Pour
sa première visite au Caire, le chef de la diplomatie du Hamas,
Mahmoud Al-Zahar, n’a pas trouvé d’interlocuteur égyptien. Ni le
président Moubarak, ni son homologue Ahmad Aboul-Gheit n’étaient
disponibles pour le rencontrer. Pas même un simple diplomate au
ministère des Affaires étrangères. Motif officiel : « les
responsables égyptiens sont tenus par d’autres occupations et
leur agenda ne permet pas une telle rencontre (!) ».
Al-Zahar effectuait une tournée dans la
région visant en premier lieu à atténuer les pressions qui
pèsent sur le gouvernement du Hamas et obtenir un soutien
financier après la suppression des aides américaines et
européennes. En ne le recevant pas officiellement, les
responsables égyptiens ont voulu adresser un message au groupe
radical qui a remporté les élections législatives palestiniennes
du 28 janvier dernier. « Le Hamas doit nous aider s’il veut que
nous l’aidions », déclare une source diplomatique ayant requis
l’anonymat. Et d’ajouter : « Ce n’est pas une mauvaise volonté
de notre part mais nous souhaitons que le Hamas se conforme aux
demandes de la communauté internationale et qu’il s’intègre dans
le processus de paix. Le Hamas doit faire la différence entre
son ancien statut de mouvement de résistance et sa position
actuelle au gouvernement », ajoute la source. Le Hamas fait
l’objet, depuis son arrivée au pouvoir, de pressions
internationales pour l’inciter à reconnaître Israël et
poursuivre les négociations avec l’Etat hébreu. C’est dans ce
contexte que les Etats-Unis et l’Union européenne ont coupé tous
contacts diplomatiques et toutes aides financières qui étaient
destinées au gouvernement palestinien. L’Egypte, qui joue un
rôle central dans le processus de paix, déploie des efforts
intenses pour convaincre le Hamas de changer ses idées, de
renoncer à l’usage de la violence et de reconnaître tous les
accords déjà signés avec Israël. Or, le Hamas refuse de
reconnaître l’initiative arabe adoptée lors du sommet arabe de
Beyrouth en 2002 et le principe de la terre contre la paix.
Cette attitude irrite profondément l’Egypte. Mais ce n’est pas
tout. « Le Caire se sent embarrassé vis-à-vis de la communauté
internationale. Si Al-Zahar avait été accueilli par des
responsables égyptiens de haut rang, cela aurait donné
l’impression que l’Egypte approuve les idées du Hamas et le
soutient contre les pressions internationales », précise la
source diplomatique. Cette attitude de l’Egypte s’est reflétée
également lors du récent sommet arabe de Khartoum. Le Caire
avait joué un rôle pour que le Hamas ne participe pas au sommet
étant donné son intransigeance. Au Caire, Mahmoud Al-Zahar n’a
rencontré que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr
Moussa. Lors d’une conférence de presse avec ce dernier, le
responsable palestinien n’a pas voulu donner de l’ampleur au
fait qu’il n’ait pas été reçu par des responsables égyptiens. «
Nous entretenons avec l’Egypte des relations amicales et
historiques », a déclaré Al-Zahar qui a affirmé avoir pris
contact avec Ahmad Aboul-Gheit. « Nous nous sommes mis d’accord
qu’une rencontre entre nous aurait lieu soit au début de ma
tournée, soit à la fin de celle-ci », a ajouté le ministre
palestinien.
L’Egypte renonce-t-elle ainsi à son rôle de
médiateur ? « Non », répond la source anonyme. « Des contacts se
poursuivent en coulisses avec le gouvernement du Hamas afin
d’apaiser la tension entre lui et la communauté internationale
», précise-t-elle. C’est dans ce contexte qu’une rencontre a eu
lieu entre Al-Zahar et le chef des services de renseignements
égyptiens, le général Omar Soliman.
Instigateur du processus de paix dans la
région, l’Egypte craint qu’une détérioration de la situation
n’engendre des répercussions néfastes sur sa stabilité et son
économie. Lorsque les aides ont été coupées par la communauté
internationale, l’Egypte s’est hâtée de fournir des vivres aux
Palestiniens de crainte que la détérioration des conditions
économiques ne provoque un flux de Palestiniens vers le
territoire égyptien.
Chérif Ahmed