranienne, esti­mant que Téhéran n’avait pas de position de neutralité dans ce conflit. Or, selon les analystes, le plan iranien aurait pu être une chance pour régler cette crise qui s’aggrave de plus en plus.

Urgence humanitaire

Après un appel onusien à une aide humanitaire internationale, l’Arabie saoudite a promis de couvrir dans son intégralité le coût de cette assistance, soit 274 millions de dollars. Il reste maintenant à monter cette opération qui devrait être très importante au regard des besoins de la population. Le porte-parole de la coalition arabe, le général de brigade Ahmed Assiri, a pro­mis la mise en place, dans les prochains jours, d’un pont maritime pour l’ache­minement de l’aide. Au fur et à mesure que le conflit se poursuit, les consé­quences deviennent de plus en plus lourdes pour les civils. Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a déploré un manque cruel de médica­ments, d’aliments, d’eau, d’électricité et de carburant. Entre 120 000 et 150 000 personnes ont été déplacées à l’inté­rieur du Yémen par les combats en cours, alors qu’il y avait déjà plus de 300 000 déplacés avant la crise actuelle, selon le Haut-Commissariat de l’Onu pour les Réfugiés (HCR). Depuis le 26 mars, les affrontements au sol et les raids aériens auraient fait plus de 750 morts et près de 3 000 blessés.

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