Festival de la danse moderne.
Contrairement à sa discipline rebelle, la danse moderne
puise dans les formes « traditionnelles » à travers cette
11e édition qui vient de s’achever.
Aux
rythmes des peuples
Le
hip-hop, le break dance, le tango, le flamenco, la danse
africaine … étaient présents durant cette 11e édition du
Festival international de la danse moderne. Au cours de
trois semaines, des spectacles ont témoigné de la recherche
orientée des chorégraphes vers le folklore et la tradition,
tout en mettant en évidence la beauté du geste. La danse
moderne, en restant loin du ballet classique, a rejeté
sa nature rebelle et a renoué des liens avec des types de
danses spécifiques, aux couleurs et rythmes des peuples.
La
compagnie tunisienne de Sybel Ballet théâtre, dans son
spectacle intitulé « Houma », a présenté un show de hip-hop
tout court. La chorégraphe Syhem Belkhodja a associé cette
danse d’origine américaine à l’esprit très contestataire des
jeunes dans les quartiers populaires tunisiens. Dans « Chut
», donné par la même compagnie, il y avait certains
mouvements adoptés du hip-hop et du break évoquant un esprit
de conflit, de concurrence et de colère. Les jeunes
protestent par leurs corps.
Ce fut
de même avec la compagnie française Pokemon
Crew. Les danseurs ont réussi à transformer cette danse de
la rue si violente en une chorégraphie qui retrace
l’actualité politique et économique, adoptant un langage
particulier. « Le théâtre a toujours ses codes qu’on doit
respecter, quant à la danse, c’est l’enjeu de chaque danseur
», explique le chorégraphe et danseur de la compagnie, Ryad
Fghani.
« Le
hip-hop est la danse des gangs, de la rue. Des rythmes forts
et des mouvements rapides, c’est beau … mais il ne faut pas
oublier la danse », souligne Walid Aouni, directeur du
festival.
Le
flamenco s’est fusionné avec la chorégraphie moderne
à travers le spectacle exceptionnel Florescencia de la
compagnie suisse Flamencos en route. La chorégraphe et
directrice de la compagnie Birgitta Luisa Merki suit bien
les traces de son professeur, Susanna, danseuse légendaire
de flamenco. Sans robes colorées ni châles traditionnels,
les danseuses portent des robes ou des jupes vastes de
couleurs sobres qu’elles manipulent bien en dansant, afin de
changer leurs postures. Parfois, le mouvement des danseurs
gagne une expression corporelle amplifiée avec la danse
moderne. Et parfois une danseuse moderne, comme Karima Nayet,
s’exprime juste par son corps face à un danseur de flamenco.
Elle monte sur ses pieds et, lui, il se met à danser le
flamenco, excellant le jeu des claquements des pieds. Une
chorégraphie assez romantique et émotive.
La danse
africaine aussi s’est manifestée à travers Thermomètre du
chorégraphe égypto-tchadien Moustapha Haroune. Sa double
culture est de mise. La fusion est donc nécessaire.
Le
disco, le tango, le moderne, les gestes rituels de
lamentation ou autres étaient présents dans le spectacle de
l’Egyptienne Salli Ahmad, Ce n’est pas un rêve. Pour une
première création, Salli, à l’origine danseuse star de la
troupe Danse théâtre de l’Opéra du Caire, a voulu montrer
toute son expérience en matière de danse. Malgré
l’originalité de son spectacle, la pluralité des danses
constituait un surplus.
Loin des
danses traditionnelles, certains spectacles ont montré une
chorégraphie bien élaborée où la danse se mêle aux gestes
d’acrobatie, misant sur la flexibilité et la souplesse des
danseurs. La société dit, de la compagnie grecque Migma, a
dévoilé une expression corporelle enthousiasmée, énergétique
et ardente. Le spectacle a dénoncé les préjugés et les
frustrations qu’impose la société aux jeunes. Les corps des
danseurs accrochés à des cordes élastiques
permettaient de grands sauts et des spirales en l’air.
La
compagnie américaine de Natasha Carlitz a fait le pari de la
danse pour la danse ; les gestes d’acrobatie ont donné lieu
à des postures originales.
Même
dans La feuille de l’olivier de la Tunisienne Nawal
Skandrani, la danse retrouvait son énergie. Elle se mêlait
aux projections vidéo et aux poèmes de Mahmoud Darwich entre
autres.
«
Actuellement, on ne nie pas que les concepts de la non danse
sont de plus en plus répandus en Europe. Mais on a toujours
envie de voir de la danse », estime Walid Aouni. Certes, les
spectacles de cette édition, par rapport à ceux des deux
années précédentes, ont fait revivre les danses
traditionnelles.
May
Sélim