Film Anti-Islam.
Indignés par l’humiliation de leur religion, les musulmans
cherchent à faire adopter une « loi internationale »
pénalisant la diffamation des croyances et des prophètes.
Une démarche dont l’efficacité est mise en question.
Respecter par la force de la loi
Cherchant
à canaliser la défense de la religion loin de l’usage de la
violence, des officiels d’Al-Azhar, des responsables de
partis islamistes et des syndicalistes se sont attelés à la
tâche d’élaborer une législation interdisant la
diffamation
des croyances et des symboles religieux, susceptible d’être
acceptée et appliquée dans les pays occidentaux. Le grand
imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmad Al-Tayeb,
a appelé les Nations-Unies à faire adopter une loi
internationale incriminant l’atteinte aux religions et aux
prophètes.
De son côté, la confrérie des Frères musulmans et son bras
politique, le Parti Liberté et justice, ont affirmé
travailler sur un projet de « charte » incriminant le
blasphème en vue de le proposer aux Etats-Unis et aux pays
de l’Union européenne. « Nous sommes en train de
peaufiner une nouvelle charte basée sur l’initiative
d’Al-Azhar, que nous allons discuter avec les autres
courants islamistes pour la proposer ensuite aux autorités
compétentes et au président de la République », affirme
l’avocat des Frères, Abdel-Moneim
Abdel-Maqsoud. « Mais il faut
d’abord rallier le plus grand nombre de pays islamiques
derrière ce projet avant de l’envoyer aux Nations-Unies. La
pression internationale est importante », poursuit-il.
Ces efforts pour sensibiliser les Occidentaux à l’importance
de respecter les croyances religieuses ont été soutenus par
la plupart des syndicats, ainsi que par une vingtaine d’ONG
en Egypte. « J’ai proposé l’organisation d’une conférence
internationale sous les auspices d’Al-Azhar avec pour
objectif de faire du respect des religions une obligation
internationale », dit Abdel-Gawad
Ahmad, membre du conseil de l’ordre des Avocats.
L’ordre des Avocats a aussi appelé les autorités égyptiennes
à poursuivre en justice les auteurs du film « destiné à
créer des troubles sectaires en Egypte ». Une vingtaine
d’ONG ont également soutenu la poursuite des auteurs du
film, ainsi que l’idée d’une charte internationale
incriminant l’atteinte aux symboles religieux.
Or, face à l’attachement des pays occidentaux au principe de
la liberté d’expression, du moins en ce qui concerne la
religion, ces efforts semblent voués à l’échec. Ainsi, tout
en dénonçant une vidéo « écœurante », les Etats-Unis
ont reconnu que celle-ci était protégée par leur
Constitution et son premier amendement sur la liberté
d’expression qui interdit les poursuites pour des propos
insultants ou diffamatoires.
« Je sais que pour certains ce sera dur de comprendre
pourquoi les Etats-Unis ne peuvent pas interdire ce type de
vidéo répréhensible », a déclaré la secrétaire d’Etat
américaine, Hillary Clinton. « Mais je veux souligner
qu’avec les technologies modernes c’est impossible. Et même
si ça l’était, notre pays a une longue tradition de liberté
d’expression qui est gravée dans notre Constitution et dans
nos lois. On ne peut pas empêcher des citoyens d’exprimer
leurs points de vue, quand bien même cela ne nous plaît pas »,
a-t-elle poursuivi.
L’efficacité de la démarche
Mais face à ces revendications pour faire respecter les
religions par la loi, certains activistes des droits de
l’homme se demandent sur l’efficacité de la démarche. « Supposons
que ces efforts aboutissent, quelles religions seront-elles
mentionnées dans ladite loi internationale ? Seules les
trois religions monothéistes ? Et qu’en sera-t-il des
nombreuses autres croyances ? Est-ce qu’on arrêtera en
Egypte d’interdire aux bahais de
pratiquer leur religion ? Il faut savoir que le monde
n’acceptera pas cette dualité dans le traitement des
croyances religieuses », se demande
Adel Wassily, activiste
politique.
En effet, malgré la présence d’une loi égyptienne qui
pénalise l’atteinte aux religions, celle-ci n’a pas aidé à
assurer le respect mutuel des croyances de chacun. En vertu
de la loi 29 du code pénal, amendée en 1982, « toute
personne accusée de diffamer une religion céleste ou de
mépriser ses adeptes à travers des propos ou des écrits ou
par tout autre moyen est passible d’une peine de prison
entre six mois et cinq ans et d’une amende entre 500 et
1 000 livres ».
Cette loi été souvent appliquée plutôt contre le respect des
religions … autres que « célestes ». Ainsi, en juin
2010, six Egyptiens ont été détenus près de trois mois pour
leur adhésion à la communauté des
Ahmadi, considérée comme hérétique par les sunnites.
Leur chef d’accusation était « le mépris de la religion ».
D’après le chercheur Ammar Ali Hassan, cette loi n’a protégé
personne. « Les chaînes satellites islamiques diffusent
beaucoup d’émissions dénigrant la foi chrétienne, sans que
personne bouge pour les arrêter. Cela incite les chrétiens à
faire de même en utilisant la même arme, et ça se transforme
en duel. A ceux qui revendiquent une loi internationale, je
dis cela n’est pas la solution », estime Hassan.
May Atta