La guerre a poussé plus de 300 000 Yéménites à quitter leurs foyers.
(Photo : Reuters)
85 morts en moins de 24 heures. C’est le bilan des combats entre rebelles chiites houthis et partisans du président du Yémen appuyés par l’aviation de la coalition arabe, pour la seule journée de dimanche. Ces affrontements ont eu lieu dans quatre villes du sud du pays. Considérés comme les combats les plus sanglants depuis le début de la campagne «
Tempête décisive » le 21 mars, ils ont été condamnés par la communauté internationale. Sur le terrain donc, on est toujours en situation de guerre. Une guerre qui, semble-t-il, va traîner en longueur en l’absence de tout espoir de règlement politique à court terme.
Bien que le Conseil de sécurité de l’Onu ait imposé, dans une résolution sur le Yémen, un embargo sur les armes contre les rebelles chiites au Yémen, sommé les miliciens chiites de se retirer des zones qu’ils ont conquises depuis qu’ils ont lancé leur opération l’été 2014, et demandé à toutes les parties au conflit de négocier dans les plus brefs délais une cessation rapide des hostilités, pour le moment, c’est la langue des armes qui domine. Rien de tout cela n’a en effet été fait. Tout d’abord, l’Onu n’impose pas à la coalition arabe qui combat les Houthis, soutenus par l’Iran, de suspendre les raids aériens. Ce qui équivaut à un soutien indirect et qui signifie que l’offensive peut encore s’étendre en longueur.
Jusqu’à présent donc, la communauté internationale reste les bras croisés. Avant le début de la campagne aérienne, le Conseil de sécurité de l’Onu avait imposé des sanctions contre deux commandants houthis dont Abdel-Malek Al-Houthi et Ahmed Ali Abdallah Saleh, fils de l’ex-président. Mais le gel de leurs avoirs et l’interdiction de voyage n’ont pas infléchi ces acteurs de la crise yéménite dans leur conquête du pouvoir.
« La résolution de l’Onu et les sanctions n’ont presque pas d’effet. Les pays qui soutiennent les Houthis, comme l’Iran, savent d’avance que le gel des avoirs et l’embargo sur les armes sont les seules sanctions qui peuvent être adoptées par la communauté internationale, alors, ils leur fournissent les aides directement », explique Dr Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire, même si Téhéran dément systématiquement fournir un soutien militaire direct aux combattants houthis. Selon l’analyste, « le seul moyen de résoudre cette crise est le dialogue ». La rébellion chiite va poursuivre sa guerre « tant que le régime yéménite ne répondra pas à ses revendications ».
Or, pour parler de ces revendications, il est d’abord nécessaire que les hostilités cessent et que les différentes parties se mettent sur une même table de négociations. Pour le moment, cette option semble illusoire. Le régime yéménite, soutenu par les Arabes et par la communauté internationale, ne veut négocier qu’en position de force, c’est-à-dire après avoir infligé une défaite militaire aux Houthis sur le terrain. Les Houthis veulent combattre jusqu’au bout pour tirer le maximum d’éventuelles futures discussions.
Une occasion ratée ?
Et c’est justement l’Iran, dont la position est largement critiquée, qui a proposé à l’Onu un plan de paix. Rejeté par le gouvernement yéménite, ce plan de paix en quatre points appelle à une fin immédiate des hostilités, y compris l’arrêt des offensives militaires étrangères, à une assistance humanitaire, à une reprise d’un dialogue national élargi et à la constitution d’un gouvernement d’union nationale inclusif. « Nous rejetons l’initiative iranienne. Le but de cette initiative est une manoeuvre politique », a déclaré le porte-parole du gouvernement yéménite en exil, Rajeh Baji.
« C’est là la raison officielle avancée par le gouvernement yéménite. La vraie raison, c’est que l’Arabie saoudite et ses alliés refusent l’influence, voire l’existence iranienne dans la région. Si les pays arabes acceptent le plan iranien, ils reconnaissent de facto la prépondérance du rôle de Téhéran dans la région. Et pour les Arabes, il n’en est pas question. Car ils craignent l’extension du chiisme », affirme Dr Salama. Avant même les récents développements au Yémen, le gouvernement yéménite ainsi que l’Arabie saoudite accusaient l’Iran de s’ingérer dans les affaires du pays dans le cadre d’une stratégie d’expansion régionale. En fait, aussi bien les Occidentaux que les pays arabes ont montré peu d’intérêt à la proposition iranienne, estimant que Téhéran n’avait pas de position de neutralité dans ce conflit. Or, selon les analystes, le plan iranien aurait pu être une chance pour régler cette crise qui s’aggrave de plus en plus.
Urgence humanitaire
Après un appel onusien à une aide humanitaire internationale, l’Arabie saoudite a promis de couvrir dans son intégralité le coût de cette assistance, soit 274 millions de dollars. Il reste maintenant à monter cette opération qui devrait être très importante au regard des besoins de la population. Le porte-parole de la coalition arabe, le général de brigade Ahmed Assiri, a promis la mise en place, dans les prochains jours, d’un pont maritime pour l’acheminement de l’aide. Au fur et à mesure que le conflit se poursuit, les conséquences deviennent de plus en plus lourdes pour les civils. Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a déploré un manque cruel de médicaments, d’aliments, d’eau, d’électricité et de carburant. Entre 120 000 et 150 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du Yémen par les combats en cours, alors qu’il y avait déjà plus de 300 000 déplacés avant la crise actuelle, selon le Haut-Commissariat de l’Onu pour les Réfugiés (HCR). Depuis le 26 mars, les affrontements au sol et les raids aériens auraient fait plus de 750 morts et près de 3 000 blessés.
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