Religion. Des
intellectuels coptes réunis cette semaine au Caire ont exigé un changement des
procédures d’élection du pape de l’Eglise copte orthodoxe. Une requête
accueillie avec beaucoup de réserves. Explications.
La succession du pape en question
Alors
que le pape Chénouda III, 83 ans, vient de rentrer d’un voyage aux Etats-Unis
où il a suivi un traitement médical, des voix s’élèvent réclamant un changement
des procédures d’élection du chef de l’Eglise copte orthodoxe. C’est dans ce
contexte qu’un groupe d’intellectuels laïques se sont réunis cette semaine sous
le nom de « front laïque chrétien ». « L’état de santé du pape est critique.
Nous devons réfléchir à l’avenir. Il faut modifier les procédures d’élection du
pape », a annoncé Kamal Zakher Moussa, fondateur du front.
Les
voyages répétitifs du pape Chénouda III à l’étranger pour traitement ont ravivé
le débat sur la succession du chef de l’Eglise. Chénouda III est le 117e pape
dans l’histoire de l’Eglise copte orthodoxe. La loi ecclésiastique actuelle qui
régit l’élection du pape a été promulguée par le saint-synode en 1957. Conformément
à celle-ci, le saint-synode dispose d’une semaine pour choisir un patriarche
provisoire après la disparition du précédent parmi les archevêques les plus
âgés. Une commission regroupant des archevêques du saint-synode prépare ensuite
une liste de 7 candidats, au maximum, parmi les archevêques et ayant passé au
moins 15 ans dans la vie monacale. La commission élit ensuite trois candidats
parmi les sept. Un tirage au sort se déroule enfin au siège de l’église
Morqossiya, au Caire, pour choisir le nouveau patriarche. Ni la maladie, ni
l’invalidité ne permettent de changer le pape car il est considéré, selon les
consignes de l’Eglise, comme le représentant du Christ sur terre.
Pourtant,
selon certains intellectuels coptes, cette loi date de 50 ans et n’est plus
adaptée aux évolutions. « Nous avons fait quatre propositions pour l’élection
du pape. Nous avons invité l’Eglise copte orthodoxe à envoyer un représentant
pour discuter de ces propositions mais l’Eglise a émis des réserves », explique
Ishaq Hanna, porte-parole du front. La première proposition est l’élargissement
du vote à tous les coptes et l’annulation du tirage au sort. « L’élection doit
se dérouler dans toutes les églises coptes orthodoxes à l’instar des élections
parlementaires et présidentielles. Le copte en tant que citoyen a actuellement
le droit de choisir son président et son député, or, il lui est interdit de
choisir son pape », ajoute Hanna. Il pense qu’il est nécessaire de revoir
également les conditions requises pour la papauté. « Le pape ne doit pas
nécessairement être un archevêque. Il peut être un simple moine, son âge ne
doit pas dépasser les 50 ans. En outre, le pape ne doit pas garder son siège jusqu’à
la mort, mais des élections régulières doivent se dérouler chaque dix ans »,
assure-t-il.
Représentant du Christ
L’Eglise
orthodoxe a reçu cette initiative avec beaucoup de réserves. « Les procédures
qui régissent l’élection du pape sont inspirées de l’Evangile. Donc, elles ne
doivent pas être sujettes à discussion », annonce avec fermeté le père Morqoss
Aziz, père à l’église Moallaqa, au Vieux-Caire. Il affirme que l’élection du
pape ne peut en aucun cas être comparée à l’élection présidentielle ou
parlementaire. « Selon l’Evangile, le pape est le représentant du Christ, donc,
il doit être choisi par Dieu et non pas par des gens, et son siège est durable
jusqu’à sa mort. En outre, la hiérarchie du sacerdoce doit être respectée. Un
moine qui n’est pas nommé comme archevêque ne peut pas être élu comme pape »,
critique le père Youhanna Sabet, de l’église de la Vierge Marie.
Le
pape Chénouda III a été élu comme patriarche en octobre 1971. Dès son arrivée à
la tête de l’Eglise, il se veut l’instigateur d’un projet politique, religieux
et social intransigeant, différent de celui de ses prédécesseurs. Par exemple,
il interdit le divorce sauf en cas d’adultère, tandis que ses prédécesseurs
l’autorisaient dans d’autres cas de figure. D’autre part, il raffermit son
pouvoir sur l’Eglise faisant de celle-ci le porte-parole des coptes. Une sorte
d’intermédiaire entre l’Etat et les citoyens coptes. Or, cette intransigeance
de l’Eglise a donné lieu à une certaine opposition. Ainsi, les récentes années
ont-elles témoigné d’une multiplication des mouvements exigeant une réforme de
l’Eglise. Il y a une crainte que l’un des proches collaborateurs du pape connus
pour leur intransigeance soit élu comme successeur. C’est dans ce contexte que
s’inscrivent l’initiative du front des chrétiens laïques et d’autres
initiatives de réforme lancées au cours des récents mois. Des
initiatives qui resteront sans doute lettre morte.
Marianne Youssef