Nous
voulons ce président !
Farouq Goweida
Ecrivain
Le
dépôt des candidatures pour les élections présidentielles a
commencé. L’Egypte est aujourd’hui au seuil d’une nouvelle
expérience, à savoir l’élection d’un nouveau président. Les
candidats se préparent désormais pour la bataille. Mais
beaucoup de choses restent encore floues. Personne ne sait
lequel des noms qui occupent actuellement la scène ira
jusqu’au bout, et l’on ne connaît pas non plus les surprises
qui peuvent émerger au dernier moment, avant que le coup
d’envoi de cette course ne soit donné.
Ma
génération n’a jamais choisi son président et n’a jamais
connu de vraies élections. Tout ce dont nous avons été
témoins est un système bizarre appelé « référendum »,
aboutissant tout le temps à des résultats factices frôlant
les 99,9 %. Notre fatalité a voulu que nous ne connaissions,
ni un seul président élu, ni de véritables partis. Nous
avons passé toute notre vie à parler d’une fausse démocratie,
d’élections truquées et d’un peuple dénué de toute volonté.
Nos relations avec ceux qui nous gouvernaient se limitaient
aux événements officiels dans lesquels on les voyait.
Mais à
présent, la scène est différente. Nous voyons un président
derrière les barreaux et la fin d’un régime qui avait ligoté
la volonté de son peuple.
A
l’heure où nous disposons de l’occasion de choisir librement
notre prochain président, il convient de nous interroger :
quelles doivent être ses caractéristiques ?
Nous
voulons un président qui respecte la dignité du peuple. Un
président qui ne commence pas son parcours en parlant des
pauvres, des affamés et des gens simples et qui le termine
installé sur un trône avec, autour de lui, une bande
d’usurpateurs. Nous le voulons un homme simple, comme nous,
connaissant nos traits et nos visages, n’ayant pas honte de
ses sujets et ne détestant pas son peuple.
Nous
voulons un président cultivé, connaisseur de l’histoire
glorieuse de son peuple, mémorisant son histoire et capable
d’en parler avec fierté et orgueil. Nous le voulons un homme
conscient de son histoire, de son présent et de son avenir.
Nous le voulons cultivé pour qu’il ne laisse pas la moitié
de son peuple en proie à l’analphabétisme. Il doit gouverner
un peuple conscient, connaissant parfaitement ses droits et
ses devoirs.
Nous
voulons un président qui craint Dieu, sans rigorisme ni
prétentions. Il doit savoir que tous les êtres humains
peuvent commettre l’erreur. Ils doivent disposer de la
liberté de culte. Ils doivent également réaliser que le
travail est un culte et que la religion est pour Dieu, et la
patrie est pour tous.
Nous
voulons un président qui aime cette patrie, plus que le
pouvoir. Un président qui adore le sol du pays plus que
l’argent. Qui aime édifier plutôt que détruire. Il faut
savoir que l’oppression ne peut pas donner naissance à un
être humain sain, et la tyrannie ne peut jamais promouvoir
une patrie.
Nous
voulons un président juste et équitable qui partage tout
avec son peuple et qui ne fait pas mainmise sur la
trésorerie de l’Etat. Il doit être honnête et gardien des
richesses de son peuple.
Le
président doit aussi parfaitement connaître la valeur de son
peuple. Il ne doit jamais l’humilier et doit préserver le
rôle de sa patrie, ne jamais renoncer à la dignité de son
peuple et ne jamais laisser passer une humiliation à
l’encontre du pays ou à l’encontre du peuple.
Ledit
président ne doit jamais prétendre tout savoir. Il doit
accepter les différents points de vue.
Le
président doit être capable de faire la différence entre le
licite et l’illicite. Il doit savoir que le pouvoir n’est
pas éternel et qu’il a une fin inévitable. Il doit savoir se
retirer à temps pour donner l’occasion à quelqu’un d’autre.
Il ne doit pas fuir le jour où il se trouvera confronté à la
fatalité.
Une fois
qu’il aura occupé le siège de président, il doit être au
service de son peuple, mais après l’avoir quitté, il doit
devenir un citoyen ordinaire vivant au milieu de la foule,
sans gardes ni cortèges.
Le futur
président doit nous gouverner loin de sa famille. Il a le
droit d’être un époux apprécié et un père tendre et
généreux, mais ne doit en aucun cas nous imposer d’autres
partenaires. Il ne doit en aucun cas laisser la bride à son
épouse et ne doit pas non plus chercher à transmettre le
pouvoir à son fils. Il doit respecter la volonté du peuple
et son droit à élire un véritable Parlement ainsi qu’un
gouvernement ayant des prérogatives, des responsabilités
claires et des pouvoirs législatifs et de contrôle.
Nous le
voulons soucieux des problèmes de son peuple et non pas
enfermé dans sa tour d’ivoire. Il doit ressentir les peines
de son peuple et connaître ses droits indivisibles et
indispensables. Il ne doit pas se contenter de l’avis d’une
bande qui l’entoure et qui lui fait comprendre que son
peuple l’adore, alors qu’il le maudit à chaque prière.
Le
prochain président doit réaliser que l’Egypte a changé et
que le peuple qui a donné naissance à la révolution
n’acceptera pas un nouveau dictateur ou un tyran oppresseur.
Les crises que connaît l’Egypte nécessitent des efforts
assidus. Ceux qui ont connu la place Tahrir peuvent y
retourner à n’importe quel moment, et ceux qui ont détruit
l’oppression sont capables de recommencer. Le prochain
président doit aimer l’Egypte et doit partager nos rêves en
vue d’un meilleur avenir .