Israël.
Le gouvernement d’Ehud Olmert s’accroche au pouvoir malgré
le rapport Winograd sur les ratés de la guerre du Liban en
juillet 2006, qui a dénoncé des manquements graves au niveau
militaire et politique.
Olmert ignore les critiques
La publication du rapport Winograd sur les défaillances de
la guerre du Liban, en été 2006, n’a pas réussi à affaiblir
le gouvernement bien que la majorité du peuple israélien
(plus de 57 %) réclame la démission immédiate du premier
ministre Ehud Olmert. Le chef du parti de droite Likoud et
ancien premier ministre Benyamin Netanyahu a appelé M.
Olmert à démissionner le plus vite possible : « L’Etat est
dirigé par un premier ministre inapte qui ne mérite pas
d’être aux commandes », a-t-il fustigé. Selon tous les
sondages, Netanyahu serait le favori des élections au cas où
Olmert démissionnerait.
Plus fort, surtout que le rapport Winograd l’avait « épargné
personnellement », M. Olmert a répondu qu’il n’avait
l’intention ni de démissionner ni d’organiser des élections
anticipées. Il a seulement affiché sa bonne volonté de «
corriger les erreurs » du passé. Le cabinet d’Olmert a même
confirmé qu’il allait « continuer à travailler » et ses
alliés politiques confient qu’il envisage un élargissement
de sa coalition pour poursuivre le chemin escarpé des
négociations de paix engagées avec les Palestiniens sous la
pression du président américain George Bush. Selon les
analystes, cette disculpation d’Olmert a renforcé sa volonté
de rester au pouvoir et conforté sa position politique.
Marchant sur les traces d’Olmert, le porte-parole de l’armée
à Tel-Aviv s’est empressé, dimanche, de redorer le blason
des militaires en soulignant qu’« un processus de correction
des erreurs a été engagé en 2007 ». Parallèlement, le chef
du Parti travailliste israélien, le ministre de la Défense
Ehud Barak, a annoncé, dimanche, qu’il restait au
gouvernement en dépit des critiques de la commission
d’enquête : « J’ai décidé de rester au gouvernement car je
suis conscient des défis auxquels Israël fait face », a
déclaré M. Barak, en référence notamment à la bande de Gaza,
au Hezbollah libanais, à la Syrie et à l’Iran. La décision
de M. Barak de rester au gouvernement, en contraste avec des
engagements antérieurs, évite pour l’heure une crise majeure
qui aurait entraîné des élections anticipées.
Mercredi dernier, le président de la commission d’enquête
israélienne sur la guerre de l’été 2006 au Liban, le juge
Eliyahou Winograd, avait annoncé que des « manquements
graves » avaient été constatés au plus haut niveau des
échelons militaire et politique durant le conflit. Il a
cependant souligné que le premier ministre Ehud Olmert avait
agi conformément à ce qui lui paraissait être dans l’«
intérêt de l’Etat d’Israël ». Le chef du gouvernement
israélien semble de fait sortir relativement « indemne » de
ce rapport. De vives critiques auraient pu le fragiliser et
compromettre ses objectifs de signer un traité de paix avec
les Palestiniens dans un délai de 12 mois. Winograd a
qualifié cette guerre de « conflit sans victoire » car
l’armée israélienne n’avait pas apporté de réponse efficace
aux tirs de roquettes du Hezbollah.
Ce même rapport israélien a été fustigé par Amnesty
International pour avoir négligé d’enquêter sur les
stratégies militaires qui n’ont pas fait de différence entre
la population civile libanaise et les combattants du
Hezbollah, et entre les cibles militaires et les
infrastructures et propriétés civiles. « Le rapport est
centré sur les erreurs stratégiques d’Israël et non pas sur
les meurtres aveugles de civils libanais, dont 900 ont
trouvé la mort en 33 jours de conflit, contre 159
Israéliens, des soldats pour la plupart », critique
l’organisation.
Or, ce rapport n’intéresse pas seulement les Israéliens.
D’autres aussi l’attendaient avec impatience tels les
Américains. Déjà, les responsables de la diplomatie à
Washington ne le cachent pas. Pour eux, le maintien au
pouvoir d’Olmert est très important car tout changement à la
tête d’Israël risquerait de compromettre l’initiative du
président américain George W. Bush visant à relancer le
dialogue israélo-palestinien. Plus grave encore, le départ
d’Olmert laisserait la porte ouverte à Benyamin Netanyahu,
opposé au processus de paix, pour occuper le poste de
premier ministre. Selon tous les sondages, en cas
d’élections anticipées, l’opposition de droite dirigée par
le chef du Likoud, l’ancien premier ministre Benyamin
Netanyahu, l’emporterait haut la main. Aussi, le chef du
Likoud s’est-il dit favorable, vendredi, à un recours aux
urnes pour redonner à Israël un « leadership responsable ».
Une hypothèse qui jette l’effroi dans le cœur des Américains
qui n’ont d’ailleurs pas épargné leurs efforts pour protéger
le gouvernement Olmert. En utilisant leur veto pour empêcher
l’adoption d’une résolution condamnant le blocus israélien
imposé à la bande de Gaza au Conseil de sécurité de l’Onu,
ils voulaient éviter à Olmert d’être sous les feux de la
critique de la communauté internationale au moment où le
rapport serait rendu public en Israël.
Côté libanais, ce rapport risque de déclencher une vive
controverse sur cette guerre entre les partisans du
Hezbollah, qui voient dans ce rapport une confirmation de la
victoire du mouvement, et ceux qui estiment que le
Hezbollah, en enlevant deux soldats israéliens en juin 2006,
a provoqué une guerre qui a détruit le pays et tué des
civils. Quant aux Palestiniens, ils semblent soulagés par ce
rapport car ils considèrent Olmert comme un partenaire de
paix et espèrent en finir avec le cauchemar israélien s’il
poursuit le processus de paix. « La voie serait désormais
dégagée pour un processus de paix sérieux qui aboutirait à
la fin de l’occupation israélienne », espère le négociateur
palestinien, Saëb Ereqat.
Maha
Al-Cherbini