Gaza.
Les développements actuels où l’Etat juif tente de
réinstaller les Palestiniens hors de Palestine justifient
les pires appréhensions. Témoignages.
Les
Palestiniens, nouveaux Peaux rouges ?
La
déclaration Balfour de 1917 accordait la promesse de la
création d’un foyer juif en Palestine. Inutile de rappeler
que ce fut à l’origine de la création de l’Etat d’Israël au
détriment des Palestiniens. Depuis 1948 jusqu’à présent, la
situation de ces derniers ne fait que s’empirer, perdant au
fil des années, des crises et des conflits, des parties des
territoires qui leur restaient jusqu’à l’heure actuelle où
l’on cherche à les cantonner coûte que coûte n’importe où et
à les faire disparaître. L’Occident, les Etats-Unis en
l’occurrence, se prête à ce jeu de dénégation ou
d’aveuglement. En fait, on voudrait bien leur faire subir le
sort de la majorité noire en Afrique du Sud sous l’apartheid
ou même celui des Peaux rouges d’Amérique devenus presque
des créatures de musée. Le poète palestinien Mahmoud Darwich
l’a bien ressenti dans son poème Discours de l’indien rouge.
« Ainsi, nous sommes qui nous sommes dans le Mississippi. Et
les reliques d’hier nous échoient. Mais la couleur du ciel a
changé et la mer à l’Est a changé. Ô maître des Blancs,
seigneur des chevaux, que requiers-tu de ceux qui partent
aux arbres de la nuit. Elevée est notre âme et sacrés sont
les pâturages. Et les étoiles sont mots qui illuminent ...
Scrute-les. Tu y liras notre histoire entière. Ici, nous
naquîmes et sous peu nous renaîtrons dans les nuages au bord
du littoral azuré », (Traduction d’Elias Sanbar, Revue
d’études palestiniennes, numéro 46, hiver 1993).
Ce
maître blanc qui régimente la région a-t-il eu le moindre
sentiment humain à l’égard de ces nouveaux Peaux rouges ?
Que leur faut-il ? « Il vous manquera, ô Blancs, le souvenir
du départ de la Méditerranée et vous manquera la solitude de
l’éternité dans une forêt qui ne débouche point sur un abîme,
et la sagesse des brisures. Et il vous manquera une défaite
dans les guerres ... ».
Cette
assimilation des Palestiniens aux Indiens d’Amérique n’est
pas simplement une image littéraire. L’Amérique n’est-elle
pas impliquée dans toutes sortes de partages et de compromis
ethniques en Iraq ? Ne veille-t-elle pas à remodeler la
carte du Moyen-Orient où prédominerait Israël et tous les
autres deviendraient des vassaux ? Les Palestiniens qui sont
déjà les premiers sacrifiés ne devront espérer que des
bantoustans ou des réserves.
Cette
poésie est un reflet du réel et l’imaginaire n’y joue aucun
rôle. Ce témoignage publié dans Revue d’études
palestiniennes, 2007, est bien significatif : « Il y a des
conséquences réelles lorsqu’on est apatride et faible.
Pendant deux ans, j’ai été incapable de rentrer chez moi à
Gaza. En 2006, j’ai été bloquée dans le Sinaï avec mes deux
petits enfants, incapables de franchir la frontière fermée
entre l’Egypte et la bande de Gaza. C’est peut-être de la
folie de vouloir entrer dans cette prison, mais c’est là où
vivent ma famille et mes proches. J’ai finalement abandonné.
L’été dernier, j’ai essayé et échoué.
Pourtant,
ma destination finale n’est pas Khan Younis, mais Beit Daras.
C’est fondamentalement injuste — même après toutes ces
années — que le monde se tienne aux côtés et approuve la
décision prise par Israël d’exproprier les terres de ma
famille.
Et c’est
fondamentalement raciste de penser que je pourrais poser une
menace pour Israël si je devais revenir dans le village de
ma famille (ce que je ferais si j’en avais l’option). La
notion d’un Etat juif qui doit toujours conserver un
caractère juif — de sorte que les personnes d’autres
origines ethniques ne puissent pas vivre dans leurs foyers
ancestraux et que les groupes de minorités soient traités
comme des citoyens de seconde classe — est effroyablement
similaire à la situation de l’apartheid en Afrique du Sud,
où les différents groupes ethniques étaient traités de façon
inégale en vertu de la loi.
Si les
Noirs et les Blancs d’Afrique du Sud ont pu résoudre leurs
divergences sur la base de l’égalité, pourquoi est-il
inopportun d’insister sur le fait que les Israéliens et les
Palestiniens fassent la même chose ? Assurément, tous les
concepts modernes de la justice et de l’égalité devraient
décrier un système qui place les juifs au-dessus des
Palestiniens.
Ces deux
peuples ont énormément souffert au cours des dernières
décennies. Cependant, une solution ne viendra pas par les
puissants qui dictent les règles aux faibles, mais par une
insistance sur l’égalité entre les deux peuples ». Son
auteure est Ghada Ageel, une réfugiée palestinienne de
troisième génération. Elle a grandi dans le camp de réfugiés
de Khan Younis dans la bande de Gaza et elle enseigne aux
Etats-Unis.
Racisme
et dénégation. Darwich le dit bien :
« Je
suis l’une des voix de la fin
Je me
jette de mon cheval au dernier hiver
Je suis
l’ultime soupir de l’Arabe ».
Ahmed
Loutfi