La discipline et le chaos
Morsi Attalla
On
ne peut traiter les catastrophes et les crises en se
lamentant, en maudissant le mauvais sort ou en s’empressant
de liquider les comptes et de mélanger les cartes. Il vaut
mieux discuter les événements avec raison et logique. Le
dernier accident de Matrouh qui a fait de nombreuses
victimes est l’occasion de poser quelques questions.
Qu’est-ce qui impose la discipline et l’ordre dans toute
société ? Est-ce le respect de la loi ou bien l’autorité du
pouvoir ? Ou bien la discipline et l’ordre sont-ils le
reflet d’un certain degré de conscience chez les citoyens
qui réalisent que l’alternative ne serait autre que le chaos
? Le chaos qui permet tout, qui impose la loi de la jungle,
qui permet à la force de tout faire, car la force devient
seule maître de la situation, qu’elle prenne la forme de
l’argent, du pouvoir, de la force physique ou sociale.
Le respect de l’ordre et l’assiduité dans les emplois
publics sont les principales caractéristiques de toute
société développée. Le respect de l’ordre général commence
par le respect strict des principes et règlements qui
régissent la société au bénéfice de l’intérêt public.
L’Etat, dans les mœurs des pays développés, ne représente
pas seulement le gouvernement, le pouvoir législatif et le
pouvoir juridique. Il représente toutes les institutions de
la société civile, publiques ou privées.
A l’ère de la mondialisations, l’Etat est devenu un amalgame
semblable à un tissu pouvant rassembler des fils différents
et contradictoires mais qui, à la fin, forment un vêtement
pouvant être porté en été comme en hiver. Quand les citoyens
ressentiront qu’ils sont tous partenaires de ce tissu,
l’étendue de leurs droits s’élargira au point qu’il n’y aura
plus de plafond aux ambitions légitimes. En contrepartie,
tous les individus accepteront d’assumer leurs devoirs
envers la société chacun selon ses capacités.
Partant, il est indispensable de renforcer le sentiment dans
toutes les tranches de la société que leur sécurité, leur
stabilité, leurs intérêts et leur prospérité sont
conditionnées par le respect de ce qui est public comme de
ce qui est privé. Par conséquent, le maintien de la propreté
des rues et le respect du code de la route deviendront
parallèles au maintien de la propreté des domiciles. Ils
doivent aussi ressentir que le respect de l’ordre public et
la préservation de l’esthétique des lieux auront des
retombées positives sur leurs vies lorsque le tourisme et
les marchés s’épanouiront. Cependant, cette sensibilisation
ne suffit pas. L’autorité du pouvoir est indispensable pour
confirmer le respect des lois et des règlements et pour
activer la règle de la récompense et de la sanction pour
tous, sans exception.Al-Ahram HebdoOn ressentait dans la
manière dont la presse a abordé l’accident de Matrouh le
désir de semer la déception pour faire croire que la réforme
est impossible. Or, celui qui se voit apte à cerner le
problème et à en découvrir les remèdes est appelé à
respecter une règle fondamentale, celle que le remède doit
être à la hauteur du problème après un diagnostic minutieux
sans exagération ni sous-estimation.
Nous ne devons pas céder à un vice qui menace toute notre
vie, appelé la négligence. Il serait fort dangereux de
reproduire l’atmosphère de désespoir sous l’émotion d’un
accident, via des articles diffusant la colère et le refus
étouffés.
Il faut avouer que l’accident de Matrouh ainsi que les
accidents similaires qui l’ont précédé reflètent un
comportement général qu’on a laissé se répandre. Il est
indispensable que chaque citoyen ressente que les intérêts
de la patrie sont ses propres intérêts et qu’il agisse à
partir de ce principe.