Non, il n’y a pas de crise. Les
erreurs des arbitres, ça arrive partout dans le monde, et si
vous avez suivi les championnats espagnol, italien ou anglais,
qui sont tous meilleurs que chez nous, vous trouverez des
erreurs similaires et parfois même plus graves. Je ne nie pas
qu’il y a eu des erreurs, car c’est normal et ça arrive. Mais il
ne s’agit pas d’une crise. L’affaire a été amplifiée autant par
la presse sportive que par les médias. Mais aussi, par certaines
autres personnes, extérieures à la famille de l’arbitrage, qui
essaient de nous mettre dans de mauvais draps et de mettre nos
erreurs sous les feux des projecteurs pour certains profits
personnels.
— Mais cette saison, de nombreuses erreurs
flagrantes ont souvent eu des conséquences directes sur les
rencontres ...
— Le problème, c’est que nous avons connu
deux troubles au cours de deux grandes rencontres :
Ismaïli-Zamalek et Ahli-Ismaïli. Les deux matchs ont été
disputés consécutivement et ont attiré beaucoup d’attention de
la part du public et des médias, raison pour laquelle les gens
ont eu l’impression que c’étaient des erreurs à répétition. Je
veux préciser que ce n’était pas intentionnel, d’autant plus que
les arbitres étaient différents.
— Pourquoi cette affaire a-t-elle
soudainement pris une telle ampleur ?
— Il faut avouer que, malheureusement,
certains de nos arbitres leur ont donné l’occasion de lancer
cette attaque. Tout a commencé lorsqu’Ahmad Auda a retardé sa
décision d’expulser le milieu de Haras Al-Hodoud durant le match
contre Ahli. La décision était juste mais cette hésitation a
créé une crise. Et ensuite, quelques autres erreurs se sont
enchaînées, ce qui a donné la chance à certaines personnes
d’utiliser les médias pour nous attaquer, alors qu’elles
n’avaient rien trouvé à dire en début de saison. Le meilleur
moyen, c’est de les ignorer. Mais le problème c’est que pour les
jeunes arbitres, c’est trop de pression et c’est exactement ce
qu’il ne faut pas faire car ils ont encore besoin de confiance
et d’expérience.
— Vous avez cette saison largement donné leur
chance aux jeunes arbitres, l’expérience a-t-elle payé ?
— Depuis sept mois, nous avions décidé de
donner la chance à une nouvelle génération. Je ne peux pas dire
que c’était un choix, nous y étions obligés. En effet, nous nous
sommes trouvés devant un vrai problème : le nombre de matchs
importants en championnat a doublé ces dernières saisons. Or, si
nous comptons les arbitres compétents, nous n’en avons que 7 ou
8 et ils n’ont pas encore de longue carrière derrière eux. Ce
sont là de nombreuses erreurs de politiques antérieures car il
faut toujours assurer la continuité des générations. Ainsi, nous
avons lancé 18 arbitres, dont 12 ont travaillé en première
division. Jusqu’à présent, tout va très bien et conformément au
programme que nous nous sommes fixé en début de saison.
— Certains anciens arbitres vous reprochent
de privilégier les jeunes éléments ...
— C’est tout à fait normal. Et je vous confie
que je privilégie à 100 % les jeunes arbitres. Ce sont eux qui
représentent le futur de l’arbitrage en Egypte. Je dois les
soutenir, être à leurs côtés afin de leur donner la confiance et
l’expérience nécessaires. Quand certains d’entre eux commettent
des erreurs, je ne les fouette pas. Il ne faut pas les détruire.
C’est différent avec les anciens arbitres. Ils sont censés être
des personnes expérimentées et leurs erreurs, surtout si elles
sont grosses, sont injustifiables. Il est normal qu’il y ait une
différence de traitement.
— Vous travaillez donc à mettre en place une
génération de relève ?
— C’est une obligation. On ne pouvait plus
retarder cette décision, sinon dans quelques années, on n’aurait
plus d’arbitres compétents pour mener les matchs du championnat.
C’est ainsi que depuis ma prise de fonction, et c’est la
première fois, j’ai adopté une politique à long terme que j’ai
d’ailleurs annoncée à tout le monde. Au cours de cette saison,
nous donnerons la chance aux jeunes arbitres et dans les
prochains mois, ils devront se confirmer et acquérir de
l’expérience. Ainsi, la saison prochaine et celle d’après, nous
aurons un nouveau groupe capable de remplacer les grandes
figures.
— Qu’avez-vous fait pour améliorer la
formation des arbitres ?
— Certains efforts ont été déployés à ce
sujet mais malgré tout, la formation est toujours insuffisante.
Les arbitres se sont regroupés en début de saison, nous avons
prolongé le stage pour une journée et nous comptons encore
l’allonger la saison prochaine. Cette saison et pour la première
fois, nous tenons des réunions hebdomadaires avec les arbitres
pour revoir les matchs et les analyser afin d’expliquer les
erreurs. Mais nous sommes en manque de moyens. En effet, tout le
budget consacré à l’arbitrage n’est que de quatre millions de
L.E. cette saison. J’ai parlé au conseil d’administration, et
les membres m’ont promis d’avoir plus de moyens la saison
prochaine.
— Les arbitres sont les moins bien payés du
monde du football. Avez-vous des projets pour y remédier ?
— C’est toujours le même problème, le manque
de budget, et il n’est pas en mon pouvoir d’y remédier. Mais
nous avons augmenté les primes des arbitres de 100 % en début de
saison. Ce n’est toujours pas suffisant, mais il faut que vous
sachiez que certaines personnes nous ont critiqués pour cette
grosse augmentation !!
— Essam Abdel-Fattah arbitrera des rencontres
de la Coupe du monde d’Allemagne. Des mesures ont-elles été
prises pour l’aider ?
— Nous sommes tous autour de Essam durant
cette période car il représentera l’arbitrage égyptien dans la
plus prestigieuse compétition du monde. Tout d’abord, nous lui
avons fixé un programme de match intensif, car cela l’aidera du
point de vue technique. Et puis nous en tirerons aussi profit
avec l’expérience qu’il va acquérir. Ensuite, nous lui avons
annoncé qu’il pourra bénéficier de stages extérieurs et qu’un
entraîneur sera mis à sa disposition. Ceci outre bien sûr notre
aide et nos conseils s’il en a besoin, car personnellement je
n’aime pas les fournir sauf si cela m’est demandé afin que
personne ne pense que je cherche à m’imposer ou m’immiscer dans
les affaires des autres.
Karim Farouk