Véritable casus belli entre N'Djamena et
Khartoum depuis trois ans, la crise du Darfour est considérée
par le régime tchadien comme la principale source de
déstabilisation de son pays, et les camps de réfugiés soudanais
installés dans l'est de son territoire comme l'un des «
réservoirs » des rebelles du Front Uni pour le Changement (FUC)
qui veulent le renverser. Mais loin des considérations
politiques, le climat d'hostilité croissante entre le Tchad et
le Soudan place les quelque 200 000 réfugiés soudanais installés
dans l'est du Tchad en mauvaise posture. La menace brandie par
le président tchadien Idriss Deby de les expulser inquiète de
plus en plus, même si elle semble concrètement difficile à
exécuter. Cependant, samedi dernier, le premier ministre
tchadien Pascal Yoadimnadji a réitéré l'ultimatum du président
en donnant « jusqu'à fin juin 2006 » à la communauté
internationale pour leur trouver d'autres pays d'accueil.
Face à cet état des lieux, la communauté
internationale, impuissante, s'est contentée de dénoncer les
menaces des autorités tchadiennes, sans pour autant présenter
d'alternatives à même de sauver les réfugiés du péril qui les
menace. Le représentant du secrétaire général de l'Onu au Soudan,
Jan Pronk, a ainsi averti le Tchad qu'une telle mesure violerait
le droit humanitaire international. Le Haut-Commissariat des
Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) s'est de son côté déclaré
samedi « très inquiet » pour la situation des réfugiés. Anna
Liria-Franch, représentante du HCR à N'Djamena, a tenté de
calmer les esprits en déclarant avoir eu « l'assurance que ces
réfugiés ne seraient pas expulsés ». Mais le problème reste
entier puisque trouver un autre pays d'accueil n'est pas chose
facile. « Les réfugiés ont déjà suffisamment souffert au Darfour,
nous ne voulons pas qu'ils payent pour les tensions entre les
deux pays », a déclaré Mme Liria-Franch.
Les Etats-Unis ont également donné un ferme
avertissement au Tchad pour qu'il n'expulse pas les réfugiés,
jugeant inacceptable une telle mesure. Washington, par la voix
du porte-parole du département d'Etat Sean McCormack, a appelé «
le gouvernement du Tchad à respecter ses engagements (...) pour
fournir une protection à ces réfugiés ». Toutefois, Washington
s'est dit incapable de dire si le Soudan est impliqué dans la
rébellion contre le gouvernement du Tchad. Si une preuve était
établie, « ce serait très gênant », a-t-il reconnu.
Une éventuelle preuve dans ce sens changerait
donc la donne et rendrait encore plus difficile toute action de
la communauté internationale en faveur des réfugiés. En
attendant, les quelque 200 000 réfugiés soudanais restent pris
au piège des conflits. Retourner au Darfour où la situation
reste hautement critique ou rester au Tchad, où leur survie est
également menacée, ils font face à un choix difficile et n'ont
plus qu'à attendre que la communauté internationale, jusque-là
incapable de résoudre le conflit, bouge enfin.
Abir Taleb