Prison.
Le psychiatre Ahmad Abdallah
estime que la prison peut être une expérience enrichissante
si elle est bien exploitée. Interview.
« L’épreuve qui met à nu la nature humaine »
Al-Ahram Hebdo : Pourquoi la période d’incarcération
est-elle souvent un tournant dans la vie des individus ?
Ahmad Abdallah :
Aller en prison est un choc pour la personne qui passe par
cette expérience. La réaction diffère d’un individu à
l’autre. Pour les uns, c’est un tournant positif dans leur
vie. Pour d’autres, c’est une expérience douloureuse qui
peut les briser. Faire face à ce sort varie d’une personne à
une autre. Mais la chose la plus remarquable et la plus
fréquente, c’est de constater à quel point une personne peut
tisser un réseau de relations qui l’aident à surmonter cette
crise.
— Comment expliquez-vous que beaucoup d’écrivains,
d’intellectuels et même des gens simples ont pu profiter de
cette expérience ?
— La prison permet de se remettre en question, c’est
l’occasion de faire le bilan de sa vie, de scruter les
secrets sans limites de son âme, et surtout de nouveaux
horizons. C’est aussi une chance de découvrir ses talents
cachés, donner libre cours à son imagination et sa
créativité ou relever les défis à ce moment décisif de sa
vie.
— On dit souvent que la prison est un moyen pour mieux
découvrir les autres. Pourquoi ?
— Cette expérience met à nu la nature humaine.
L’individu apparaît sous son vrai visage durant cette
période. En prison, on côtoie des personnes de tout bord,
des plus nobles aux plus vilaines. Les masques tombent.
C’est un milieu où il est difficile de s’embellir ou de
cacher sa vérité. Une expérience douloureuse pour tous et
qui marque à jamais les détenus car les conditions de vie
sont très dures. C’est l’occasion aussi de découvrir de près
l’honnêteté de ceux qui ont des principes, l’hypocrisie,
l’orgueil et les vices chez l’être humain. Dans un dortoir
de quelques mètres carrés, il faut apprendre à vivre avec
des individus qui sont en état de faiblesse.
Propos recueillis par Dina Darwich