Alaa Fahmi,
PDG de la Poste égyptienne, fait le point sur les résultats
du plan de restructuration lancé il y a deux ans pour
améliorer l’image et les compétences de cet organisme.
« La situation s’est beaucoup améliorée »
Al-Ahram Hebdo : Dès votre nomination à la tête de la Poste
égyptienne en 2006, vous avez lancé un plan de
restructuration de l’organisme, quels sont les contours de
ce plan ?
Alaa Fahmi :
Notre ambition était de changer l’image et le rôle de la
poste d’un organisme de service à une entité
socio-économique. Pour réaliser cet objectif, nous étions
obligés d’entreprendre deux démarches : l’amélioration des
compétences du personnel et des services. Pour le premier
volet, nous offrons actuellement toutes sortes de formation
technique, financière et technologique à tous les employés.
Dans le domaine de l’infrastructure, nous avons modernisé 1
500 bureaux sur un total de 3 703 bureaux au niveau
national. 2 000 bureaux ont été liés par un réseau
informatique. Nous avons conclu un accord avec le premier
opérateur allemand SAP AG pour nous installer dans les
quatre prochaines années un réseau informatique propre à la
poste, selon les normes internationales, doté d’un budget de
60 millions de L.E. Quant aux services, la poste possède
aujourd’hui une gamme complète de services financiers tels
que les caisses d’épargne à court terme et à long terme et
les différents modes de paiements tels que le paiement en
espèces, par chèques, par timbres, par cartes de crédit et
enfin par Internet. Ce qui nous manque vraiment, c’est le
paiement via portables, et nous déployons les efforts pour
introduire ce service. De même, nous avons introduit des
nouveaux services tels que le livret d’investissement de la
poste grâce auquel le client pourra investir en Bourse.
— Dans le cadre de cette restructuration, vous avez
conclu un jumelage avec la Poste française. Comment
évaluez-vous cette expérience ?
— Cette expérience était le meilleur moyen pour la
restructuration de la Poste égyptienne. Parmi les résultats
les plus significatifs, c’est l’accord conclu en décembre
dernier avec la partie française pour la création d’une
société mixte qui va offrir un service clients dans les deux
pays. Tout d’abord, il s’agit notamment de charger la poste
égyptienne d’exposer et de commercialiser les produits
français des petites et moyennes entreprises en Egypte. Par
ailleurs, la Poste française aura la même mission non
seulement en France mais en Europe. Il existe chez nous des
ateliers d’artisanat pharaonique installés dans le sud de
l’Egypte qui sont privés de marchés extérieurs. Donc,
chacune des deux postes sera le portail de l’autre. Quant au
deuxième type de services, il s’agit notamment de permettre
aux citoyens de chaque pays de profiter des services
avantageux présentés dans l’autre pays, quelqu’un qui vit en
Egypte pourra ainsi ouvrir un compte en France. Le capital
de cette nouvelle entité, qui sera opérationnelle en juin
prochain, n’est pas encore déterminé, mais il sera partagé à
moitié entre les deux côtés.
— Quels étaient les critères de votre choix pour ce
jumelage et pourquoi la Poste française ?
— La Poste française n’était pas notre objectif. Au moment
du lancement de ce programme de jumelage par l’Union
européenne, nous avons présenté à la Commission européenne
une demande de jumelage avec l’Allemagne en particulier, car
la performance de la Poste allemande est très bonne et
significative.
Elle a réussi pendant les 10 dernières années à garder son
identité de poste et en même temps passer d’un organisme
gouvernemental en une grande institution économique. Mais la
Commission européenne nous a conseillé d’entamer un jumelage
avec la Poste française et c’était d’ailleurs un bon choix.
Car nous avons découvert que la restructuration du système
de la Poste égyptienne ressemble à celui de la Poste
française. Cette dernière a commencé son plan de
modernisation il y a trois ans seulement, alors que nous
avons commencé il y a deux ans ce qui facilite les choses.
Le concept de jumelage est un processus de transfert
réciproque d’informations et d’expertises entre deux
institutions qui devront être à des niveaux plus ou moins
semblables.
— Il est étonnant quand même de savoir que l’expertise
égyptienne est demandée en France …
— La partie française était intéressée surtout par les
services sociaux qui n’existent pas là-bas. Notamment, le
paiement des différents types de retraites présentées par la
poste. De même, le service de soutien aux femmes qui
travaillent à la maison, selon lequel la Poste égyptienne
s’occupe de commercialiser et vendre leurs produits. Il
existe aussi l’initiative récente de logement subventionné «
construire sa maison », selon laquelle la Poste est le
représentant de la Banque de logement et d’urbanisation qui
collecte les formulaires des citoyens.
— Et de quel genre d’expertise française la Poste
égyptienne a-t-elle bénéficié ?
— Nous essayons en premier lieu de profiter des critères de
contrôle et de garantie de qualité des services présentés au
public. La Poste française possède également un système
développé de marketing qui n’existe pas chez nous. Nous
avons commencé dès la signature du contrat de jumelage en
février dernier d’envoyer nos employés en France pour suivre
des stages de formation.
— La Poste égyptienne était pendant des années parmi les
organismes déficitaires. Quelle est la situation actuelle
après l’introduction des nouveaux services ?
— La situation s’est beaucoup améliorée. Il suffit de noter
que le l’excédent budgétaire a presque doublé dans les deux
dernières années pour atteindre 240 millions de L.E. en
2007. Ce surplus provient notamment de l’augmentation du
total des transactions financières de 137 millions de
transactions en 2006 à 151 millions en 2007. Par ailleurs,
l’organisme a réussi à collecter 270 millions de L.E. dans
deux mois seulement du lancement de livret d’investissement
de la poste en novembre dernier. C’est un bon indice qui
marque l’augmentation des ressources de l’organisme. De
même, nos clients ont aussi doublé pour atteindre 22
millions, parmi lesquels 5 millions sont des clients non
permanents, contre un total de 13,8 millions auparavant.
— Il y a des rumeurs sur l’intention du gouvernement de
privatiser la poste après la restructuration. Qu’en est-il
vraiment ?
— Il n’y a aucune intention actuellement de privatiser que
ce soit partiellement ou totalement. Notre objectif majeur
est d’engager des coopérations avec les différents
ministères et des sociétés d’affaires en vue d’offrir le
meilleur service à nos clients.
— La Poste égyptienne possède 20 % de la société de
télécommunication Etisalat. En quoi ce partenariat est-il
fructueux ?
— C’était une très bonne expérience. La valeur de nos
rendements a beaucoup augmenté dans les deux dernières
années. Il y a d’autres aspects de coopération avec
Etissalat, notamment vendre les cartes de recharge de
portables dans plus de 1 500 bureaux de poste à la fin de
cette année. Actuellement, nous étudions de rentrer dans le
secteur des banques de détail.
— Comment la Poste investit-elle ses ressources
financières ?
— L’organisme investit ses ressources provenant de ses
services dans 4 types d’investissements : en actions à
risques très minimes, en obligations à rendement fixe, dans
un portefeuille rassemblant les deux types de titres
financiers et enfin en achetant des parts dans des sociétés
privées. Quant au montant des livrets d’épargne des clients
(57 milliards de L.E.), il est déposé auprès de la Banque
d’investissement local.
Propos recueillis par Gilane Magdi