Al-Ahram Hebdo, Société | Elles font pâle figure
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 

 Semaine du 19 à 25 avril 2006, numéro 606

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Kiosque

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Loisirs

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Société
Infirmières. Mal considérées, souvent mal formées, sous-payées, elles souffrent d’un quotidien peu reluisant dans un système de santé où elles occupent le bas de l’échelle. Enquête.

Elles font pâle figure

Samira, femme de 40 ans, commence son boulot à 20h et le finit le lendemain matin à 8h. Elle a toujours obéi au doigt et à l’œil et sans rechigner. « Nous nous sommes habituées à affronter les pires situations, il est devenu normal pour nous de comprendre sans parler », précise-t-elle. Un grand silence trahit l’angoisse qui règne dans la salle. Un malade est pris d’un malaise. Samira court vite chercher le médecin. Un quotidien stressant et rythmé par des tâches éreintantes que mène ce personnel soignant exposé souvent à des risques. « Le mois dernier, une de mes collègues travaillant dans un hôpital public s’est faite piquer par inadvertance, alors qu’elle venait de faire une injection à un malade. Elle a contracté le virus C et souffre actuellement d’une hépatite virale. Son état s’aggrave de jour en jour, pourtant, elle ne bénéficie d’aucune aide financière ou assurance sociale », rapporte Samia. Et ce n’est pas le seul cas. En effet, beaucoup d’infirmières sont exposées quotidiennement à des maladies contagieuses et travaillent souvent sans moyens de protection. Et si ce personnel soignant est accablé par le poids de tâches épuisantes, il est aussi accablé par le poids d’une autorité excessive sans compter que beaucoup de personnes discréditent ce métier. Selon l’écrivain Anis Mansour, la maladie et l’infirmière sont les deux grands soucis en Egypte. Le malade se méfie souvent de personnel soignant et au fil des années, ce manque de confiance a pris de l’ampleur. Hani, 56 ans, qui a subi une greffe du foie il y a trois ans, confie avoir rejeté l’idée de se faire greffer en Egypte craignant que le personnel paramédical ne soit pas à la hauteur. « Je ne peux pas oublier les moments difficiles passés après ma greffe faite en France. L’infirmière est restée des heures à mon chevet, intervenant aux moments les plus critiques et me prodiguant les soins nécessaires pour alléger ma souffrance. J’ai été séduit par son professionnalisme et cette attention qu’elle accordait aux malades. Je me suis rendu compte à quel point ce service était important et complémentaire à la mission du médecin pour arriver à mettre sur pied un malade », explique Hani.

Et pour offrir un service adéquat, plusieurs hôpitaux privés recrutent des infirmières étrangères et leur versent des salaires en devises pour tranquilliser les malades et s’attirer de la clientèle. Les infirmières venant d’Asie de l’Est sont particulièrement recherchées. Payées à des salaires modérés, elles ont la qualité d’être très patientes avec les malades.

Toutes dans le même pétrin

Les chiffres prouvent qu’il y a un manque d’infirmières. Dans toute l’Egypte, on n’en compte que 3 000 en exercice. Pourtant, ce métier est très sollicité et il existe 11 instituts d’où sortent chaque année entre 150 et 200 infirmières diplômées. Mais la profession est très mal payée à l’exception des hôpitaux privés. Et c’est ce qui explique ce grand manque.

Au chevet d’un malade, dans un service de soins palliatifs d’un hôpital public, l’infirmière ne cesse de ronchonner. Le patient souffre et elle ne se presse pas pour lui prodiguer les soins nécessaires. « On nous a surnommées les anges de la compassion », lance-t-elle avec dérision. « Mais on oublie que cet ange doit aussi subvenir aux besoins de sa famille. Mon salaire ne dépasse pas les 200 L.E., alors que ma tâche est éreintante. Pour une journée de garde, je perçois une prime de 1,50 L.E. et pour la nuit seulement 3 L.E. sans compter les réprimandes des médecins », ajoute cette infirmière.

En Egypte, il existe trois niveaux dans ce métier. Le premier réunit les 96 % d’infirmières en exercice. Celles-ci ont suivi trois années d’études après la troisième préparatoire. Le second comporte des diplômées des instituts techniques et le troisième niveau est le plus compétent : ce sont celles qui sont suivi quatre années d’études à la faculté d’infirmières. Selon le Dr Basmate Omar, doyenne de cette faculté, il n’existe aucune comparaison entre une infirmière de premier niveau et les deux autres.

Autrement dit, on peut rencontrer aussi des jeunes filles de 16 ans manquant souvent de formation et de maturité. « Pourquoi laisser de telles personnes manquant d’expérience exercer ce métier lié à la vie des individus ? », dit le Dr Basmate qui pousse plus loin en réclamant la fermeture de certains instituts comme un premier pas pour améliorer ce service. Quant aux diplômées de la faculté d’infirmières, elles ont passé plusieurs tests pour évaluer leur niveau et suivi des stages dans des hôpitaux pour mettre en pratique leurs connaissances. Elles ont appris à utiliser les termes médicaux pour mieux communiquer avec les médecins et suivre leurs indications.

Conséquence : personne ne parvient à faire la différence entre les trois niveaux. Imane, infirmière dans un hôpital privé, est écœurée de voir des parents de malades traiter les infirmières comme des serpillières. Elle trouve aussi indécent que, dans le cinéma, les infirmières sont des femmes qui déploient leur charme pour tenter de se marier avec des médecins. « On oublie que la première promotion d’infirmières était pour la plupart issue de grandes familles. Les conditions de notre travail sont de plus en plus pénibles. On ne prend jamais en considération notre double rôle de mère », dit-elle tristement. Fayza, 37 ans, habite Imbaba et travaille dans un hôpital situé aux abords de la ville du 6 Octobre. Elle confie terminer son boulot vers minuit et a des difficultés à trouver un moyen de transport convenable ou approprié à son porte-monnaie. « Ajoutez à cela les tracas quotidiens pour placer mes enfants chez mes parents ou une voisine. Il est temps que nos employeurs tiennent compte de la nature particulière de notre boulot. Et dire que beaucoup d’hôpitaux se trouvent à des endroits éloignés du centre-ville », commente Fayza.

Autre point important : le comportement de certaines infirmières coupables de négligence professionnelle a coûté cher à certains malades et a porté préjudice à ce métier. Il suffit de lire les pages des faits divers dans les journaux pour le constater. Il y a quelques mois, un enfant est mort d’une overdose de vaccin injectée par une infirmière travaillant dans un hôpital public. Suivant la loi du ministère de la Santé, une infirmière n’a pas le droit de faire des injections. Pourtant, la majorité le font provoquant parfois des catastrophes. Selon Effat Kamel, présidente de l’Association des amis de l’infirmière, il est temps de réviser cette loi en déterminant avec précision le rôle de l’infirmière et selon des normes internationales. « Bien que l’Egypte ait été l’un des premiers pays membres du Conseil international des infirmières établi à Genève ayant pour but de faire évoluer cette profession et d’imposer ses critères et ses éthiques, le Parlement n’a pas promulgué de loi dans ce sens jusqu’à l’heure actuelle », explique Effat tout en poursuivant qu’il est temps de constituer un haut conseil pour cette spécialisation, composé des leaders du métier afin de ne pas laisser ce personnel soignant sous le joug des médecins.

Dina Darwich
Chahinaz Gheith

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah - Chourouq Chimy
Assistants techniques: Karim Farouk - Dalia Gabr
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.