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Les limites de l’interprétation

Ola Hamdi, Mardi, 21 avril 2015

Le débat autour de la réforme de la pensée islamique a pris une nouvelle tournure, suite à une plainte présentée par Al-Azhar contre un animateur de télévision.

La question est depuis quelques semaines au centre d’un vif débat. Faut-il passer au crible certaines idées se trouvant dans des ouvrages classiques de la tradition islamique et qui, aujourd’hui, ne font plus l’unanimité ? Les derniers épisodes du programme Avec Islam Beheiri, présenté sur la chaîne Al-Qahira Wal Nas, par le présentateur qui a donné son nom à l’émission, s’inscrivent dans le cadre de cette polémique. Beheiri s’en prend à certains écrits des quatre imams de l’islam, et met en doute certains hadiths du prophète Mohamad. Il soutient que les ouvrages de hadith (parole du prophète) de Boukhari et Muslim « ne sont pas sacrés » et « peuvent comporter des erreurs ». Quant à Ibn Taymya, l’un des grands érudits de l’islam, il présente, selon lui, une vision extrémiste de l’islam et « incite à la violence », affirme Béheiri.

Ces propos ont provoqué une levée de boucliers à Al-Azhar, la plus haute instance de l’islam sunnite. Al-Azhar a demandé l’arrêt du programme et a présenté une plainte au procureur général contre Beheiri, qui « alimente la sédition au sein de la société ». Le sous-secrétaire d’Al-Azhar, Abbas Chouman, s’insurge : « Le programme d’Islam Beheiri s’en prend aux fondements de la religion, sape la tradition religieuse et offense les savants de l’islam. Ce programme va alimenter les séditions au sein de la société, alors que nous avons plus que jamais besoin d’unir les citoyens et les rassembler », dit-il.

Une nouvelle interprétation de l’islam est-elle, aujourd’hui, possible ? Pour certains, la modernisation du discours religieux est aujourd’hui impérative. « Nous avons eu quatre différentes interprétations de l’islam qui remontent toutes aux premiers siècles de l’islam. Or, il s’agit d’interprétations rigides qui ne sont plus adaptées à la vie moderne. Aujourd’hui, les institutions religieuses refusent toute nouvelle approche ou esprit critique », explique Dr Ahmad Maher, islamologue. Et d’ajouter : « C’est cette approche qui favorise l’extrémisme. Et c’est l’absence de toute réflexion qui engendre des groupes terroristes comme Daech ». Il regrette, en outre, qu’on enseigne encore aujourd’hui dans les facultés religieuses les dispositions liées à l’esclavage. « Ces facultés enseignent à leurs étudiants des choses totalement inutiles et absurdes », dit-il.

Adel Hendi, professeur de prédication religieuse, à l’Université d’Al-Azhar, affirme, lui, ne pas s’opposer à l’idée de revoir certaines idées ou certains ouvrages. « Nous ne sommes pas contre l’idée de réexaminer et de purifier certains ouvrages, mais en respectant le Coran et la Sunna du prophète, et surtout sans offenser les grandes figures. Islam Beheiri utilise un discours offensant et irrespectueux pour présenter ces idées. Est-il acceptable qu’il dise qu’il faut jeter les ouvrages de Boukhari et Muslim à la poubelle ? Il faut faire face à la pensée par la pensée, et non en utilisant des propos irrespectueux et des expressions obscènes », souligne Hendi. Et d’ajouter : « Nous ne sommes pas contre l’appel à la modération, mais il faut faire la distinction entre les piliers de l’islam et la pensée islamique ». Sur la même longueur d’onde, Saadeddine Hilali, chef du département de jurisprudence comparée à l’Université d’Al-Azhar, affirme : « Nous devons respecter les efforts des anciens cheikhs ». Pour lui, la guerre contre le terrorisme, après la chute des Frères musulmans le 30 juin et les appels incessants de l’Etat à réformer l’image de l’islam ont donné un élan au mouvement anti-religieux. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi avait appelé les dignitaires religieux à « sortir d’eux-mêmes » et à prendre du recul afin de réfléchir à une manière plus éclairée pour présenter l’islam.

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