Carburant.
La pénurie continue à sévir faisant peser un climat négatif
sur l’économie. La mauvaise gestion du gouvernement
Qandil est montrée des doigts.
Une crise qui fait des dégâts
Une
énième pénurie de gasoil, d’essence et de bonbonnes de gaz a
touché l’Egypte il y a quelques jours. Rien de nouveau dans
le paysage
économique,
sauf qu’il s’agit de la première crise du genre sous le
gouvernement Qandil. La pénurie
pour le gasoil s’est élevée à 20 % du total de la demande,
tandis que le manque de l’essence a atteint 15 %. La raison
principale est imputable au déficit public. L’Etat ne
parvient plus à importer suffisamment pour couvrir
l’ensemble de la demande. L’essence est en effet largement
subventionnée dans tout le pays.
D’interminables files d’attente se sont formées devant les
stations d’essence dans presque tous les gouvernorats du
pays, notamment à Charqiya, en
Haute-Egypte, à Guiza et au
Fayoum. Des embouteillages monstres bloquent la circulation
à cause des voitures qui font la queue devant les stations,
les files débordant largement sur
les rues alentours.
Par ailleurs, la pénurie de gasoil a provoqué l’arrêt des
boulangeries et l’immobilisation des bateaux de croisières
allant de Louqsor à Assouan. Les camions n’assurent plus les
livraisons, provoquant des pénuries d’autres produits et
ainsi de suite ...
Mamdouh
Hassan, qui possède un taxi, confie que cette pénurie risque
de lui faire perdre son véhicule, puisque cela fait 3 jours
qu’il ne travaille plus. « Je peine à trouver du gasoil,
et je suis obligé de l’acheter au marché noir car je ne peux
en aucun cas m’arrêter de travailler », se plaint-il.
Les prix du marché noir sont aussi responsables de la hausse
des tickets des minibus, parfois de 50 %.
Le gaz subit les mêmes problèmes, les bonbonnes de gaz
domestiques frôlant parfois les 40 L.E.
Minimiser le problème
Le ministère du Pétrole tend à minimiser le problème,
évaluant la pénurie à 10 % pour le gaz butane, tandis que le
ministère de la Solidarité l’évalue à plus de 22 %. « Les
réserves en gaz butane de l’Etat sont limitées à une semaine
de consommation. Avec l’approche de l’hiver, des mesures
doivent être prises urgemment », prévient Anouar Al-Naquib,
conseiller au ministère de la
Solidarité.
Outre l’essor du marché noir, ces crises à répétition font
peser un climat négatif sur l’économie. Les pertes de
revenus qu’elles engendrent sont aussi propices à la
recrudescence de la délinquance, les travailleurs se
retrouvant parfois dans l’impossibilité d’exercer leur
métier. Bref, l’ampleur de la crise dépasse souvent
l’enceinte des stations d’essence.
Face à un déficit budgétaire considérable, le gouvernement
souhaite réduire de 25 milliards de L.E. les
subventions consacrées aux
matières pétrolières dans le nouveau budget 2012/2013. Le
montant total de ces subventions pour 2011/2012 a atteint 95
milliards de L.E. L’estimation pour 2012/2013 fait état de
115 milliards de L.E. de subventions pétrolières.
Ahmad Hassan, journaliste à l’agence Reuters,
souligne plusieurs incohérences. D’abord, la réduction de 25
milliards serait calculée sur le nouveau budget, ce qui, en
fin de compte, ne réaliserait que 5 milliards d’économies
par rapport à l’année dernière. Par ailleurs, il estime
impossible d’arriver à économiser 4 milliards de L.E. sur
les subventions aux bonbonnes de gaz, comme l’affirment les
chiffres du nouveau budget.
Erosion des réserves en dollars
Certaines questions laissent perplexes. Pourquoi les
ministères concernés n’arrivent-ils pas à s’entendre pour
résoudre cette crise ? Les pénuries sont-elles le résultat
inévitable de la détérioration de la situation économique et
de l’érosion des réserves en dollars, affectées par
l’absence de tourisme et d’investissements étrangers ?
Contactés par l’Hebdo, les cadres du ministère du
Pétrole se sont abstenus de répondre à la moindre question.
L’Organisme public du pétrole s’est contenté de publier un
communiqué jeudi 13 septembre, soulignant l’augmentation des
quantités d’essence disponibles sur le marché. La situation
dans plusieurs gouvernorats est cependant restée
catastrophique. A Assouan, seuls 42 % des besoins étaient
assurés, 31 % à Qéna.
Hossam
Arafat, président du département des matières pétrolières
auprès de l’Union générale des Chambres commerciales,
souligne que les déclarations de l’Organisme du pétrole ne
sont que des promesses. Il estime que le ministère du
Pétrole souffre d’un déficit financier résultant d’une
accumulation de dettes s’élevant à plus de 5 milliards de
dollars, soit 15 % du volume des dettes égyptiennes
contractées à l’étranger.
L’Egypte ne semble pas avoir les moyens financiers de faire
face à ses obligations. Le ministère des Finances qui avait
promis au ministère du Pétrole une aide de 100 millions de
dollars par semaine pour le carburant n’a pu verser que la
moitié de la somme.
Une source bien informée auprès du ministère de la
Solidarité estime aussi que le Banque Centrale Egyptienne
(BCE) n’arrive plus à se fournir en dollars. « De plus,
la BCE préfère garder ses réserves de changes pour
l’importation de blé », affirme cette même source.
Le ministre des Finances, Momtaz
Al-Saïd, continue cependant à nier que ces pénuries soient
le résultat d’un manque de financement. « La pénurie de
l’essence est due aux entraves logistiques consécutives aux
horaires d’encaissement des chèques. Selon les déclarations
récentes de Hani Dahi, président de l’Organisme du pétrole,
le total des dettes (23 milliards de dollars) a été
remboursé aux compagnies étrangères », a-t-il affirmé.
Al-Saïd a toutefois précisé que son ministère a dû injecter
259 millions de dollars pour l’importation de carburant.
Ces pénuries semblent avant tout être le signe d’une crise
économique profonde alliée à une incapacité politique à
trouver des solutions. C’est avant tout la défaillance des
institutions de l’Etat qui est en cause.
Dahlia Réda