La Divine Comédie
Bassam
Bounenni
chercheur
tunisien en géopolitique
Que l’homme de lettres italien Dante
Alighieri m’excuse pour l’emprunt du titre de sa
majestueuse « bêtise » littéraire. J’en fais usage pour
évoquer une bêtise moins fameuse, une bêtise humaine au sens
moderne du terme.
Les « festivals » se multiplient au Liban, depuis quelques
jours. Et chacun crie victoire. Ou, à défaut d’exploit
politique et militaire, crie scandale.
Dans un camp, on parle de « victoire divine ». Dans un autre,
on entame le bal par une messe. Bref, politique et religieux
s’enchevêtrent, ajoutant du burlesque répugnant à un discours
de haine, de part et d’autre. Et le Liban dans tout cela ?
Nul ne peut nier que le Hezbollah a eu le mérite de secouer
toute la région, lors de son face-à-face avec Israël. Des
médias et des intellectuels insistent à l’immortaliser comme
étant « la VIe guerre
israélo-arabe ». Le Parti de Dieu a, en effet, mis un terme à
la règle respectée, à tort ou à raison, par les Etats majors
arabes, laquelle exclut l’éventualité d’une nouvelle guerre
avec l’Etat hébreu.
Mais cette guerre qui a coûté très cher aux Libanais a-t-elle
permis au pays du Cèdre de finir avec le schisme général qui
ravage toute une nation ?
Les populations arabes ont vite adhéré à une guerre qui
n’était pas la leur. En l’absence de perspectives politiques
et sociales sous leurs cieux, ils ont cherché exploit
ailleurs. Ajoutant un zeste de fatalisme — la guerre ou rien —
à une recette déjà amère.
Chez « l’ennemi » israélien, pourtant, le cours des événements
prend une autre tournure : enquête sur le comment de la
déroute, baisse de popularité pour le duo trop politicien de
Olmert-Peretz.
Les pratiques démocratiques, solidement consolidées en Israël,
ont imposé cette « rétrospective » qui pourrait faire des
victimes autant que la guerre n’en a faites.
Mais, au Liban, ainsi que dans les pays arabes, l’heure n’est
pas encore aux comptes. Elle ne l’est
pas et ne le sera jamais. Même lorsque Hassan
Nasrallah avait déclaré qu’il
n’aurait certainement pas pris en otage des soldats israéliens
s’il avait su que la riposte israélienne serait aussi
disproportionnée, la rue arabe y avait vu un « lapsus ».
Certains sont même allés jusqu’à critiquer le chef du
Hezbollah pour son « franc-parler » déplacé et pouvant
minimiser l’impact de sa « victoire ».
Et les monarchies pétrolières d’entamer leur kermesse. La
surenchère « humanitaire » a, d’ailleurs, atteint son
paroxysme. Sauf qu’on a toujours omis que le Liban n’a
vraiment pas besoin de charité. Loin s’en faut. Le pays du
Cèdre a plutôt besoin de stabilité, à la fois institutionnelle
et inter-confessionnelle. En
somme, un nouveau visage où priment l’unité et l’intérêt
nationaux.
Le cas du Liban n’est pas si méconnu pour les pays arabes les
plus influents. L’Iraq est l’autre face de la monnaie.
Dans les deux « tragédies », il est un point commun on ne peut
plus capital : en Iraq, comme au Liban, force serait de
tourner la page du passé. Car, il est inconcevable de voir des
mains ensanglantées signer ou aspirer à signer des alliances
de bonne entente ou des codes de bonne conduite. Quelle
crédibilité pour les thuriféraires du mal, ici et là ?
Faut-il passer par La Haye, me
diriez-vous ? Ce n’est pas l’objectif. Du moins, pour
l’instant. Mais, tant que l’impunité permet à des criminels de
guerre de jouer un rôle prépondérant dans les assises du «
dialogue national », les débouchés ne seront pas prometteurs.