Al-Ahram Hebdo, Egypte |
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 13 au 19 décembre 2006, numéro 640

 

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Egypte

Justice. Zakariya Abdel-Aziz, président du Club des juges et vice-président de la Cour de cassation, fait le point sur la crise opposant le club au nouveau ministre.

 « Le club des juges restera indépendant » 

Al-Ahram Hebdo : La période actuelle témoigne d’une tension entre l’ensemble des juges représentés par leur Club, dont vous êtes le président, et le nouveau ministre de la Justice Mamdouh Mareï. Y a-t-il une issue ?

Zakariya Abdel-Aziz : Le gouvernement a coupé tous les canaux de communication avec les juges. Lors de notre dernière crise avec le pouvoir au moment des délibérations de la loi sur l’autorité judiciaire, l’ancien ministre de la Justice, Mahmoud Aboul-Leil, était en contact permanent avec nous, même dans les moments les plus difficiles. Il avait même rendu visite au juge Hicham Al-Bastawissi à l’hôpital. Malheureusement, l’attitude du nouveau ministre est tout à fait différente.

— Beaucoup d’observateurs estiment que le bras de fer qui vous a opposés à l’Etat n’a pas abouti à plus d’indépendance dans les textes de la loi sur l’autorité judiciaire récemment adoptée ...

— Pour nous, la nouvelle loi sur l’autorité judiciaire est une victoire pour l’ensemble des juges qui militent depuis des décennies pour obtenir leur indépendance. Bien sûr la loi n’est pas parfaite et le chemin est encore long, et c’est pour cette raison que nous avons commencé l’élaboration d’un nouveau projet de loi encore plus ambitieux en matière d’indépendance. L’on espère que cette fois, notre avis sera pris en compte par les autorités.

— Des rumeurs circulent dans les couloirs du ministère de la Justice selon lesquelles un projet de loi visant à placer, officiellement, le Club des juges sous sa tutelle serait en préparation. Quelle sera votre réaction si de telles informations sont confirmées ?

— Le Club n’a reçu aucune information officielle de la part du ministère sur un tel projet de loi. Quoi qu’il en soit, le Club va continuer à défendre son indépendance et il rejettera naturellement toute loi prévoyant de donner au ministère le droit de superviser les affaires financières et administratives du Club. Le Club des juges restera indépendant et ne sera tenu que par les décisions de son assemblée générale.

— Lors de sa dernière réunion, l’assemblée générale du Club a pris un certain nombre de décisions relatives aux relations avec le ministre de la Justice et le règlement de la crise financière du Club ... Où en êtes-vous sur ces deux questions ?

— L’assemblée générale des juges a décidé d’intenter un procès contre le ministre de la Justice Mamdouh Mareï qui a refusé de verser au club son budget habituel, afin de maintenir le Club en état de dépendance financière. Les modalités de ce procès sont en cours de préparation. L’autre décision porte sur le montant de cotisation mensuelle, passée de 2 à 20 L.E. Cette deuxième décision, qui vise à pallier les effets de la crise financière du Club, a été très bien accueillie par l’ensemble des juges, dont certains ont versé à l’avance la somme annuelle.

— Près d’un mois s’est écoulé depuis la tenue de cette assemblée générale, n’y a-t-il toujours pas de perspective de rapprochement entre le Club et le ministère ?

— Il n’existe malheureusement aucune perspective encourageante. Le ministre de la Justice a refusé de nous rencontrer malgré les demandes officielles que nous avons adressées et insiste sur son refus d’allouer au club son budget. L’embargo financier reste donc en vigueur et les dernières déclarations du ministre ne permettent pas de prévoir une solution imminente.

— L’une des recommandations de cette dernière assemblée générale du Club est le refus de voir la femme occuper le poste de juge. Cette position que partagent la majorité des juges vous a fait perdre le soutien de certains segments de la société, qui sympathisaient jusqu’ici avec votre cause ...

— D’abord, il faut souligner le fait que les juges respectent le rôle de la femme dans la société, personne ne peut le contester. Cela dit, le métier de juge reste très ingrat pour être exercé par une femme, cela ressemble un peu au travail de la police et de l’armée. La vie d’un juge est pleine de voyages et de déplacements dans tous les gouvernorats et jusqu’aux plus petits villages. Notre point de vue est que la femme, par sa nature sensible, ne peut s’adapter à ce mode de vie. Maintenant, si la femme devient juge, le principe d’égalité sera mis en question, cette fois au grand malheur des hommes, parce que les femmes n’assumeront que la partie facile du travail, laissant les dures besognes à leurs collègues mâles. Disons enfin que l’Etat a bien su utiliser cette position contre nous pour ternir notre image ...

— Le Club des juges a accueilli il y a quelques semaines une délégation du Parlement européen. Etait-ce une tentative d’obtenir un soutien extérieur dans votre bataille pour l’indépendance ?

— L’assemblée générale du Club, qui s’était réunie juste avant cette visite, avait pris la décision d’éviter d’aborder nos problèmes avec la délégation du Parlement européen. Nous avons préféré parler de la situation au Proche-Orient et des efforts de l’Union européenne pour l’apaisement de la situation en Palestine, au Liban, en Iraq, au Soudan et en Afghanistan. Pourtant, les membres de la délégation ont insisté pour discuter de la relation entre les juges en Egypte et le pouvoir, et nous avons senti qu’ils étaient très au courant de tous les détails concernant l’évolution de ce dossier. Ils ont suivi les derniers événements, notamment la parution des deux magistrats, Hicham Al-Bastawissi et Mahmoud Mekki, devant un conseil disciplinaire, la promulgation d’une nouvelle loi sur l’autorité judiciaire, et les relations tendues entre les juges et le ministre de la Justice. De notre côté, nous leur avons donné l’impression que les points de désaccord étaient en voie d’être résolus.

— Pourquoi n’avez-vous pas saisi cette occasion pour faire connaître vos revendications et les faire parvenir à l’opinion publique internationale ?

— Comme je viens de le dire, l’ensemble des juges ont décidé de ne pas aborder des problèmes internes, d’autant plus qu’il s’agit d’une situation opposant le pouvoir judiciaire aux pouvoirs législatif et exécutif. Nous avons estimé qu’il n’était pas opportun d’en parler avec une délégation étrangère. Cela dit, nous avons saisi l’occasion pour demander aux membres de la délégation parlementaire de prendre des positions en faveur du respect des droits de l’homme et de l’indépendance de la justice à l’échelle internationale et pas seulement en Egypte.

— Votre réserve lors de cette rencontre n’est-elle pas plutôt le fruit d’une conviction selon laquelle il est interdit aux juges d’aborder des questions strictement politiques ?

— Aucune loi n’interdit aux juges de parler politique. La loi sur l’autorité judiciaire de 1943 nous interdit de suivre une carrière politique en parallèle, entendre par là l’adhésion à un parti ou un mouvement militantiste. Sinon personne ne peut demander aux juges de s’isoler de la société ou de rester indifférents à ses problèmes, ce serait les priver de leur droit de citoyenneté. Un juge a tout à fait le droit de critiquer et de se sentir concerné par les affaires de son pays sans que cela ne dérange en rien son travail.

— De manière globale, le pouvoir judiciaire est-il indépendant en Egypte ?

— Je veux distinguer entre l’indépendance de la magistrature et celle des juges. Ces derniers sont certes indépendants et n’obéissent qu’à leur conscience. Quant à l’indépendance de la magistrature, je crois qu’elle n’existe pas en Egypte.

— Serait-il possible de l’atteindre un jour ?

— Pour une magistrature indépendante, il faudrait que le Procureur général ne soit pas nommé par le chef de l’Etat, il faudrait assurer une indépendance financière aux juges et il faudrait que le contrôle judiciaire revienne au Conseil suprême de la magistrature et non au ministère de la Justice, qui est un organe exécutif. Enfin, pour avoir une magistrature indépendante, le ministre de la Justice doit cesser d’offrir des crédits « avec facilités de remboursement » à certains juges car cela peut être vu comme un moyen de pression.

— Qu’espérez-vous de la réforme constitutionnelle annoncée ?

— Je suis pour une limitation du nombre de mandats du président de la République, ainsi que de ses prérogatives constitutionnelles, je suis en faveur de l’établissement d’une démocratie parlementaire, et pour un contrôle judiciaire plus étendu sur tout le processus électoral .

Propos recueillis par Ola Hamdi

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La guerre des déclarations

Le feuilleton de la bataille entre les juges et le gouvernement se poursuit. C’est dans ce contexte que le Club des juges a tenu, dimanche, une réunion où il a été question de la situation financière « précaire » du club due à la suspension des aides fournies par le ministère de la Justice. Les juges ont dénoncé « la campagne hostile du gouvernement qui vise à ternir l’image des juges ».

Lors d’une rencontre cette semaine avec la presse, le ministre Mahmoud Maréï a considéré que les juges étaient « avant tout des collègues, des frères », ou encore, pour certains d’entre eux, « des disciples ». « J’étais juge avant d’être ministre et maintenant, je suis au ministère pour servir la magistrature et la justice », a déclaré le ministre qui refuse les termes de « désaccord » ou de « différend » en parlant de ses relations actuelles avec les juges, pour le moins tendues. Le ministre a rappelé que depuis son accession au ministère, il a donné la priorité au développement de la restauration et à la rénovation : « C’est là que travaillent les juges et il y va de leur dignité », a-t-il dit.

Evoquant les problèmes financiers dont se plaint le conseil d’administration du Club des juges, le ministre a estimé injustifiable la demande qui lui avait été faite de verser 12 millions de L.E. pour la construction d’un club sportif à Qattamiya pour la famille des juges. « Je leur ai dit qu’il valait mieux utiliser cet argent pour améliorer la qualité de l’assurance médicale offerte aux juges », rétorque-t-il en soulignant son droit de « contrôler les finances du Club des juges avant de débourser de nouvelles sommes ».

Suite à ces déclarations, les juges ont rejeté les accusations de « gaspillage de fonds », faites implicitement par le ministre. Loin de minimiser leurs « problèmes » avec le ministre, les juges soulignent que ce dernier les prive d’un budget qui est le leur. Le vice-président de la Cour de cassation, Ahmad Mekki, a expliqué que l’idée de construire un club à Qattamiya avait reçu l’aval de l’ex-ministre, Mahmoud Aboul-Leil. « Si le ministre actuel n’aime pas l’idée, il ne doit pas l’utiliser contre nous », lance-t-il.

De sa part, Hicham Ginana, membre du conseil d’administration du club, estime que ces déclarations « prouvent que le gouvernement veut assécher les finances du club dans le but de geler ses activités ». Et d’ajouter : « Un grand responsable, comme le ministre, doit éviter les termes aide ou don quand il parle du budget du Club des juges dont il est membre » .

O. H

 




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