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 Semaine du 27 avril au 3 mai 2011, numéro 868

 

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Enseignement . Près de 50 écoles privées et internationales offrent une formation religieuse en Egypte. Des établissements scolaires qui nourrissent les aspirations d’une nouvelle couche sociale. Tournée.

La ferveur religieuse au premier rang

Il est 7h30, les filles se pressent à la porte de l’école. Certaines élèves réajustent les foulards blancs sur leur tête avant de se mettre en rang. Dans cette école privée, la pudeur est évidente sur la tenue des élèves. Elles portent des jupes amples et longues à carreaux rouge et blanc et des tee-shirts de couleur rouge à manches longues. « Mes parents ont préféré que je sois dans une école religieuse privée pour avoir une éducation ouverte aux autres cultures tout en conservant nos coutumes et traditions », souligne Hagar, élève de 12 ans, en première préparatoire. Ses parents ont passé quelques années aux Etats-Unis pour terminer leurs études supérieures. Ils ont été un peu choqués par le libéralisme de la société américaine et ont donc voulu donner une éducation à leurs enfants à la fois moderne et conservatrice.

Leurs études terminées, les parents de Hagar sont rentrés au pays craignant que les enfants ne grandissent dans un milieu où les adolescents ne respectent ni la religion, ni l’opinion d’autrui. Des parents qui ne cachent pourtant pas leur fascination pour la civilisation occidentale et ses progrès scientifiques. Le choix de l’école de leur fille a été fait sur cette base : maîtriser une langue étrangère afin de s’ouvrir aux cultures sans perdre sa propre identité.

En effet, la première école privée islamique au Moyen-Orient a ouvert ses portes en 1980 grâce à Zahira Abdine, surnommée la mère des médecins. Talaïe al-kamal al-islamiya a œuvré pour donner une éducation religieuse particulière et loin du contrôle d’Al-Azhar, seule institution à offrir une telle formation. « Enseigner un islam modéré, tolérant, c’est la règle d’or dans notre école. On ne suit ni parti, ni groupe, ni secte », précise Manal Osmane, directrice de cette école située à Ard Al-Golf dans le quartier d’Héliopolis.

Selon les chiffres avancés par le site du ministère de l’Education, il existe 50 écoles islamiques privées au Caire. « Ces écoles sont sous contrôle du ministère de l’Education qui exige que les élèves apprennent obligatoirement les matières sociales et la langue arabe. De plus, la direction de l’école doit appliquer un principe, celui de diffuser un message tolérant de l’islam », confirme un responsable au ministère de l’Education.

Ce système de formation a gagné de l’ampleur à partir des années 1970. L’invasion culturelle inspirée par des pays comme l’Arabie saoudite et les pays du Golfe a marqué l’Egypte. A l’époque, beaucoup de citoyens sont partis gagner leur pain dans ces pays. Ils sont revenus avec des idées conservatrices. Alors, la présence d’écoles répondant à un courant islamique modéré dans la société est devenue une obligation. Selon Chahida Al-Baz, directrice du Centre des recherches arabes et africaines, l’identité nationale a connu une métamorphose en raison de l’émergence d’une nouvelle couche sociale huppée qui a donc créé son propre univers : écoles, quartiers, affaires. Aujourd’hui, plusieurs types d’écoles islamiques ont été créés, prônant un islam à l’américaine, répondant aux aspirations de la nouvelle couche capitaliste.

Des parents aisés ont donc choisi d’inscrire leurs enfants à l’Ecole internationale islamique où les frais de scolarité s’élèvent à 30 000 L.E. par an. « Les enfants apprennent le Coran trois fois par semaine, font leurs prières à la mosquée de l’école et exercent aussi des activités qui les initient à la bonne conduite et la nécessité de tendre la main aux pauvres », commente Samah, professeure dans une école internationale islamique. Cette école tente de changer le discours traditionnel. C’est à travers des pièces de théâtre ou le dessin que les élèves apprennent les préceptes de la religion. Selon Samia, une autre professeure, les élèves semblent s’intéresser plus aux activités qui développent leurs aptitudes à réfléchir, à exprimer leur avis et à prendre une décision. Elle ajoute que l’option de s’ouvrir au monde tout en veillant aux principes religieux permet de préserver l’équilibre d’une personne.

Cette école tente de créer un terrain commun entre certaines valeurs occidentales et plusieurs principes de l’islam. « Lorsqu’on a voulu choisir la tenue vestimentaire des grandes classes, les élèves concernés se sont réunis et chacun a dessiné un modèle à proposer. Résultat : la tenue a été créée par eux-mêmes. Une façon de leur apprendre à s’exprimer », dit Samah, une enseignante d’anglais qui porte une longue tunique très ample.

Dans cette école, les professeurs sont de différentes nationalités. On n’exige pas qu’elles soient toutes de confession musulmane mais doivent être très pédagogues et maîtriser la langue anglaise. Elles doivent obéir à certaines règles du point de vue vestimentaire. La pudeur est une obligation. Pas de manches courtes, pas de pantalons serrés, pas de maquillage et pas de savates. Voilà les critères sur lesquels les professeurs doivent s’entendre avant de signer le contrat de recrutement à l’école.

Dans une autre école d’Al-Tagammoe Al-Khamès, c’est le grand luxe. Les restaurants accueillent les élèves, où filles et garçons sont mélangés. Mais en classe, les deux sexes sont séparés à partir de la sixième année primaire. Le cours de sport comporte des restrictions. Les filles doivent porter des pantalons sous leurs uniformes pour cacher leurs jambes. « L’âge de puberté est une période délicate, c’est pour cela que l’on sépare les filles des garçons à partir de la sixième primaire », explique Samah dont la fille de 12 ans entame l’adolescence. Elle ajoute : « Grandir dans une atmosphère saine imprégnée de religiosité est la meilleure solution pour éviter les problèmes qui peuvent surgir durant cette étape critique ». Durant le cours d’éthique, Hanan entretient des discussions enrichissantes avec ses élèves tout en cherchant à les initier aux cultures américaine et islamique. Ce professeur comprend parfaitement la nature critique de cette période. Aujourd’hui, les élèves abordent des sujets tabous comme l’amour : « J’apprends aux enfants que les sentiments au cours de cette période ne sont pas stables, tout en citant des exemples d’expériences vécues ».

Un genre de formation que les familles apprécient, d’autant que leurs enfants sont souvent devant la télé ou Internet. Amani, parente d’élève, pense que les enfants ne sont pas à l’abri des idées libérales. Le rôle de l’école est de trier les bonnes des mauvaises. « Par exemple, au niveau du langage, on interdit aux élèves d’utiliser des mots provenant du jargon usuel des jeunes, à l’exemple de réwech, tahn et akher haga », précise Amani.

Al-Azhar s’associe

Et ce n’est pas tout. A son tour, Al-Azhar, la plus importante institution religieuse, est entrée en jeu. Des écoles privées ont reçu son accréditation. Leur objectif est de former des générations capables de s’adresser aux différents pays du monde, non arabophones et ayant une image erronée de l’islam. L’institut Tajan, construit dans une ville nouvelle, accueille des élèves contre 10 000 L.E. par an. Omar, le père d’Israa, vient de déposer les papiers de sa fille pour la faire entrer au jardin d’enfants. « L’enseignement d’Al-Azhar provoque du stress, car l’on insiste pour que les enfants apprennent par cœur le Coran dans le cycle primaire. Alors que les autres écoles islamiques privées ne s’intéressent pas à cette notion », affirme cet ingénieur avec une barbe, qui lorsqu’il parle à une femme, baisse les yeux. Ici, la formation semble plus sévère. Les filles sont séparées des garçons dès le début. Le cheikh Moustapha, vêtu d’une djellaba, fait réviser un verset du Coran à ses élèves âgés entre 9 et 10 ans. Cet institut diffère de ceux d’Al-Azhar. Les salaires des professeurs ont doublé et le nombre d’élèves par classe a été réduit de moitié.

Une nouvelle tendance qui semble avoir bouleversé le quotidien des familles égyptiennes de classe aisée. Cette dernière envoyait autrefois ses enfants dans des écoles catholiques. « Aujourd’hui, les parents qui ont les moyens peuvent choisir l’école qui convient le mieux à leur enfant. De mon temps, il n’existait que les écoles des sœurs pour ceux qui voulaient apprendre une langue étrangère, surtout le français », affirme Réhab, tout en poursuivant : « Pourquoi doit-on forcer des élèves de confession musulmane à réciter la même prière que leurs camarades chrétiens avant de commencer les cours ? ».

Le Dr Emad Gad, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que la discrimination sociale entre les Egyptiens est devenue évidente, lorsque par exemple les chrétiens préfèrent donner à leurs enfants des prénoms qui identifient leur identité religieuse. « Je suis de la génération qui a connu l’égalité entre les Egyptiens, j’avais des camarades à l’université qui ont découvert que j’étais chrétien par hasard », dit-il en regrettant cette époque de tolérance.

Par ailleurs, Mona, mère de deux enfants dans une école islamique, ne se contente pas de l’enseignement que ses enfants suivent actuellement dans leur école. Une fois par semaine, un cheikh vient à la maison pour leur faire apprendre à réciter le Coran par cœur et à pratiquer les 5 prières.

Dina Ibrahim

 




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