Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Les Egyptiennes aussi font leur révolution

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 Semaine du 6 au 12 avril 2011, numéro 865

 

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Nulle part ailleurs

Parité . Les femmes ont joué un rôle actif pendant la révolution du 25 janvier. Des voix s’élèvent pour demander plus d’égalité avec les hommes, mais jusqu’à présent, les changements se font attendre.La lutte continue.

Les Egyptiennes aussi font leur révolution

Au début, ses parents avaient peur et ont essayé de l’empêcher de participer aux manifestations. Elle-même savait qu’elle allait affronter les agents de police et connaissait leurs moyens pour effrayer les manifestants, surtout les filles. « Mais si moi et les autres ne réagissons pas, rien ne va changer pour nous et on sera obligés d’accepter le fait accompli. J’ai décidé d’aller manifester le 25 janvier pour dire non à la corruption, non à l’injustice », indique Asmaa Mahfouz. Elle avait lancé un appel — à travers une vidéo diffusée sur YouTube — le 18 janvier pour inciter les jeunes à descendre dans la rue le 25 et protester contre l’injustice, la corruption et la répression. En lançant son appel, cette universitaire ne savait pas que son action allait provoquer l’étincelle de la révolution égyptienne. Le visage d’Asmaa était présent parmi des milliers de femmes qui ont occupé la place Tahrir, côte à côte avec les hommes, pour réclamer un changement.

Etudiantes ou mères de famille, têtes nues ou voilées, les Egyptiennes étaient présentes depuis le premier jour de la révolution. Elles étaient là, brandissant leurs pancartes, appelant à la chute du régime, très présentes aussi aux points de contrôle des différents accès à la place pour vérifier l’identité des manifestants ou distribuer de la nourriture ou des médicaments aux révolutionnaires. Les militantes se sont organisées en brigade pour nettoyer la place, elles ont envoyé des messages sur leurs portables pour transmettre des informations et défendre la révolution en direct sur les écrans de télévision. Elles ont gardé les maisons et les enfants pendant que les hommes passaient leurs nuits dans la rue pour protéger leur quartier. Elles étaient en première ligne pour faire face à la fureur des policiers. Elles ont été blessées et beaucoup ont perdu la vie.

Quelques années avant la révolution, elles se préparaient déjà au changement à travers leurs activités sur Facebook. Israa Abdel-Fattah, membre du groupe du 6 Avril, a appelé à la mobilisation depuis 2008 en organisant des campagnes de sensibilisation sur les droits politiques. Il y a aussi l’exemple de la fameuse blogueuse Nawwara Negm, qui a ouvert des moyens de communication et d’échange de points de vue à travers son blog. « Les femmes ont manifesté aux côtés des hommes et ont appelé, comme eux, à plus de justice, d’égalité et de démocratie », a déclaré aux médias Nawal Al-Saadawi, écrivaine et féministe.

Prendre la parole

La presse commence juste à parler d’elles pourtant. Leurs histoires circulent sur les réseaux sociaux et des milliers d’internautes ont commencé à leur rendre hommage. Une situation qui a donné l’espoir aux femmes de pouvoir, un jour, être égales aux hommes en ce qui concerne leurs droits. Mais il semble que d’un jour à l’autre, l’évolution de la condition de la femme fait marche arrière. « Nous nous attendions à voir un vrai changement sur les conditions des femmes. Notre participation à la révolution a été très bien accueillie, mais beaucoup semblent l’avoir oubliée, car tout ce qui se passe aujourd’hui va dans le sens inverse », confie Fardos Bahnassi, féministe et activiste dans le domaine des droits de l’homme. Pour elle, le 8 mars (Journée mondiale de la femme) a prouvé que la femme allait rester comme un acteur à qui l’on fait appel pour jouer un rôle, et une fois sa mission terminée, elle s’en va. Ce jour-là, raconte Bahnassi, des femmes ont organisé une manifestation pour rappeler leurs droits à l’aube de cette nouvelle ère. Mais elles ont été malmenées, insultées et harcelées. « Nous étions offusquées. On ne savait pas si on devait accuser les hommes de l’ancien régime qui veulent faire avorter la révolution ou les islamistes qui désirent que les femmes restent à la maison », dit-elle en affirmant que, lors de la révolution, aucun cas d’harcèlement ou de violence n’a été constaté alors que les femmes passaient des journées entières dans la rue à manifester.

Alors pourquoi, lorsqu’on parle des droits des femmes, a-t-on recours à ces moyens d’intimidation et d’humiliation ? Elles sont sorties pour défiler dans les rues afin de réclamer les mêmes droits que chaque citoyen, à savoir la liberté et l’égalité. « On pensait enfin mettre en application ces slogans qui concernent aussi la femme. Celle-ci attend depuis longtemps d’être traitée comme un citoyen normal et non pas comme une citoyenne de deuxième classe », affirme Hala Sobhi, décoriste qui a participé dès le premier jour aux manifestations. Elle criait comme tous les autres pour réclamer la liberté et la dignité. Ce que souhaite cette mère de famille de 45 ans c’est qu’à l’aube de cette nouvelle ère, le discours politique et social change et pense aux droits des femmes. Hala estime que les féministes et les activistes doivent travailler davantage sur terrain. « Celles qui entendent parler de lutte pour les droits des femmes depuis plus de cent ans ne voient aucun progrès. Et le peu de droits acquis par les femmes sert de façade aux services gouvernementaux pour recevoir plus de dons des organismes internationaux », avance-t-elle.

Samia Fathi, femme au foyer, est venue exprès du Canada où elle réside avec son mari pour vivre ces moments de changement qui ont lieu dans son pays. Elle affirme que l’Histoire se répète. Les femmes sont toujours écartées quand l’heure de la réforme et de la liberté sonne. Amal Abdel-Rahmane, directrice de l’organisation Al-Maraa al-guédida (la nouvelle femme), se demande pourquoi le comité constitutionnel a commencé son travail en écartant les femmes juristes. D’après elle, cette manière d’agir suscite des craintes quant à l’avenir de l’Egypte et pose de manière critique la question des objectifs principaux de la révolution énoncés en termes d’égalité, liberté, démocratie et participation des citoyens et des citoyennes.

L’égalité se demande

« Les femmes n’accéderont à l’égalité que si elles participent activement à toutes les négociations et décisions accompagnant cette phase de transition », dit Bahnassi. Les femmes que l’on voyait à la tête des foules de manifestants et qui brandissaient des slogans souhaitaient pourtant profondément réaliser ces objectifs et peut-être même plus que les hommes. Car celles-ci, comme l’affirme Bahnassi, continuent à être toujours plus nombreuses à vivre dans la pauvreté et l’analphabétisme. Elles gagnent très peu d’argent pour des besognes éreintantes et subviennent aux besoins de familles entières. Par ailleurs, elles subissent les effets de lois discriminatoires et d’inégalités fondées sur le genre.

Selon le Forum économique international, sur 134 pays, l’Egypte occupe la 125e place en ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes. Cela est dû au nombre limité de femmes actives et au taux élevé d’analphabétisme qui représente 42 % chez les femmes. Il n’y a eu que 8 députés femmes sur les 454 sièges du Parlement pour l’année 2010.

Ces femmes, comme Hoda Chaarawi, qui a manifesté en 1919, et Asmaa Mahfouz en 2011 doivent encore lutter pour acquérir leurs droits et se frayer une place parmi les hommes. « On va commencer par demander une vraie représentation au Parlement et dans les partis politiques. Dans une vraie démocratie, on ne doit pas choisir ses députés selon leur confession religieuse, leur sexe ou leur origine », affirme Abdel-Hadi, en ajoutant qu’il faut lutter contre l’idée d’une société patriarcale qui traite les femmes, les coptes et les jeunes comme des minorités marginalisées.

Mais ces droits seront-ils un jour reconnus et respectés rigoureusement ? Ou, comme le craint Abdel-Hadi, vont-ils régresser comme on l’a constaté dans d’autres pays ? Abdel-Hadi se rappelle l’exemple algérien, où les femmes ont offert leur vie pour faire réussir leur révolution. Mais aujourd’hui, selon elle, la femme algérienne est revenue en arrière. Un scénario qu’elle n’espère pas voir arriver en Egypte. Constater qu’après des décennies de discrimination et d’inégalité, les femmes sont encore écartées de la vie politique, n’est pas encourageant. La lutte, pourtant, doit continuer. En souriant, Bahnassi conclut : « La place Tahrir est toujours là et nous n’avons peur de rien ».

Hanaa Al-Mekkawi

 




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