Tunisie.
C’est le premier pays de la rive sud de la Méditerranée à
avoir intégré début 2008 la zone de libre-échange avec
l’Union européenne. Focus.
Un grand pas vers l’Europe
Le premier janvier 2008 a marqué l’entrée de la Tunisie dans
une zone de libre-échange avec l’Union européenne pour les
produits industriels. Il s’agit en fait du premier pays de
la rive sud de la Méditerranée à avoir achevé les
différentes étapes de la mise en place d’une zone de
libre-échange avec l’Union européenne. Et cela vient
couronner un long processus de préparation qui a commencé
dix ans plus tôt avec la Déclaration de Barcelone.
Quatre listes de produits avaient été établies et la levée
des taxes douanières sur les produits n’ayant pas de
similaires fabriqués en Tunisie, a été accélérée, depuis
1996. C’est ainsi que la première liste (12 % des
importations) a concerné les matières premières et les
équipements. La deuxième liste, sur une période de 5 ans, a
porté sur les produits semi-finis et une troisième liste
(sur 12 ans : 1996-2007) sur les produits ayant leurs
similaires fabriqués en Tunisie, jugés compétitifs, avec le
maintien d’une taxe de 1,72 %. La quatrième liste, touchant
les produits semi-fabriqués qui ont leurs équivalents
nationaux et ayant la capacité de concurrencer les produits
européens, comme le marbre, le papier, les pièces détachées
des automobiles et le prêt-à-porter, a été entamée en 2001,
la levée des taxes s’est effectuée sur 8 ans et s’est
achevée le 31 décembre 2007.
Pour les produits agro-alimentaires, la levée des taxes a
concerné uniquement le volet industriel du secteur, alors
que le volet purement agricole (taxe de 10,43 %), a été
maintenu pour permettre à ce secteur de gagner en
performance. Une liste négative a été établie, comportant
les produits non concernés par la levée douanière (pâtes
alimentaires, yaourt, tapis). Au cours de la prochaine
étape, la Tunisie engagera des négociations avec l’UE pour
la libéralisation des échanges dans l’agriculture et les
services.
Pour l’instant, le dada de la Tunisie c’est le jean qui est
devenu le premier produit tunisien exporté. En 2006, 396,8
millions d’euros ont été enregistrés pour plus de 36
millions de pièces exportées. Le principal débouché du jean
tunisien est essentiellement l’Europe. Les Italiens sont les
Européens qui enfilent le plus le jean « Made in Tunisia ».
La Tunisie se classe quatrième fournisseur de jean de « l’UE
à 25 » avec près de 23 % des approvisionnements après la
Turquie, le Bangladesh et la Chine. « Si les pays pétroliers
ont recours au pétrole comme arme stratégique, nous, la
nôtre avec l’Union européenne ce sont les pantalons »,
ironise un homme d’affaires tunisien.
Or, malgré ce pas notoire en matière de partenariat avec
l’UE, beaucoup d’experts craignent que cette zone de
libre-échange n’ait des retombées néfastes sur la production
nationale. Selon Moncef Mouallehi, chef d’entreprise, « les
consommateurs tunisiens se tourneront vers les produits
étrangers au détriment des produits locaux, ce qui
entraînera par la suite la fermeture d’un bon nombre
d’entreprises et une hausse du chômage », ajoutant qu’« en
l’absence de protection, la Tunisie se contentera d’être un
marché de consommation des produits de la machine
industrielle européenne ». « La zone de libre-échange entre
la Tunisie et l’Union est une arme à double tranchant »,
explique la directrice du Centre des jeunes dirigeants,
Monia Jeguirim Essaidi. Les entreprises tunisiennes pourront
désormais assurer une promotion efficace de leurs produits
en Europe, mais à la seule condition qu’elles modernisent
leurs outils et leurs processus de production. Et d’ajouter
: « Si les entreprises tunisiennes continuent d’appliquer
leurs méthodes traditionnelles et obsolètes, elles
péricliteront et disparaîtront ; ce qui entraînerait de plus
grandes difficultés sur le marché de l’emploi et les
conditions économiques en général ».
Le gouvernement se frotte les mains en arborant des chiffres
plus que bons. Les exportations vers l’Union européenne ont
enregistré une progression annuelle moyenne de 10 % de 1996
à 2006, alors que les importations ont progressé moins vite
avec un taux de 7,5 %, ce qui a influé positivement sur
l’équilibre de la balance commerciale.
Et pour apaiser la crainte du spectre du chômage, le
gouvernement souligne avec les chiffres que le nombre
d’entreprises créées en partenariat avec l’Europe est passé
de 40 à 160 par an, plus de 2 000 unités européennes opèrent
actuellement en Tunisie. La machine est donc lancée et le
bilan est à venir.
Ibtessam
Zayed