Justice
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Le médecin accusé d’avoir pratiqué des « tests de virginité
» forcés sur des manifestantes l’an dernier a été relaxé
dimanche par un tribunal militaire.
L’indignation des activistes
Prévu,
le verdict a néanmoins été qualifié de choquant.
L’acquittement dimanche du médecin militaire, accusé d’avoir
fait subir des « tests de virginité » à des manifestantes
l’an dernier, n’a pas manqué de susciter l’indignation
générale. Poursuivi pour « atteinte à la pudeur et
non-respect des ordres » à la suite de la plainte d’une
manifestante, Samira Ibrahim, le médecin soldat Ahmad Adel a
été relaxé par le tribunal, celui-ci ayant jugé les
témoignages « contradictoires ». La décision repose sur « ce
qui a été prouvé dans les documents et a été prise en mon
âme et conscience », a déclaré le juge, assurant qu’il
n’avait pas subi de « pressions ».
Samira
Ibrahim, 25 ans, originaire de Sohag en Haute-Egypte, a été
l’une des 17 femmes arrêtées le 9 mars 2011 par la police
militaire lorsqu’un sit-in observé sur la place Tahrir a été
dispersé dans la violence.
Dans des
vidéos postées sur le site YouTube, elle a raconté
qu’elle-même et d’autres femmes avaient été électrocutées
par des militaires et battues toute une nuit, avant d’être
transférées dans une prison militaire. « Un officier a dit
qu’on allait voir si nous étions des prostituées ou non »,
avait-elle raconté. Selon la plaignante, elle et 6 autres
femmes ont subi des tests de virginité dans une prison
militaire. En avril 2011, des avocats et des activistes
d’organisations humanitaires ont intenté un procès contre le
soldat en question qui avait été identifié par les victimes.
Initialement accusé pour agression sexuelle, le soldat a vu
son chef d’accusation réduit par le procureur militaire.
Huit mois plus tard, le procès a été examiné par le tribunal
militaire, mais ce n’était plus qu’une affaire « d’indécence
publique ». « Le fait que l’affaire a été jugée par un
tribunal militaire est un désastre » et la relaxe prononcée
« est une farce », a déclaré Samira Ibrahim après le
jugement. « Ce n’est pas mon honneur qui a été violé, c’est
celui de l’Egypte », a-t-elle posté sur son compte Twitter.
« Ce
jugement montre combien la justice militaire est politique
et manque d’indépendance », a affirmé Heba Morayef,
représentante en Egypte de l’organisation Human Rights Watch
(HRW). Ce procès « a des implications importantes et va
faire reculer les espoirs de voir l’armée tenue de rendre
des comptes », a-t-elle ajouté.
« Ce
jugement est une preuve que les cas d’abus aux droits de
l’homme doivent être examinés par des tribunaux civils », a
également réagi dans un communiqué Amnesty International.
Choqué
par ce verdict
Gamal
Eid, directeur exécutif du Réseau arabe d’information sur
les droits de l’homme, se dit choqué par ce verdict qu’il
juge « inséparable de l’acquittement des tueurs des
manifestants » tués dans des heurts avec les forces de
l’ordre depuis la révolution. « Ce n’est pas un conseil
révolutionnaire, c’est le conseil du président Moubarak »,
ajoute Eid en référence au Conseil suprême des forces armées
qui gère le pays depuis la chute du président Hosni Moubarak.
L’avocat
de la plaignante, Adel Ramadane, un avocat de l’Initiative
égyptienne pour les droits de l’individu, estime que sa
cliente n’avait aucune chance. « Nous avions besoin d’une
justice indépendante et non d’une branche de l’institution
militaire », dit-il en référence au tribunal qui a prononcé
le verdict. Alors que l’avocate du médecin acquitté, Howayda
Salem, affirme que le dossier à charge n’était « pas solide
dès le départ et était porté par la pression médiatique ».
Se
donnant le droit de s’exprimer après avoir terminé son
service militaire et retrouvé son statut civil, le médecin
en question pense, de son côté, avoir servi de bouc
émissaire. « Les accusations portées contre moi ne sont que
des allégations illogiques qui visent à se venger de l’armée
en ma personne », dit-il.
Dans une
déclaration commentant la décision du tribunal, le numéro un
de la justice militaire, Mahmoud Morsi, a affirmé que ce
verdict prouve que « la justice militaire, tout comme la
justice civile, ne se laisse pas influencer par les
pressions ».
Si pour
les militaires, l’affaire est classée, les défenseurs des
droits de l’homme ne veulent pas baisser les bras. Déjà, des
organisations féministes appellent à profiter de la Journée
des femmes, fêtée le 16 mars en Egypte, pour organiser des
protestations de masse dénonçant ce verdict. Sur le volet
judiciaire, les choix sont aussi limités. Etant donné que le
pourvoi en appel doit être approuvé par le procureur
militaire, les avocats de Samira Ibrahim évoquent le recours
à la justice internationale, notamment la Commission
africaine des droits de l’homme.
Chérif Albert