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Abdel-Fattah El Gibali
 
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 Semaine du 14 au 20 mars 2012, numéro 913

 

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Economie

Or . Un comité parlementaire appelle le gouvernement à renégocier le contrat d’exploitation de la mine d’or de Sukari par la société australienne Centamin. L’entreprise est accusée de connivence avec l’ancien régime, ce qui lui aurait permis de négocier un accord défavorable pour l’Egypte.

La mine qui dérange

La commission de l’industrie et de l’énergie auprès de l’Assemblée du peuple, chargé de l’affaire de la mine d’or de Sukari, vient de remettre son rapport sur le sujet. Les parlementaires y recommandent la révision et la modification des articles des conventions d’exploration d’or des 9 sociétés étrangères présentes sur le site qui œuvrent sous la tutelle de l’entreprise australienne Centamin LPC. « Le problème autour des conditions d’exploitation de la mine d’or de Sukari par l’entreprise australienne Centamin LPC a été révélé au Conseil ces dernières semaines. De multiples plaintes pour corruption ont été déposées et cela imposait une enquête de la part du comité », a confié le chef de la commission parlementaire, Abdel-Aziz Negueda, à l’Hebdo.

Un comité, composé de 22 membres de l’Assemblée du peuple, s’est donc rendu la semaine dernière à la montagne Sukari afin d’étudier sur place le problème et élaborer un rapport détaillé de la situation. Une des premières préoccupations était de calculer précisément les quantités d’or extraites de la mine. L’étude du fonctionnement de la mine a ainsi révélé des conditions d’exploitation qui lèsent largement la partie égyptienne. « L’accord de partenariat entre l’Egypte et l’entreprise australienne renferme des articles qui désavantagent le pays, l’empêchant de tirer pleinement profit de ses richesses minières », estime le comité dans son rapport. Une remarque qu’il ne faut pas prendre à la légère, puisque selon un membre du comité : « La mine Sukari renferme de grandes réserves d’or, peut-être parmi les plus élevées au monde. Elle se situe à la 3e place de la production mondiale. N’est-ce pas une fortune à protéger ? ».

Ainsi, selon l’accord d’exploitation signé en 2009, le partenaire étranger détient la concession pour 30 ans, avec 70 % des profits. L’Egypte prend, quant à elle, en charge les équipements importés et fournit le carburant de fonctionnement à un prix subventionné pour la fusion et l’articulation de l’or. Le Caire est censé recevoir sa part des profits uniquement après que Centamin eut couvert l’ensemble des investissements qu’elle a injectés dans la mine. Mais le ministre du Pétrole, Abdallah Ghorab, se veut rassurant quant à cette dernière condition. Il a confié à l’Hebdo que le gouvernement égyptien devrait recevoir sa part des revenus de la mine de Sukari au début de cette année, arguant que « la hausse record des prix d’or a réduit la période précisée par l’entreprise étrangère pour couvrir ses dépenses ». Selon lui, 3 organismes gouvernementaux supervisent les comptes de l’entreprise, ce qui assure une transparence complète.

Certains s’inquiètent cependant de voir que les termes de l’accord sont clairement en défaveur de l’Egypte. « Quelle injustice ! L’ancien régime a excellé dans le gaspillage des richesses de l’Egypte pour des intérêts personnels », s’emporte Hamdi Al-Fakharani, membre de l’Assemblée du peuple, et intenteur du procès contre l’entreprise étrangère. Selon lui, il ne s’agit pas d’annuler l’accord, mais de le modifier, afin que l’Egypte profite d’un maximum de ses richesses. « Pourquoi l’entreprise continuerait-elle à récupérer 49 % des profits, après avoir payé les taxes ? », ajoute-t-il.

Centamin Egypt a commencé ses travaux d’exploration de la mine de Sukari, située à 700 km du Caire, en 2009, et la production commerciale a commencé le premier avril 2010. La mine est pour l’instant l’unique activité minière de l’entreprise et elle fournit l’intégralité de ses revenus, qui sont considérables. Ainsi, au quatrième trimestre de 2011, les profits s’élevaient à 37,5 millions de dollars, soit une croissance de 10 % par rapport à l’année précédente, et ils atteignaient sur l’ensemble de l’année quelque 1,2 milliard de dollars.

L’entreprise est ainsi soupçonnée dans cette affaire de détourner la production d’or en faveur de personnalités de l’ancien régime, mais elle se réfugie derrière le manque de preuves pour étayer ces accusations. Le comité de l’Assemblée du peuple a, de son côté, constaté quelques lacunes dans le système de surveillance et préconisé que la prise en charge de la surveillance des quantités d’or produites soit confiée à un spécialiste et non à un simple fonctionnaire, comme c’est le cas aujourd’hui.

Car si les activités de Centamin sont légales, le contrat et les conditions dans lesquelles il a été négocié ainsi que la relation étroite de l’entreprise avec l’ancien régime laissent en revanche planer le doute quant à la transparence entourant l’accord. Ainsi, il a été conclu par l’ancien ministre du Pétrole, Sameh Fahmi, sans appel d’offres. Le projet devait d’ailleurs commencer dans les années 1990 mais le ministre de l’Industrie, Ali Al-Saidi, a refusé de céder les droits d’exploitation à l’entreprise australienne. « Je voulais négocier un appel d’offres transparent, mais je n’ai pas eu le temps. J’ai quitté mon poste lors d’un remaniement ministériel », a-t-il affirmé à l’Hebdo, refusant de donner davantage de précisions.

Centamin sur ses gardes

De leur côté, les responsables de l’entreprise australienne sont bien conscients de la suspicion populaire qui entoure tout projet négocié sous le régime de Moubarak. Si le gouvernement actuel ne semble pas vouloir aller jusqu’à retirer les licences d’exploitation, Centamin s’inquiète sur l’avenir de ses investissements dans le pays. Prévoyant un mouvement hostile à son égard, l’entreprise a d’ailleurs annoncé, fin 2011, la modification de la structure corporative de Centamin Egypt et de ses filiales, proposant le transfert des activités égyptiennes à Jersey, où une nouvelle société a été créée qui devrait servir de holding pour le groupe. Les actions de l’entreprise seraient alors cotées en Bourse à Toronto, au Canada ou à Londres et cela permettrait à Centamin d’échapper à toute poursuite judiciaire concernant de possibles malversations lors de la négociation des contrats d’exploitation de la mine de Sukari.

« Le gouvernement populaire anti-Moubarak cherche à s’affirmer en adoptant une ligne dure avec les sociétés liées de près ou de loin avec l’ancien régime », explique Youssef Al-Raghi,  président de l’entreprise Centamin Egypt. Et d’ajouter que cette campagne visant à discréditer l’entreprise a influencé de manière négative la performance de l’entreprise et son action. De brefs sit-in ont en effet été organisés par les travailleurs au cours du mois dernier, forçant l’entreprise à suspendre ses travaux. Des ouvriers ont également pris pour cible 17 experts étrangers employés au sein de l’entreprise, les forçant à démissionner. Centamin a depuis repris ses activités tout en demandant une protection au Conseil militaire. L’administration a également accordé une hausse des salaires aux employés afin de calmer le jeu, mais les temporaires, qui exigeaient d’être embauchés, n’ont pas réussi à faire aboutir leurs demandes.

Des mesures pour faire bonne figure devant les employés, mais aussi l’opinion publique égyptienne, puisque lors d’une conférence de presse la semaine dernière, Youssef Al-Raghi a nié toute relation entre son entreprise et les membres de la famille de l’ancien président Hosni Moubarak. Une déclaration que l’Assemblée du peuple aimerait bien vérifier afin de mettre en lumière les tenants et les aboutissants d’un dossier vital pour l’économie égyptienne.

Névine Kamel

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