Une
Hyundai 4x4 s’arrête devant AQuamarine, Diving and Snorkeling
Club. Atef, Mohamad et Annamaria pressent le pas pour ouvrir les
portes du centre où ils travaillent. Le bateau qui va
transporter les touristes doit quitter le ponton du débarcadère
dans une heure. Les deux employés se hâtent pour vérifier les
caisses contenant tous les équipements. « Ici manque une palme
», « Une combinaison de taille Medium par là », « Nous n’avons
plus de temps à perdre, le groupe est arrivé », s’écrie l’un
d’eux tout en souhaitant la bienvenue aux touristes. Une manière
de briser la barrière de la langue. Ce problème fait perdre du
temps car se faire comprendre est parfois difficile comme nous
le confie Annamaria, Hongroise et guide de plongée sous-marine.
Le groupe en question est composé de
touristes de différentes nationalités. Ces derniers ont payé
d’avance pour jouir de ce loisir. Un moyen de divertissement qui
leur coûte en moyenne 70 euros. Quant aux Egyptiens, ils
bénéficient d’une réduction de 30 à 40 %. Les touristes
commencent à s’impatienter et veulent connaître l’heure du
départ. Atef et Mohamad se hâtent pour charger les équipements
dans la voiture tandis que Annamaria invite les touristes à
monter. Un trajet de quelques minutes et le groupe arrive à
destination. Les touristes d’AQuamarine se fondent dans une
foule dense. Sur le quai, il y a beaucoup de touristes, mais
aussi des Egyptiens. Tout le long du port sont amarrés dans un
décor splendide, le SeaQeen, le Panorama, le President III,
l’Alexandria, le Valentino et le Tower 3. Tous attendent leurs
clients pour explorer différents récifs coralliens. Des
portefaix ont pour tâches de charger les bouteilles à oxygène,
les combinaisons, les tubas, les palmes, les ceintures de plomb
et les masques sur les bateaux. Il fait un temps printanier et
une odeur d’iode embaume l’air. De quoi promettre aux plongeurs
une belle exploration sous-marine et un voyage féerique.
Avant
de quitter le port, Mohamad, qui sert aussi de chauffeur, lègue
le groupe à Mohamad Gamal, guide de plongée et associé à
AQuamarine. Il reviendra chercher tout le monde vers 17 heures.
Divers Ready, lance d’une voix haute Mohamad
Gamal aux touristes, qui s’empressent d’embarquer sur le Tower
3, qui va les conduire vers un des sites de Ras Mohamad.
Ce dernier annonce aussi aux touristes que
Mahmoud, un des guides professionnels, les accompagnera
aujourd’hui ainsi que son assistante Annamaria, comme tient à le
préciser fièrement Mahmoud.
A peine le bateau a commencé à bouger, que
les employés d’AQuamarine vérifient de nouveau les équipements.
Quant à Mahmoud, un des plongeurs égyptiens qui ne rate aucune
occasion pour démontrer ses talents, il s’enquiert auprès de
Abdo, le rayès (batelier), de l’état de la mer. « Une bonne
entente est souhaitée entre le batelier et le guide de plongée
et ce pour préserver la sécurité de nos passagers », explique
Mahmoud, qui considère Abdo comme l’un des plus expérimentés.
Quant à Abdo, il affirme que son expérience en pleine mer vient
compléter celle de Mahmoud. « La moindre faute commise par un
batelier peut coûter des vies humaines … Ne dit-on pas qu’il n’y
a pas plus grand que la mer », remarque le rayès.
Les dernières recommandations
Avant de donner le signal aux touristes de se
jeter à l’eau, Mahmoud commence son premier cours pour ceux qui
ont déjà plongé ou possèdent des certificats. Mais cela
n’empêche pas les débutants d’y assister. Des instructions
importantes sont données : bien nettoyer son masque, vérifier sa
bouteille d’oxygène, son embout et comment sauter du bateau puis
y retourner quand de grosses vagues empêchent de le faire. «
N’oubliez jamais le nom de votre bateau », « Ne nagez jamais
sous la coque du bateau, c’est très dangereux », « Pour votre
sécurité, plongez toujours à deux : au cas où l’un a un problème,
l’autre serait en mesure de le secourir », « Respectez les
paliers en remontant, sinon vous risquez de perdre la vie ».
Et
bien que Mahmoud maîtrise l’anglais, il s’exprime aussi par des
gestes pour mieux se faire comprendre. Dr Ahmad Nada, chirurgien
et amateur de plongée, intervient de temps à autre servant
d’intermédiaire entre le guide et les clients pour simplifier
davantage des termes techniques ou scientifiques. Quant aux
débutants, on commence par leur apprendre le langage des signes
que l’on utilise en plongée. A l’aide d’une carte, Mahmoud
explique la particularité de Jack fish Alley et ses merveilles.
Dr Nada, qui a suivi des cours de plongée dans un club sportif,
ne cesse de répéter à ses compagnons étrangers l’importance de
suivre à la lettre les instructions du guide. « Le plus
dangereux dans ce sport est d’essayer de sortir du groupe et de
plonger plus profondément, il n’est pas permis de descendre à
plus de 30 m », explique Nada qui affirme d’un ton expert que la
plus belle vision est à 15 m de profondeur, et que si l’on
s’enfonce encore plus loin, la visibilité sera plus floue.
Et avant que le bateau n’arrive à
destination, les plongeurs se mettent à enfiler leurs tenues
complètes : combinaison, bouteille avec embout, ceinture de
plomb, palmes, masque et tuba. Les touristes, en maillots de
bain, s’y mettent aussi, aidés par Mohamad, originaire de
Béni-Souef et qui a laissé tomber son métier d’électricien pour
mieux gagner sa vie. Avec Ahmad, ils sont là pour s’occuper des
équipements et aider les touristes à enfiler les combinaisons. «
Je fais de mon mieux pour arriver à les comprendre et à
communiquer avec eux. Un mot par-ci, un mot par-là et on arrive
à se débrouiller. J’ajuste le tuba à l’une, les sangles de la
bouteille à une autre et je règle même une fermeture éclair à
une autre un peu trop pressée de se jeter à l’eau », souligne
Mohamad .
Une fois le groupe prêt, le bateau s’arrête
et Mahmoud met en garde les touristes pour que personne ne saute
avant lui.. Une fois le signal donné, les uns après les autres
et deux par deux, les plongeurs sautent dans l’eau. Mohamad et
Ahmad sont là pour donner un coup de main à ceux qui sont
alourdis par leurs bouteilles ou n’osent pas s’aventurer. En
quelques secondes, tout le monde s’enfonce dans l’eau,
découvrant un monde féerique constitué de récifs coralliens et
de poissons. « Pour satisfaire le client, il faut que le guide
soit bien qualifié, toujours détendu, capable de donner
confiance à ses plongeurs et de réagir vite en cas de danger »,
note Amr Aboul-Fath, chef de la Chambre des établissements
touristiques chargée de la plongée sous-marine et un des
associés d’AQuamarine. Lui qui est en train de préparer un
doctorat dans ce domaine confie que la qualification dans ce
business n’est pas facile, elle est même très coûteuse. «
Environ 85 000 L.E. pour devenir un bon entraîneur et plus de
500 000 L.E. pour ouvrir un centre », précise Aboul-Fath tout en
ajoutant qu’un bon guide peut gagner environ 10 000 L.E. par
mois. « Nous manquons de guides égyptiens qualifiés. Il faut
d’abord du talent, une connaissance en plongée sous-marine,
maîtriser une langue étrangère et respecter un mode de vie sain.
Des exigences un peu difficiles, mais de plus en plus d’amateurs
se spécialisent dans ce domaine », poursuit Amr qui tient à ce
que les Egyptiens prennent la relève, d’autant que 75 % de ce
gros business est tenu par des étrangers, plus anciens dans ce
métier. Un loisir qui a pris son essor en Egypte en 1966, et à
Charm Al-Cheikh en 1982. Et depuis, ce business a progressé
rapidement. Et la belle ville qui comptait 15 centres au début
des années 1990 en compte aujourd’hui 120.
Les Egyptiens veulent s’imposer
Amoureux fou du Diving, Amr insiste sur le
fait que les Egyptiens sont ceux qui doivent investir le plus
dans ce domaine puisque ce sont eux qui sont appelés à rester
dans le pays. Une conviction qui le pousse à stimuler les jeunes
talents qui travaillent avec lui et les pousser à être ses
associés. « Un moyen destiné à les encourager à se donner
entièrement à ce métier », explique Amr qui constate que beade
jeunes ont choisi cette voie et sont de plus en plus qualifiés.
« Ils obtiennent des certificats de PADI (Professionnal
Association for Diving Instructure) et de la Confédération
égyptienne de plongée », ajoute-t-il.
Quant à Ahmad Gamal et Islam, deux jeunes
guides brillants, ils expliquent que l’inauguration d’une
section de plongée sous-marine à l’Université du Canal de Suez a
ouvert les horizons à de nouveaux talents. Pour eux, c’est un
moyen d’assurer la présence égyptienne dans ce métier.
Quarante-cinq minutes sont passées et le
Tower 3 retourne récupérer ses plongeurs. Ravis de cette
expérience, les touristes montent sur le bateau pour se reposer
et prendre leur déjeuner avant la deuxième plongée à Yolanda
Reef. « Nous sommes passés par des caves, nous avons vu un grand
barracuda et des poissons de différentes couleurs, c’était
fantastique », raconte Mythe à Erienne et Louisa, qui n’ont
jamais plongé de leur vie. Celles-ci ne profiteront pas de la
deuxième plongée et doivent attendre la troisième pour descendre
à 12 m. « Ces débutants exigent plus d’attention, il faut leur
apprendre comment respirer et maintenir l’équilibre dans l’eau
tout en jouissant de la beauté du récif. Il faut les tenir par
la main et surveiller l’appareil régulateur de flottage »,
explique Mahmoud qui doit accompagner un ou deux débutants, pas
plus, tandis que Annamaria, l’assistante hongroise, descend en
compagnie d’un autre. Après avoir passé un bon moment dans l’eau,
Erienne, débutante, trouve l’expérience extraordinaire, mais «
c’est un peu terrifiant », dira-t-elle.
Sept heures plus tard et après 4 ou 5
plongées, Mahmoud flotte encore sur l’eau. Il demande en anglais
si d’autres personnes veulent toujours plonger. Il se sent comme
un poisson dans l’eau : « Je peux plonger autant de fois que
désirent mes plongeurs, car je me sens vivre sous l’eau »,
conclut-il.
Doaa Khalifa