Guinée. Tensions, suspicion de fraude généralisée, volonté de recours auprès de la Cour suprême : la mise en place du second tour de l’élection présidentielle pourrait s’avérer compliquée.
Un second tour indéterminé
Comme l’on pouvait s’y
attendre, les Guinéens devraient, à nouveau, se rendre aux urnes pour élire leur président.
Deux noms se sont imposés lors
du premier tour : ceux de l’ex-premier ministre Cellou Dalein Diallo et de l’opposant à tous
les régimes depuis l’indépendance,
Alpha Condé. Mais ces résultats provisoires,
annoncés vendredi soir par la Commission Electorale
Nationale Indépendante
(CENI), ont déjà fait l’objet
de contestations. Une situation qui se dresse comme un
obstacle supplémentaire dans
la progression du pays sur
le chemin de la démocratie.
77 % des électeurs
se sont déplacés le 27 juin pour participer à la première élection libre du pays, après un demi-siècle de dictatures, selon le président de la commission électorale,
Ben Sékou Syllan. Avec 39,72 % des suffrages, c’est finalement Cellou Dalein Diallo de l’Union des Forces Démocratiques
de Guinée (UFDG) qui arrive en tête
de ce premier tour. Il est directement suivi par le vétéran Alpha Sondé, représentant du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), qui a obtenu 20,67 % des voix. Les deux hommes étaient donnés comme les favoris de ce
scrutin. En troisième
position vient le leader de l’Union
des Forces Républicaines (UFR), Sidya
Touré, avec 15,6 %.
Des résultats
dévoilés avec deux jours de retard par la Céni, officiellement en raison de problèmes
logistiques et de sécurité. 48 heures supplémentaires de suspens qui n’ont fait qu’amplifier les
suspicions de fraudes. Car si
les observateurs de la communauté
européenne se sont dits globalement satisfaits de ce premier tour, la
plupart des partis en lice ont dénoncé des « fraudes massives » et des « bourrages d’urnes ». Jeudi, sur le sujet,
le président de la Céni, cité par l’AFP, se voulait pourtant rassurant :
« Beaucoup de cas de fraudes
» ont été enregistrés mais les personnes concernées ont été « appréhendées
et mises à la disposition
de la justice ».
Convoitises
Mais il n’a
pas convaincu. D’autant que la Céni elle-même
est visée
par des accusations de « sabotage » émanant de l’opposant Alpha Condé, cité par l’AFP. Selon le RPG, le taux de
participation dans environ 150 bureaux
de vote de Haute-Guinée (où
résident une grande partie de ses partisans, de l’ethnie malinké, NDLR) est trop faible. Comme la loi l’y
autorise pendant huit jours avant que
les résultats ne soient déclarés définitifs, le parti a donc décidé, aux dires de son porte-parole, de déposer un recours
auprès de la Cour suprême.
Cette décision et la nouvelle période d’attente qu’elle engendrerait pour la
validation des résultats (la Cour
suprême doit rendre son verdict dans les trois jours suivant
sa saisine, NDLR) ne feraient qu’exacerber
des tensions interethniques déjà vives.
La situation pourrait alors
dégénérer en fonction de la
décision prise par l’instance chargée de régler les contentieux électoraux. Notamment si elle choisit d’invalider le scrutin. En effet, vendredi soir, à l’annonce des résultats, les partisans de Diallo
scandaient déjà des « on a gagné ! » dans la banlieue de
Diallo, cité par l’AFP, a par ailleurs appelé vendredi soir ses « compatriotes des autres partis qui n’ont pas eu la chance d’aller au second tour à se joindre » à lui.
Mais, dans le cas d’une
confirmation par la Cour suprême
des résultats donnés par la
Céni, c’est surtout Sidya Touré,
le troisième homme de cette présidentielle, qui fera l’objet de toutes les convoitises.
Sandra Gérard