Al-Ahram Hebdo, Littérature | Mohamad Al-Achri

  Président
Abdel-Fattah El Gibali
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

Nos Archives

 Semaine du 29 août au 4 septembre 2012, numéro 937

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Nulle part ailleurs

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Livres

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Littérature

Mohamad Al-Achri est un romancier qui sait décrire autant l’aridité du désert que les affres et les passions de l’amour. Dans Halet al-nour, il se meut aisément avec profondeur et finesse entre ces deux espaces.

 

L'aura de lumière

 

B

(…)

Je la vis pour la première fois sur le chemin. Je me retournai. Je la regardais pensif. Elle rit en fermant ses cils courts. Mon cœur se mit à battre fort. Il se réveilla par la suite et éclata dans ma poitrine après un long silence tellement que je l’avais cru mort. Je pensais que personne ne pourrait le faire sortir de son sommeil. Les branches des feuilles se levèrent rapidement et se colorèrent d’un rouge épanoui. Je cueillais une fleur d’un marchand ambulant. Je la plaçais en face d’elle. Son visage se colora de rouge pourpre de timidité. Elle balbutia. Je m’approchai vers elle d’un pas. Je rapprochais mes deux paumes. La fleur du sourire s’ouvrit entre nous et laissa planer sa senteur rafraîchissante.

***

Je pensais longtemps pieusement aux ambitions des amoureux alors qu’ils descendent avec les parachutes spacieux de l’amour dans les affres de la passion. Ils arrivaient à éteindre le feu alors que leurs cœurs se remplissaient d’amour. Je voyais mon cœur devenir de plus en plus grand et ombrager l’univers et me faire descendre dans le cœur de la vie. Alors que je traversais la ligne limite entre l’imagination et la vérité, je comprenais que le fait de puiser de la senteur du miel des cœurs enflammés n’avait pas besoin qu’on s’arrête et qu’on hésite, mais simplement de s’élancer avec la plus grande rapidité des cellules et de s’accrocher à sa poitrine quelles que soient la douleur de la brûlure et les piqûres de la réalité. La vie même, si elle se prolonge, est courte comme un clin d’œil, et la vie mérite qu’on la vive et qu’on l’arrache des mâchoires du temps qui ne s’arrête pour personne. Car la vie remplie de liens contient des joies qui désaltèrent des milliers de déserts arides et les métamorphosent en jardins.

***

Je n’attendis pas longtemps. Je décidais de vivre l’expérience jusqu’au bout et de suivre les signes, de creuser avec une perche chaude dans les pieds des arbres vétustes, de faire de mes pas des traces à tous les endroits où les anges de l’amour apparaissaient, de m’approcher du vieux fleuve pensif et de laisser — uniquement — sur son bord tendre ma soif pour qu’elle sombre au fond.

***

Au second pas, nous devînmes proches. Nos doigts collés sur la tige de la fleur pleine d’amour savourant les piqûres de ses tiges enflammées.

***

Je l’invitais à s’éloigner des gens. Nous nous faufilâmes dans un endroit à la lumière tamisée aux arbres étendus au bord du Nil. Je la surpris par un baiser furtif sur sa joue droite. Sa main trembla dans la mienne. Elle me suivit en silence essayant de paraître normale. Je sortais de ma poche les coupures de papier sur lesquelles j’avais inscrit un seul mot. Je remplissais mes paumes puis je les levais en l’air et les laissais tomber sur sa tête comme des gouttelettes de pluie rafraîchissante qui rafraîchissent le sol sous nos pas. Elle rit, mignonne, comme une gamine. Elle se baissa pour ramasser quelques petits bouts dispersés sous nos pieds. Elle lut un bout de papier et s’étonna. Elle lut un autre et son étonnement augmenta et son rire aussi. Puis elle lut encore un troisième, un quatrième et un dixième …

***

Le seul mot que j’avais dessiné avec précaution d’une couleur verte rayonnante sur tous les papiers sortait d’un petit cœur dessiné en rouge. Il l’incita à se libérer de ses ailes et à me prendre dans ses bras pour insister avec une joie enfantine :

— Je veux l’écouter de ta bouche, sorcier.

Sa demande me poussa au silence, en comprenant que le silence de la passion face aux amoureux enflamme l’amour et plante dans les cœurs les fleurs de l’amour. J’entourais son cou de mes bras et elle sourit. Elle m’entoura la taille de sa main droite et nous avançâmes à pas lents, dans la profondeur des arbres alors que les feuilles pleines de rosée se réveillaient sous nos pas. Je fus alerté par sa grande attention alors qu’elle s’attendait à être entourée de plein de caresses et de mots d’amour.

Je me retournais en souriant et en regardant ces bouts de papier qui nous suivaient. Ils avaient couvert nos épaules et notre poitrine comme une volée de pigeons qui voulait se reposer. Je l’entendis qui me chuchotait à l’oreille et qui répétait heureuse dans un chant limpide que je touchais parmi les feuilles des arbres dont les branches pendaient et qui se posait sur mes épaules :

« Je t’aime … Je t’aime ».

***

Lorsqu’elle s’approcha de moi, à ce point, je sentis que les branches s’étendaient et qu’elles sortaient de moi. Empli de feuilles denses, je me métamorphosais en un arbre plein d’oiseaux dans la nuit. Son approche douce ressemblait au coup de feu d’un chasseur effrayant les oiseaux endormis. Ils s’évadèrent les uns derrière les autres.

Le silence qui me mit dans un état second après que le plaisir m’eut touché, me sembla étrange et je me posais la question :

Qui suis-je ?

Suis-je vraiment moi-même ?

Ou suis-je l’arbre ?

Suis-je son ombre ?

J’avais l’envie d’être habité par les oiseaux, d’être secoué par le coup de feu du chasseur d’un moment à l’autre. En quelques secondes, je pouvais me départir de tout, perdre mes feuilles, faire voler mes oiseaux, être tout nu ayant besoin de chaleur, d’une enveloppe vivante contenant l’âme égarée.

***

Une nouvelle fois, je touchais de mes doigts de petites âmes, je sortis les petites coupures et les dispersais en l’air. L’amour qui sortait de ma poche ressemblait à des oiseaux gais qui regardaient hors de leurs nids mettant en avant des cous sans plumes. Ils remplissaient l’espace de gazouillis. Ils invitaient des volées d’oiseaux à les accompagner dans leurs fêtes. Les ailes scandaient les airs et masquaient les nuages.

Je revins plein de fierté, la joie me tirant par le bras. J’escaladais les marches de l’escalier les unes derrière les autres comme si je jouais sur un énorme piano qui lançait sa musique dans tous les recoins du bâtiment vétuste. Il distribuait la musique avec harmonie. Elle montait des ouvertures alors que le chœur scandait mes chansons de derrière la lumière existant sur les murs capitonnés de bois coloré. La musique dansait devant mes yeux. Toutes les choses à cause de l’amour s’étaient converties en une couleur rosée qui incitait à la joie et à monter avec la musique vers la joie de l’âme.

***

La joie sauta de mes yeux et je souris à la réception de l’hôtel alors que j’avançais la main pour prendre la clé de la chambre du réceptionniste bariolé de couleurs qui avança la main pour la poser dans la mienne. Sans prononcer un seul mot, je lui donnais le dos. Je nageais avec légèreté dans la direction de ma chambre. Je m’allongeais sur le lit, heureux de moi-même. Je dis : Même les grands inventeurs ne font que des choses très simples que les autres considèrent comme des miracles.

Je ne savais pas que le fait d’inventer un petit stratagème pour exprimer les battements du cœur suffisait à lever le ciel très haut sur un piédestal et que cela m’avait ouvert soixante-dix-sept portes dans la direction du trône.

Traduction de Soheir Fahmi

Retour au sommaire

 

Mohamad
Al-Achri
 

 

Né en 1967, géologiste de formation, son penchant pour l’écriture littéraire est né dans son jeune âge. Il a publié 4 romans : Ghadet al-assatir al-haléma (la dame des légendes oniriques), aux éditions Qossour al-saqafa en 1999, Nabea al-zahab (la source de l’or), GEBO en 2000, Toffahet al-sahara (la pomme du désert), Markaz al-hadar en 2001 et Halet al-nour (l’aura de lumière), Markaz al-hadara en 2002, et Khayal sakhen (une imagination chaude) en 2008. Ce dernier roman a reçu le prix de l’auteur égyptien Ihsan Abdel-Qoddous l’année de sa parution. Il a reçu le prix du Club de la nouvelle en 1999 et celui des Palais de la culture en 2000-2001.

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.