Al-Ahram Hebdo, Livres | Existences en parallèle
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 Semaine du 6 au 12 août 2008, numéro 726

 

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Livres

Anthologie. A travers l’écriture autobiographique de nouvellistes, romancières et poétesses arabes, un nouvel ouvrage permet de découvrir différentes facettes de l’identité féminine.  

Existences en parallèle 

A l’heure où le féminisme est en perte de vitesse, à l’heure où les femmes en Occident occupent désormais toutes les positions sociales : de chef d’Etat ou ministre jusqu’aux marines présents en Iraq, le salut de cette théorie semble pour beaucoup résider dans les mains de la femme « arabe libérée ».

La transposition de cette doctrine des années soixante vers les pays du Moyen-Orient apparaît comme un but noble, presque humanitaire, prônant une voie féminine indépendante devant sortir du carcan qui l’emprisonne pour se dévoiler au grand jour.

C’est contre cette simplification extrême, voulant imposer un discours féministe aux grandes figures littéraires et artistiques du monde arabe féminin que se dresse le recueil d’essais dirigé par Nawar Al-Hassan Golley : Arab Women’s Lives Retold (une relecture de la vie des femmes arabes). Qu’elles écrivent en français, en anglais ou en arabe, qu’elles soient égyptiennes, algériennes, iraqiennes ou palestiniennes, exilées, colonisées ou emprisonnées, elles n’ont qu’un but : écrire leur histoire, la raconter avec leurs propres mots.

Et ce sont bien leurs mots qui sont analysés dans ce recueil par un ensemble de professeurs renommés. Le livre peut d’ailleurs rebuter par sa rhétorique universitaire et ses références peu accessibles à ceux qui ne sont pas familiers avec Foucault, Fanon ou Irigaray, mais reste l’essentiel : un ouvrage de référence introduisant un vaste panel d’œuvres contemporaines par des femmes déjà reconnues et appréciées dans leurs pays d’origine comme à l’étranger.

Sans préjugés, mais avec une certaine rigueur, l’ouvrage nous explique, entre autres, le monde silencieux de Nina Bouraoui : « C’était la guerre. Le FLN. L’OAS. Les attentats (…). Des corps d’hommes sans têtes. Et des têtes sans corps. Qui n’a rien vu ? ». Benaouda Lebdai nous montre le chemin, il analyse, décortique, politise les mots de l’auteur, précise que Nina Bouraoui, qui écrit en français, est cette tête coupée de ses racines algériennes. Comment son corps imprégné de rythmes et de mélodies algériennes peut-il s’exprimer au travers du français, langue sans accent et saccadée à laquelle il manque une douceur mélancolique et un aspect chantant ?

Que la trame soit autobiographique ou fictionnelle, c’est bien de la vie de 14 femmes artistes qu’il s’agit. Ces femmes habitées par une déchirure profonde font légion dans les premières parties de l’ouvrage. Cette déchirure peut avoir plusieurs causes : elle peut être linguistique, (Assia Djebar, Nina Bouraoui) géographique, (Leïla Ahmad, Etel Adnan, Raimonda Tawil) ou religieuse (Leïla Abouzeid), mais elle est toujours réelle, bien vivante dans la mémoire de l’auteur. Mais être déchiré en changeant de langue, d’identité, d’histoire ou de culture, c’est aussi la possibilité de se réconcilier soi-même, de trouver des voies permettant l’hybridité sans le reniement. La division d’abord, puis la réconciliation par l’union, rendue possible par l’écriture.

Changer de pays, s’exiler, c’est aussi l’occasion de retrouver sa culture dans un univers différent, parfois très proche de son pays d’origine. Leïla Ahmad, par exemple, retrouve son « harem cairote » dans le pensionnat pour fille de Cambridge, Girton College, en Angleterre. Là-bas, les femmes « font et sont l’autorité, (…) perçoivent le monde par leurs propres yeux et non par ceux des hommes », permettant ainsi l’émergence d’un discours uniquement féminin, d’un discours qui n’emprunte pas à celui des hommes, bref, un discours inconsciemment féministe, qui se retrouve d’ailleurs largement dans l’œuvre de Fatima Mernissi : Rêves de femmes : une enfance au harem.

La fiction aussi possède sa part d’autobiographie : « Madame Bovary, c’est moi », disait Flaubert. Si Ahdaf Soueif ne se met pas elle-même en scène dans son roman Dans l’œil du soleil, le contexte est, quant à lui, un reflet fidèle de la réalité. Entre ces deux genres (autobiographie et fiction), la frontière est floue, parfois aussi fine qu’un fil de soie. Lorsque Mohja Kahf écrit : « Oui, je parle anglais. Oui, je porte des explosifs. Ils se nomment les mots. Et si vous n’effacez pas vos préjugés, Ils vous chasseront au loin », est-ce d’elle dont il s’agit ? Des Arabes américains ? De tous ? Car qui ne porte pas d’explosifs ?

D’un bout à l’autre de la Méditerranée, d’Europe aux Amériques, de la rue algérienne aux Palaces royaux de Jordanie (lire Souvenir d’une vie inattendue de Reine Noor) tous les milieux sociaux et tous les contextes sont évoqués dans les différents essais qui forment le recueil publié par Nawar Al-Hassan Golley. Pour se retrouver dans cette large diversité, la Relecture de la vie des femmes arabes constitue un excellent guide, à la fois précis et abordable, pour s’initier à la littérature et à la poésie féminine arabe.

Alban de Menonville

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Arab Women’s Lives Retold

de Nawar Al-Hassan Golley,

Editions AUC Press,

Book of Modern Arabic Literature,

2008.

 




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