Al-Ahram Hebdo, Dossier | L'opposition bat le pavé
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 13 au 19 décembre 2006, numéro 640

 

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Dossier

Liban . L’heure est à l’affrontement. Le Hezbollah et le reste de l’opposition sont descendus dans la rue, face au siège du gouvernement, pour faire écouter leur voix et peut-être régler de vieux comptes. Un risque de dérapage n’est pas à exclure sous l’impulsion de forces extérieures.

L'opposition bat le pavé

Rien ne va plus au pays du Cèdre. Ce semblant d’union, qui avait rassemblé tous les citoyens face à l’agression israélienne et fait de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, un héros national transcendant les communautés, a pris fin. Certains sont dans la crainte de voir la situation actuelle déboucher sur une guerre civile qui reste dans les mémoires. Bien que les deux parties répètent qu’une guerre civile est une ligne rouge à ne pas franchir, que l’armement des milices et le creusement des tunnels n’auront pas lieu, les accusations fusent de part et d’autre et on n’hésite pas à qualifier l’autre de traître ni plus ni moins. Pour le premier ministre libanais Fouad Siniora, le chef du Hezbollah veut « planifier un coup d’Etat contre son gouvernement (...) et s’ériger en tuteur de tout le Liban », a-t-il dit au siège du gouvernement, devant lequel des manifestants protestent depuis le 1er décembre pour faire tomber le cabinet. Le leader du Hezbollah, dont on ne sait exactement où il se trouve depuis la guerre et qui s’adresse à travers la télévision, n’a pas non plus mâché ses mots. Il a accusé le premier ministre d’avoir ordonné à l’armée libanaise de « couper les lignes d’approvisionnement en armes » des combattants pendant la guerre de l’été. Nasrallah a lancé aux membres de la majorité qu’ils sont intervenus auprès des Etats-Unis pour amener Israël à lancer son offensive contre le Hezbollah dans le but d’obtenir son désarmement. Et de dire encore : « Ce gouvernement obéit aux ordres de l’ambassadeur américain au Liban. C’est un gouvernement non libanais, illégitime ».

Il ne s’agit pas là de joutes oratoires uniquement. La rue était invitée à participer et à dire son mot comme l’Agora du temps de l’antique Athènes (lire page 5). Mais si les jours se suivent, ils ne se ressemblent pas forcément. Parce qu’à Beyrouth 2006, la situation est très grave. Comment expliquer cette escalade ? L’élément moteur est, sans doute, l’affaire Rafiq Hariri qui ne cesse de faire couler de l’encre depuis son assassinat en 2005, et de sang aussi, avec l’assassinat du ministre de l’Industrie Pierre Gemayel, voire de provoquer toutes sortes de développements. Pour rappel des faits, une enquête menée par une commission internationale avait inculpé des responsables syriens. Un projet de création d’un tribunal international de l’Onu pour juger les assassins de l’ex-premier ministre, a été adopté par le cabinet de Fouad Siniora. C’est alors que six ministres du Hezbollah et d’Amal ont présenté leur démission pour invalider le gouvernement, le considérer comme non représentatif et créer un vide. Le président de la République, Emile Lahoud, allié de la Syrie, est entré en jeu en rejetant le décret qui lui a été présenté par le Conseil des ministres, « afin qu’il soit revu par un gouvernement légal, constitutionnel et consensuel ».

C’est dire que deux forces, chacune se proclamant légitime, se font la guerre au Liban. L’Etat libanais a toujours été fondé sur un équilibre délicat entre les communautés ; une fois celui-ci rompu, c’est la porte ouverte sur l’enfer. C’est le talon d’Achille d’un système à façade pluraliste et démocratique, d’une république marchande, où tout peut s’épanouir mais où tout peut également tourner au drame. L’influence étrangère y est pour quelque chose. Les Libanais ont toujours dû chercher des protections ou des garanties extérieures. Un jeu d’équilibre plaçant les uns face aux autres. Dans la crise actuelle, on ne peut ignorer plusieurs acteurs : la Syrie et l’Iran, d’un côté, considérés comme des alliés, voire des « manipulateurs » du Hezbollah, et d’un autre, l’Amérique et l’Europe, notamment la France, qui soutiennent Siniora, voire « dictent des ordres » à son cabinet.

La bataille est lancée. Dans ce contexte, Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat américaine, a déclaré, à Washington, en accueillant son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier : « Ce gouvernement démocratiquement élu est sous la forte pression de forces extrémistes et extérieures, y compris la Syrie et l’Iran, qui paraissent déterminées à déstabiliser cette jeune démocratie ». Damas, elle, n’a pas manqué d’affirmer qu’elle a décidé de clore définitivement ce chapitre. « La Syrie n’est intervenue d’aucune manière dans ce qui se passe au Liban, car si elle était intervenue, elle aurait tranché la question », comme l’a dit, sur un ton qui ne manque pas d’être agressif, le vice-président syrien, Farouq Al-Chareh.

La carotte et le bâton

L’Iran, avec son habituelle technique politique alliant la carotte ou le bâton, a relevé par la bouche d’Ahmad Khatami, un haut dignitaire religieux, « qu’il espérait la victoire du Hezbollah, car le gouvernement actuel ne représente pas tous les Libanais ».

Indépendamment de l’influence étrangère, des initiatives sont en cours pour tenter de sortir de l’impasse. La plus importante provient de l’influente Eglise maronite, et témoigne d’une possibilité pour les Libanais de résoudre eux-mêmes leurs problèmes. L’Eglise maronite propose de former un gouvernement indépendant, de préparer une nouvelle loi électorale et une élection présidentielle anticipée. A condition que toutes les parties reviennent à la table des négociations. Un point positif : l’accueil à priori favorable réservé par Nasrallah à la proposition.

Et si les manifestations monstres se poursuivent pour réclamer la démission du gouvernement, personne ne semble vouloir abandonner la négociation. La survie du pays est en cause. Et une médiation de la Ligue arabe pour débloquer la crise semble apporter un certain apaisement, du moins un report de ce dernier assaut que veut livrer l’opposition. Nasrallah a accepté « en principe » les propositions de l’Organisation panarabe, a affirmé dimanche un émissaire de cette organisation, le Soudanais Moustapha Ismaïl, envoyé spécial au Liban du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Sollicité par le président du Parlement libanais Nabih Berri, le chef de la Ligue arabe est attendu à Beyrouth pour reprendre les pourparlers.

Interrogé sur cet accord, un député du Hezbollah, Hassan Fadlallah, a déclaré que « toute initiative stipulant la formation d’un gouvernement d’union nationale dans lequel l’opposition détiendrait un tiers garant des sièges » (lire entretien). Pour l’heure, le gouvernement refuse toujours l’idée d’un droit de veto, qui paralyserait, selon lui, le fonctionnement de l’exécutif. Dans ce contexte, les médiations en cours, aussi méritoires soient-elles, ne constituent pas encore une base suffisante pour parler de règlement de la crise.

La complexité de la situation reflète celle de l’échiquier libanais. C’est un système qui se veut autant confessionnel et communautaire que démocratique. Un Etat des citoyens et des confessions en même temps. Une formule qui a souvent marché et qui, d’autres fois, a mené à la catastrophe. Aujourd’hui, et dans un contexte régional dangereux, ne peut-on pas craindre une tendance de fait vers la division ?

La tentation serait forte chez les Américains, empêtrés en Iraq, de vouloir imposer une formule proche de l’Etat fédéral. Ainsi, les experts américains qui avaient parlé d’une « libanisation de l’Iraq » évoquent maintenant une « iraqisation du Liban ». C’est blanc bonnet et bonnet blanc. Une idée qui remonte au début du XXe siècle avec comme devise : « Diviser pour régner » et qui reste à l’origine de tous les problèmes du monde arabe. Avec le religieux gagnant du terrain et ayant enterré le panarabisme et souhaitant conduire vers sa dernière demeure l’idée d’un Etat des citoyens, les difficultés sont évidentes.

En fin de compte c’est peut-être la realpolitik qui pourrait s’imposer. C’est-à-dire que toutes les parties reviennent à la table des négociations, comme unique solution pour regrouper cette palette de communautés et de religions dans l’intérêt d’un Liban qui, somme toute, ne gagnera rien à être morcelé.

Ahmed Loutfi
Karim Farouk

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« Le Liban ne sera pas entraîné vers la guerre civile »

Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, affirme que l’opposition acceptera toute initiative débouchant sur un gouvernement d’union nationale.

Al-Ahram Hebdo : Voilà plus d’une semaine que vous êtes dans la rue et le gouvernement est toujours en place. Pour combien de temps cette situation peut-elle durer ?

Hassan Fadlallah : L’opposition poursuivra son sit-in. C’est notre manière pacifique de faire pression sur le pouvoir en place, à travers la rue, pour un retour à la Constitution. Nous avons entrepris une nouvelle démarche, dimanche, en organisant le plus grand rassemblement de l’opposition. En mobilisant la rue, c’est une façon de dire que l’opposition est son porte-parole et doit être, donc, présente au pouvoir. On n’hésitera pas à recourir à tous les moyens légaux pour atteindre ce but.

— Fouad Siniora accuse cependant le Hezbollah de planifier un coup d’Etat ...

— Ce sont des déclarations à cent pour cent erronées. Celui qui appelle à la tenue d’élections et accepte ses résultats, celui qui accepte que le différend soit réglé par les urnes ne peut jamais penser à un coup d’Etat. Nous parlons de partenariat conformément à la Constitution et non du monopole du pouvoir.

— Mais vous réclamez le droit de tiers garant (minorité de blocage), ce qui pourrait par la suite bloquer toutes les décisions du gouvernement ...

— L’idée est de parvenir à une sorte de partenariat. C’est-à-dire que l’opposition soit représentée et capable de prendre part au processus de prise de décision, dans les sujets qui déterminent l’avenir du pays, comme la loi électorale, la dissolution du Parlement, la loi de la nationalité, le cas de la guerre et de la paix. Quant aux décisions normales, de la vie de tous les jours, la majorité pourrait les monopoliser. Le premier ministre peut rester le même, on peut aussi maintenir le même nombre de portefeuilles mais il faut que la force représentée au Parlement soit aussi présente au gouvernement. L’idée n’est pas de dissoudre le gouvernement actuel, mais que la majorité accepte l’opposition à ses côtés.

— A quoi ont mené les initiatives lancées pour régler ce différend ?

— Il y a une initiative lancée par le patriarche Sfeir, de l’Eglise maronite, qui propose la formation d’un gouvernement indépendant qui élabore une nouvelle loi électorale et organise des élections. L’autre proposition est celle menée par le Soudan, dans le cadre de la Ligue arabe. Elle reprend en partie les idées lancée par le secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, lors de sa visite à Beyrouth. Notre position est claire, nous sommes ouverts à toute proposition qui parle d’un gouvernement d’union nationale. Le problème n’est pas chez nous, mais chez l’autre camp. Le gouvernement n’a jusqu’à présent répondu à aucune des initiatives.

— La poursuite de cette crise ne pourrait-elle pas mener à une guerre civile ?

— Le Liban ne sera pas entraîné vers la guerre civile, c’est la chose sur laquelle on est tous d’accord. C’est une ligne rouge qu’aucun de nous ne veut franchir. Lorsque certains parlent de creusement de tunnel ou d’armement de milices, ceci fait partie de la provocation, rien de plus. Il n’y aura pas de retour en arrière. Mais tant que le gouvernement actuel s’entête, le Liban se dirigera vers plus de division et plus de tension.

Samar Al-Gamal

 

 




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