Al-Ahram Hebdo, Visages | Visions croisées

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 Semaine du 20 au 26 avril 2011, numéro 867

 

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Visages

Viviane Hamy, éditrice française de la maison d’édition qui porte son nom, revient en Egypte avec le roman Jours d’Alexandrie de Dimitris Stefanàkis. Entre souvenirs et fiction romanesque de sa ville natale, son imaginaire se heurte à la réalité d’un pays qui se voit renaître.

Visions croisées

Lectrice avant d’être éditrice, Viviane Hamy est toujours portée par la passion de lire et de redécouvrir non seulement les littératures mais aussi les hommes. Une passion qui est peut-être née avec ses origines mixtes.

Ses arrière-grands-parents maternels sont algériens et ceux du côté paternel sont d’origine iraqienne. « Après deux ou trois générations et avec le décret Crémieux, mes parents maternels ont eu la nationalité française. Ma mère a eu donc la nationalité française et on l’a eue à notre tour, mes frères et sœurs et moi. Mon père, quant à lui, est né en Egypte. Mais, il était apatride ».

En 1956, avec l’intervention militaire contre l’Egypte, comme tous les étrangers, la famille Hamy a dû quitter l’Egypte. Et comme toute la communauté juive avait comme point de rencontre sa judéité, la famille paternelle est partie à destination d’Israël. Quant à celle de sa mère, elle a été rapatriée en France. « Né en Egypte, mon père aurait pu demander la nationalité égyptienne, mais il ne l’a pas fait. Et là, il y a un grand point d’interrogation. Je pense que mon père, qui était propriétaire d’un magasin de photographie, ne trouvait aucun problème à vivre sans nationalité en Egypte. Des juifs d’Egypte en France m’avaient même raconté que jusqu’à 1943, il y avait entre la Palestine et l’Egypte une liaison ferroviaire qui permettait de rendre facilement visite aux cousins et amis ».

Rentrée en France, sa famille n’avait presque rien. « Ma mère a dû aider mon père. Ils avaient un magasin de produits orientaux : des olives, des pistaches, du fromage, etc. ». Il paraît que malgré la distance, le parfum de l’Orient continuait à embaumer les lieux et les souvenirs habitaient toujours les esprits. « Si je suis née à Alexandrie, c’est parce que je suis née au mois d’août, la saison des vacances d’été pendant laquelle nous avions l’habitude d’aller chez grand-mère qui habitait Alexandrie. Il s’agit d’un œcuménisme tout à fait extraordinaire. Il y avait des musulmans, des catholiques, des juifs et tout se passait très bien. Ma mère me racontait que c’était une société très ouverte ».

Hamy souligne qu’elle est impressionnée par les souvenirs de sa mère aussi bien que par son caractère. « Elle partait très tôt le matin pour aider mon père et ne rentrait que le soir. Elle n’avait que le dimanche pour s’occuper de sa famille, mais elle prenait soin de tout ». Jeune, Viviane apprenait les leçons de vie de sa mère : ne jamais mettre les gens dans des cases suivant leur apparence. « On avait peu d’argent, mais ma mère préférait avoir un seul pull de bonne qualité plutôt que plusieurs. Je me rappelle encore son pull bleu ».

Timide et solitaire, Hamy préférait passer son temps à lire. La lecture était cette petite fenêtre qui lui permettait de jeter un regard sur l’autre et de déchiffrer l’incompréhensible. « J’ai commencé à découvrir Dostoïevski avec ces questions compliquées comme la culpabilité ; je ne le comprenais pas très bien à l’époque mais il m’a beaucoup attirée. A force de lire, je découvrais que plus je lisais, plus le monde s’ouvrait. Et plus je me rendais compte de la nécessité de mettre les choses en relation : un livre anglais en relation avec un livre français, un livre du XIXe siècle où il n’y avait pas de voitures avec un livre du XXe siècle ». Des questions ne cessaient en outre de me traverser l’esprit : « Comment on lit et comment on écrit ? En quoi consiste le rôle du lecteur dans la lecture ? ».

Licence de droit en poche, Hamy décide de travailler dans le domaine de l’édition. Là, elle avoue avoir découvert un métier qui fait partie de « notre vie », qui « nous constitue ». « Pendant une année, j’ai cherché un travail dans les maisons d’édition. Parallèlement, j’ai appris à taper à la machine, j’ai travaillé dans des cabinets d’avocats et puis un jour dans une toute petite maison d’édition, on avait besoin de quelqu’un pour aller voir les libraires ». C’est ainsi que Hamy commence sa carrière.

Elle a fait la découverte de toute une réalité économique qui se cachait derrière la production du livre. « Mais aussi toute une série de rapports humains : le rapport entre l’auteur et l’éditeur, l’éditeur et les imprimeurs, l’éditeur et les libraires, les libraires et les journalistes, etc. », souligne-t-elle. Puis elle ajoute : « Etre éditeur n’était donc pas pour moi le seul rapport avec l’auteur. C’est plutôt toute la dimension humaine du métier pour donner au lecteur cet objet magique qui va lui permettre de s’ouvrir sur le monde ».

L’année 1976 a marqué sa vie professionnelle. Elle a fait une rencontre avec un exilé de Yougoslavie qui était éditeur dans son pays. Il lui a ouvert la porte sur la littérature de cette partie du monde. « Cette partie de l’Europe a une histoire qui a fait que les êtres humains étaient dans l’obligation de trouver dans la littérature un lieu de liberté. C’est aussi une littérature qui touche à la dimension métaphysique de l’homme et cherche à donner une signification au sens de vie ». Après avoir frayé des sentiers dans l’univers du livre, Hamy avait toujours la rage de présenter aux lecteurs des livres qu’ils méritent. Dans le domaine de la littérature française, ses éditions s’attachent à découvrir et à redécouvrir des écrivains comme Léon Werth et François Vallejo, sans oublier Marcel Sembat et Gilles Heuré. Dans le domaine étranger, elle n’hésite pas à nous présenter des ouvrages de Hongrie et d’Espagne, en passant par la Russie et l’Italie.

« Pour moi, la littérature est universelle. Il est donc important de la confronter. Même si je suis française, j’aimerais découvrir la littérature française, aller sur des chemins peu fréquentés du côté de la vieille Europe », affirme-t-elle. « La grande littérature pour moi, c’est celle qui parvient à donner cette vision : l’être humain est toujours l’être humain, quels que soient le temps ou l’espace. Il a un esprit qui lui permet de réfléchir, d’apprendre, de s’exprimer mais aussi d’accepter l’autre qui lui semble différent. La différence doit être une source d’enrichissement et non pas un appauvrissement », dit-elle aussi.

Viviane Hamy a entendu parler d’une Egypte où la diversité était une source de richesse culturelle et idéologique. Elle vient de publier dans une version française le roman Jours d’Alexandrie de l’auteur grec Dimitris Stefanàkis, qui retrace une chronique de trois générations au sein d’une ville cosmopolite qu’était l’Alexandrie de la première moitié du XXe siècle.

Est-ce par passion ou nostalgie que Viviane Hamy a publié ce roman ? « A trois ans, on n’a pas bien sûr de mémoire. Alexandrie m’était toujours un mythe. Et comme tous les mythes, il s’appuie sur une réalité. En 2007, l’éditrice grecque de Dimitris Stefanàkis m’a proposé le livre, consciente qu’il allait m’intéresser, car je venais de publier un livre italien qui couvre la même période, à savoir la première moitié du XXe siècle. Elle m’a raconté les incidents qui se passaient à Alexandrie. Et comme ma mère venait de mourir, elle qui y avait vécu une bonne part de sa vie, cela m’a fait un drôle d’effet émotionnel, surtout que l’éditrice ne savait pas que j’étais née là-bas. Au fur et à mesure que je lisais le livre, les souvenirs que ma mère m’avait racontés me revenaient à l’esprit. J’ai acheté le livre ».

Ce livre a beaucoup impressionné l’éditrice qui affirme ne publier que les livres qu’elle aime et qui laissent le lecteur poser les mêmes questions que celles des protagonistes. « Jours d’Alexandrie fait partie de ces livres. C’est un livre intelligent ».

A 57 ans, Viviane Hamy revient en Egypte après l’avoir quittée à l’âge de trois ans. Cette fois, elle porte avec elle les souvenirs et le roman Jours d’Alexandrie. « Avant d’aller visiter les musées qui me passionnent, j’avais très envie de voir comment vivent les gens. J’ai été bouleversée par ce contraste en Egypte, ce fossé entre les classes sociales, la présence d’hôtels luxueux et en même temps une pauvreté atroce. La seule solution possible réside dans l’écoute de l’autre, le regard, la conscience, la lucidité. Celui qui accédera au pouvoir devra être suffisamment exigeant avec lui-même pour ne pas oublier ces gens misérables. Les jeunes Egyptiens qui ont fait cette révolution devraient suivre ce parcours ».

Lamiaa Al-Sadaty

 

 

 

 

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Jalons

6 août 1953 : Naissance à Alexandrie.

1977 : Maîtrise de droit.

1978 : Début de carrière dans le domaine de l’édition.

1990 : Fondation de la maison d’édition qui porte son nom et parution des trois premiers titres : Terre tranquille d’Armande Gobry-Valle, Filles des pierres de Cécile de Tormay (traduit du hongrois) et Mémoires du capitan Alonso de Contreras (traduit de l’espagnol).

Avril 1994 : Création de Chemins nocturnes, la collection policière retenant exclusivement de jeunes auteurs français inconnus.

2011 : Edition du roman Jours d’Alexandrie de Dimitris Stefanàkis, traduit du grec par Marie Roblin-Cassabaloglou, traduit et publié avec le concours du Centre national du livre.

 

 




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