« Care with Love (soigner avec amour) n’est
pas seulement un nom, mais aussi la manière avec laquelle
l’association entretient l’ambition de prendre en charge les
malades. Etre attentionné avec eux est la première conduite à
adopter pour alléger les souffrances », explique le Dr Magda
Iskander, présidente de l’Association Care with Love. Première
en son genre en Egypte, cette association forme des
gardes-malades. Prendre soin d’un malade alité n’est pas une
mission facile. Autrement dit, une tâche qui demande non
seulement de la patience et de la bonne volonté, mais aussi
beaucoup de tact pour comprendre la psychologie du malade.
Parfois, le malade est dans un tel état qu’il est incapable de
bouger et doit faire ses besoins au lit. Apporter une cuvette et
s’occuper de la toilette intime sans faire sentir au malade
qu’il représente un fardeau est une mission des plus difficiles
que doit achever l’association. Des personnes qui, généralement
occupaient des postes importants, deviennent très susceptibles
face à la maladie. « Mes enfants me font sentir que je suis un
fardeau. Je ne parviens plus à manger seul ou à faire ma
toilette depuis que je suis atteint de la maladie de Parkinson.
Ma fille éprouve de la répugnance à chaque fois qu’elle vient me
changer les draps », se lamente Chaker, ex-conseiller à la
justice, tout en ajoutant qu’il ne pensait jamais pouvoir finir
ainsi. Il pourra s’offrir les services d’un garde-malade
moyennant une somme variant entre 800 et 2 000 L.E. par mois,
selon la gravité de la maladie. Etre particulièrement prévenant
avec les malades, alléger les souffrances de leurs proches,
savoir garder les secrets de leurs familles et respecter leurs
convictions sans jamais les juger ... Telles sont les qualités
d’un garde-malade que tient particulièrement à respecter cette
association. Des principes basés sur l’expérience pratique du Dr
Iskander et qu’elle cite dans son livre tout en résumant la
méthode avec laquelle elle travaille. Selon elle, beaucoup de
cas désespérés passent par des moments difficiles. Certains sont
effrayés par l’idée de la mort, d’autres vont plus loin et
reprochent au bon Dieu de retarder leur heure. « Dans un moment
d’agonie, le malade a besoin de quelqu’un de serein. On
l’accompagne et nous faisons notre possible pour alléger ses
souffrances », souligne un garde-malade. Ce dernier, musulman de
confession, a accompagné un chrétien jusqu’à sa mort, lui a fait
réciter quelques versets de l’Evangile et a respecté tous les
rites de sa religion.
Fondée en 1996, Care with Love a pu former
une équipe de 186 gardes-malades, unique en Egypte. L’idée a
germé lorsque la sœur du Dr Magda s’est fracturé la jambe et
s’est retrouvée seule sans personne pour lui prodiguer quelques
soins pendant sa convalescence. « J’ai éprouvé beaucoup de
difficultés à me prendre entièrement en charge. Je me suis
rendue compte à quel point des personnes pouvaient souffrir à
cause d’une telle expérience, surtout que le nombre de citoyens
de troisième âge a atteint les quatre millions en Egypte. Sans
compter les grands malades qui ont besoin d’un tel service à
domicile. Depuis, j’ai commencé à bouger, persuadée que l’Etat
ne pouvait pas tout faire », avance-t-elle, tout en insistant
sur le fait que la société civile doit aussi jouer un rôle. Et
pour résoudre ce dilemme, elle a pris une femme de ménage
sachant à peine lire et écrire et l’a formée en lui enseignant
les notions de base et ce pour être en mesure de prendre soin
d’un malade alité.
Cette femme a tellement excellé que le Dr
Iskander a décidé de se lancer dans l’aventure. Pendant trois
mois, elle réunit toutes les informations nécessaires pour
monter son projet. Une fois l’étude élaborée, elle commence à
recruter son personnel sur des bases strictes. « 80 % du
personnel est de sexe féminin. Ce marché nécessite des femmes en
premier lieu. Taille minimum pour les femmes, 1,50 m et pour les
hommes, 1,60 m. Quant au poids, il ne fallait pas prendre de
personnes obèses. Les gardes-malades doivent être en mesure de
soulever un malade ou de le déplacer d’un endroit à un autre »,
explique-t-elle. Ils doivent prouver qu’ils ne souffrent ni de
diabète, ni de douleurs lombaires, etc. Le caractère compte
aussi. On exige de ce personnel de la tolérance, de la
compassion et surtout de la vocation. Qu’il soit musulman ou
copte, le garde-malade qui s’abstient d’aider un patient qui
n’est pas de la même confession que lui est écarté du projet,
car on considère qu’il n’a pas les qualités requises pour
remplir une telle mission. Pendant les quatre mois de stage, les
gardes-malades doivent suivre des cours d’alphabétisation et une
formation théorique et pratique de soins intensifs. Le but étant
de leur apprendre les rudiments de ce métier. L’Association
copte évangélique CEOSS, l’hôpital Al-Salam et le Centre des
services pour retraités ont collaboré avec Care with Love pour
offrir toutes les conditions nécessaires à la formation de ce
personnel soignant. Une fois créée, l’association offre à ces
personnes une chance de travail contre un salaire de base
mensuel de 250 L.E. Un salaire fixe que l’association verse même
si le garde-malade ne travaille pas, et qui peut aller jusqu’à
800 L.E. selon la compétence. Et c’est l’association qui estime
le coût de ce service, selon le nombre d’heures de travail, un
minimum de 8 par jour. Pour couvrir ses frais, l’association a
dû d’abord faire une étude de marché. Sur les 4 millions de
personnes âgées, 10 % ont besoin de ce service. « On a pu rendre
service à trois classes sociales différentes, la modeste, qui va
se voir offrir une chance de travail, la moyenne qui va profiter
des stages organisés dans le Centre des services pour retraités
et durant lesquels ce service est présenté gratuitement, et
enfin la classe aisée qui réclame un tel service », dit-elle .