Hommage .
L’Egypte a perdu la semaine dernière l’une des pionnières de
la francophonie, Ragaâ Yacout Saleh. Ses œuvres, notamment
ses traductions, marqueront pour longtemps le paysage
francophone égyptien.
Une
grande dame de la francophonie s’en va
Si l’on
jette un coup d’œil sur le CV de Ragaâ Yacout Saleh, l’on
découvre tout de suite la passion francophone, la rigueur
académique, ainsi que l’inlassable dévouement à la langue et
à la littérature françaises de cette grande dame de la
francophonie, qui nous a récemment quittés. Dans le cadre
des festivités de la francophonie, un hommage lui a été
rendu lors d’une réception organisée à l’ambassade de Suisse
au Caire. Au cours de cette réception, l’ambassadrice Naela
Gabr, présidente de la commission de la francophonie au
ministère des Affaires étrangères, n’a pas manqué de louer
l’œuvre de cette grande dame.
Dr Ragaâ
a obtenu son baccalauréat du Lycée français d’Alexandrie en
1954, sa licence des lettres de l’Université d’Alexandrie en
1957 et son doctorat de l’Université Paris X en 1973. Elle
assure alors la direction d’un séminaire sur la littérature
francophone en Egypte au centre d’Etudes francophones Paris
IV de 1977 à 1978. Au cours de sa carrière, l’ex-doyenne de
la faculté des sciences humaines de l’Université d’Al-Azhar
a accumulé les postes : membre du comité de traduction au
Conseil suprême de la culture ainsi qu’au Conseil suprême
des affaires islamiques, membre du comité pour la promotion
de l’enseignement du français au ministère de l’Education
nationale. Elle a obtenu plusieurs décorations, dont celle
du Chevalier des palmes académiques en 1988 et celle du
chevalier de l’ordre national du mérite français en 1995.
Mais
l’on retiendra surtout de son œuvre constituée notamment de
publications en français et en arabe, les traductions
d’importantes œuvres telles que La personnalité de l’Egypte
de Gamal Hamdane, pour laquelle elle a reçu le Prix de
l’Etat pour la traduction, ainsi que la traduction vers
l’arabe du dictionnaire Larousse. Dr Ragaâ a également
publié des écrits tels que La pensée française contemporaine,
publications du Conseil suprême de la culture (en langue
arabe) et La littérature française à l’époque de la
Renaissance, Dar Al-Maaref, (en langue arabe).
Quant
aux traductions, on retient notamment L’Introduction à la
poésie moderne et contemporaine, de D. Loewers et J.L.
Backès, ainsi que L’Art poétique de Boileau ou encore Les
musulmans en Asie centrale et au Caucase, de l’Université
d’Al-Azhar, Quelques cas de problèmes d’identité raciale :
le Tajikistan (en arabe) et Les études islamiques chez les
non-Arabes, de l’Université d’Al-Azhar, présentation de
l’ouvrage : La Bible, le Coran et la Science de M. Bucaille.
Selon
Ragaâ Yacout Saleh, la littérature d’expression française au
Proche-Orient s’inscrit dans le cadre de la littérature
francophone telle qu’elle s’est affirmée un peu partout dans
le monde. Selon elle, ce phénomène devrait être traité sous
deux angles : l’histoire du pays et le degré d’utilisation
de la langue française dans le pays en question. Cette
grande dame a, en outre, toujours fait la distinction entre
la « francophonie » et la « francité », selon le terme de
Léopold Senghor, car la francité est liée à la réalisation
et à la défense des cultures respectives.
Dans ses
écrits, elle s’est également penchée sur l’histoire des
rapports entre la France et le Proche-Orient depuis
l’antiquité, expliquant le rôle des Phéniciens dans les pays
du bassin méditerranéen puis l’introduction de la
civilisation et de la culture arabe en Occident. Elle s’est
aussi longuement penchée sur l’expédition d’Egypte. Dans
l’une de ses études, Ragaâ Yacout Saleh analyse la montée et
la décadence de la langue française en Egypte, l’histoire de
la création des écoles religieuses françaises jusqu’à leur
nationalisation sous le régime de l’ancien président Gamal
Abdel-Nasser.
Dr Ragaâ
a en outre publié de nombreux articles tels que La ferveur
dans l’œuvre d’Andrée Chédid, L’islam et la femme ou encore
Les ulémas ou la difficile conciliation de la tradition et
du progrès.
Aïcha
Abdel-Ghaffar