Tourisme .
Plus de huit coalitions touristiques critiquent le ministère
du Tourisme dans la gestion du secteur en cette période de
crise. La participation égyptienne au Salon de Berlin arrive
en tête des reproches.
La
grogne se fait entendre
Au
cours de l’année dernière, le secteur du tourisme a souffert
d’une forte crise due à la chute du nombre de visiteurs à la
suite de la révolution du 25 janvier et des troubles
politiques qui l’ont suivie. Cette crise avait donc des
raisons politiques hors de la portée des responsables du
domaine. Cette fois-ci, la crise dont témoigne le secteur du
tourisme est interne. En fait, huit coalitions touristiques,
entre autres la Coalition générale des opérateurs du
tourisme, le syndicat général des Professionnels du tourisme
et l’Union arabe des guides touristiques, ont critiqué lors
d’une conférence tenue au Caire la semaine dernière les
politiques adoptées par le ministère pour surmonter la crise
dont souffre toute l’industrie. Le ministère n’a pas réussi,
selon eux, à alléger le joug de cette crise, surtout en ce
qui concerne les petites agences de voyages et les employés
du domaine qui sont au nombre de plus de 2 millions.
Les
critiques étaient surtout pointées sur la participation
d’une importante délégation égyptienne au Salon ITB de
Berlin qui s’est tenu du 7 au 11 mars en Allemagne. « Nous
sommes en pleine crise, les recettes touristiques ont
diminué de 30 % en 2011. Imaginez que la délégation
égyptienne partie à Berlin comprenait plus de 170 personnes,
parmi elle, 11 chefs cuisiniers, 96 danseuses et artistes.
Combien de millions d’euros ça va coûter à l’Egypte ? », se
demande Hossam Al-Akawy, président de la Coalition générale
des opérateurs du tourisme. « Quelle sera la rentabilité de
cette participation quand la sécurité et la stabilité ne
sont pas complètement rétablies dans le pays ? Comment faire
la promotion de l’Egypte dans cette atmosphère tendue ?
Quelle sera notre réponse si les tour-opérateurs étrangers
nous interrogent à propos des enlèvements et du vandalisme
qui se sont répandus en Egypte ces derniers jours ? »,
ajoute-t-il.
Des
questions qui, selon Al-Akawy, n’ont pas de réponses
tranchées. Selon lui, il est très important que l’Egypte
soit présente dans ces foires touristiques, mais à condition
d’être modeste. Pour sa part, Adel Shaaban, président de
l’Union des agences de voyages, estime que la situation est
critique et que les événements en Egypte sont suivis de près
des responsables du tourisme étranger. « Quand Abdel-Moneim
Aboul-Fotouh, candidat aux élections présidentielles, a été
attaqué, un tour-opérateur anglais m’a appelé pour se
rassurer. Il m’a demandé comment on pouvait assurer la
sécurité des touristes si on n’avait pas su assurer la
sécurité d’un candidat à la présidentielle », a-t-il raconté.
Un
événement spécial
Pour
plaider sa cause, le ministre du Tourisme, Mounir Fakhri
Abdel-Nour, a assuré que la participation de l’Egypte à
l’ITB cette année n’est pas ordinaire. L’Egypte est le pays
partenaire de l’ITB qui est le plus grand Salon de tourisme
au monde, rassemblant presque tous les experts et les
professionnels de l’industrie. Ce partenariat est un
événement spécial pour le tourisme égyptien, puisque pour la
première fois au cours des 46 éditions de l’ITB, un pays
arabe reçoit cette honneur. Selon lui, cet événement
représente une opportunité considérable pour l’Egypte de
présenter sa gamme de produits et services touristiques
après une année assez mouvementée sur le plan politique. «
En plus, ce n’est pas moi qui ai choisi l’Egypte comme
partenaire de l’ITB au moment où le secteur affronte une
crise profonde. En fait, ce choix de l’Egypte est désigné
depuis plus de deux ans, lorsque je n’étais pas encore nommé
ministre du Tourisme. En outre, on a payé plus de 730 000
dollars pour décrocher ce partenariat », explique Abdel-Nour.
D’après
Sami Mahmoud, vice-président de l’Organisation de la
promotion touristique, le partenariat de l’Egypte à l’ITB
lui assure une promotion touristique en Allemagne au cours
de toute l’année 2012. « En plus, l’ITB a donné l’occasion à
l’Egypte d’être l’invitée d’honneur lors de la cérémonie
d’ouverture qui s’est tenue à l’International Congress
Centrum (ICC) de Berlin en présentant à environ 5 000
invités ses atouts touristiques à côté de ses arts et de sa
gastronomie. L’Egypte a été également présente au Salon à
travers des manifestations culturelles et culinaires,
celles-ci faisant partie d’un vaste plan de promotion
élaboré pour redorer l’image du tourisme dans le pays. En
outre, l’Allemagne, de son côté, lancera une campagne qui
sera diffusée pendant toute l’année dans les différents
médias allemands », explique Sami Mahmoud. Il ajoute que
plusieurs autres festivités seront organisées au cours de
2012 en Allemagne, entre autres événements culturels et
artistiques. « Tous ces festivités mettront l’Egypte sous le
regard de plus de 750 000 visiteurs du Salon venant de 192
pays et plus de 111 000 professionnels du tourisme de par le
monde », renchérit Mahmoud.
Quant à
Salah Attiya, président de l’Association des écrivains
touristiques égyptiens, il estime que pour bien juger la
rentabilité de la représentation égyptienne à l’ITB, il faut
parler avec des chiffres. « Le budget de la participation de
l’Egypte est de 3,5 millions de dollars. Mais que gagnera-t-on
en échange ? Les experts du tourisme estiment le coût de la
campagne de publicité pour l’Egypte dans les différents
médias allemands pour un an à 150 millions de dollars, en
plus d’une salle à part pour l’Egypte parmi les 30 salles du
Salon. C’est donc très rentable pour le tourisme en Egypte
», conclut Attiya. En fait, les deux clans se rejettent la
balle et les revenus réels restent toujours vagues. Une
telle participation sera-t-elle rentable ? Il faudra
attendre les retombées au cours des mois prochains.
Dalia
Farouq