Malaise Social .
Kamal Khalil,
président du Centre des recherches socialistes, explique les
causes de l’extention de la
protestation civile en Egypte.
« Tous les peuples commencent par l’économique pour aller
vers le politique »
Al-Ahram
Hebdo : L’expansion des manifestations, des grèves et des
sit-in dont on témoigne actuellement constitue-t-elle un
phénomène nouveau ?
Kamal Khalil :
La grève de 25 000 ouvriers du textile à
Mahalla, le 8 décembre 2006,
suivie d’une autre, celle des ouvriers de ciment, ensuite
ceux des chemins de fer et du métro,
représente une nouvelle vague de protestations que le
pays est en train de vivre. Une situation qui n’est pas
moins que celle qui a prévalu dans les années 1920 suite à
la première guerre mondiale et la crise qui a suivi, et dans
les années 1940, à l’occasion de la deuxième guerre
mondiale. Cette vague s’explique essentiellement par la
crise économique. En plus, ce nouveau phénomène n’est pas
limité seulement aux ouvriers, mais la fièvre des manifs a
gagné les enseignants dépendant du ministère de l’Education,
qui ont exigé un cadre spécial pour eux, et ont obtenu gain
de cause. Ce qui a encouragé les professeurs d’Al-Azhar
presque dans tous les gouvernorats à exiger un statut
similaire. L’aspect protestataire s’est étendu aux
manifestations contre la pénurie d’eau de
Borollos et celles contre le
droit à l’habitat des citoyens de
Qaleat Al-Kabch. L’esprit
consistant à réagir a commencé à se transmettre
spontanément, des usines à la campagne et aux rues, un peu
partout. Aussi, ce phénomène a commencé à passer des simples
groupes politiques aux classes sociales. C’est une chose
positive, bien qu’il ne s’agisse que de revendications
économiques. Mais les protestataires ont obtenu leurs
droits, et l’esprit même de contestation s’est propagé à
d’autres milieux que ceux traditionnels.
— Pensez-vous que des manifestations du même genre et
intensité pourraient éclater pour des raisons politiques ?
— Tout mouvement au sein des ouvriers commence par une
contestation du système économique avant de passer au niveau
politique. Ces protestations ne sont pas de nature
exclusivement économique. Elles sont contre les lois qui
régissent l’organisation des sit-in de ces ouvriers et aussi
les lois qui organisent les grèves. Dans presque tous les
cas, les ouvriers ont cassé les lois, retiré leur confiance
à leurs syndicats. Il s’agit d’une prise de position
politique et pas seulement économique. Tous les peuples
commencent par l’économique pour aller vers le politique.
— Ce phénomène peut-il être le début d’une révolution ?
— Bien sûr que ce phénomène peut progresser et présenter un
début de révolution. Nous assistons à un mouvement croissant
de grèves qui a totalisé 1/2 million
d’ouvriers. Autrefois, les intellectuels taxaient le peuple
égyptien de lâche, mais voici qu’il a prouvé le contraire et
qu’il réagit.
— Trouvez-vous que ce phénomène remonte au mouvement
Kéfaya ?
— Il faut avouer que Kéfaya a
brisé la barrière de la crainte qu’avaient les citoyens de
sortir dans les rues, de s’exprimer et de se plaindre. Cela
dit, les grèves des ouvriers et autres n’ont aucune relation
avec Kéfaya ou même d’autres
mouvements politiques, mais c’est une réaction spontanée
constituant un mouvement populaire.
Propos recueillis par Chérine
Abdel-Azim