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 Semaine du 22 au 28 août 2012, numéro 936

 

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Société

Hôtels Halal. Ces établissements ne vendent pas d’alcool et interdisent la danse et la musique. Ils commencent à faire leur apparition en Egypte.

 

Réservés aux pieux

« je ne veux pas commencer ma vie conjugale dans un lieu maudit par le Seigneur car on y présente de l’alcool et on permet la mixité flagrante ». C’est ainsi que Mohamad justifie le choix de l’hôtel où il a décidé de célébrer ses noces. Au rythme des tambourins, les deux mariés font une entrée théâtrale. Mais, au 10e étage, le couple se sépare. Mariam, la mariée, monte à l’étage supérieur pour rejoindre la salle réservée aux femmes. La direction de l’hôtel a évacué tous les hommes de cet étage. Le personnel qui rend service aux invitées est composé uniquement de femmes. Même la troupe musicale, les photographes, etc. sont aussi des femmes. Les femmes qui portent le niqab (voile complet) ôtent leurs foulards. C’est alors un carnaval d’élégance et de coquetterie pour ces dames qui se cachaient derrière leur voile. Elles se faufilent sur la piste pour danser avec la mariée, alors qu’une fille sert le traditionnel sirop.

Au 9e étage c’est une tout autre image. Mohamad rejoint ses invités. Des amandes et des noisettes sont distribuées aux convives, sans oublier le hors-d’œuvre : du caviar et du saumon fumé. La fête est à son comble. Une seule table est réservée aux fumeurs qui sont peu nombreux et sont vus par les autres invités comme étant les moins pieux. Le serveur se déplace avec sveltesse et présente une variété de boissons halal (licites).

Ce petit hôtel est installé sur la corniche du Nil, à Zamalek. Depuis quelques années, il est la destination préférée des « moltazemin », des personnes très attachées à la religion et qui veulent tenir des soirées de mariage ou d’anniversaire tout en respectant les principes de la charia. Ces hôtels halal sont en accord avec les préceptes de la charia et représentent une nouvelle tendance qui semble s’imposer dans le monde du tourisme et d’hôtellerie en Egypte.

L’expérience a commencé aux Emirats arabes unis. Certains hôtels ont brandi le slogan « pas d’alcool, pas de danse, pas de musique ». Ils ont consacré des piscines aux femmes et le personnel qui y travaille n’utilise que le salut islamique « al-salamou alaykom ». Ces hôtels offrent une cuisine halal. La viande est conforme aux normes islamiques. Dans les chambres, les chaînes proposées sont des chaînes religieuses ou sérieuses ne diffusant que des informations. Aux Emirats arabes, les créateurs de l’idée sont allés plus loin. Un comité surveille ce système licite. Il doit s’assurer que ces chaînes d’hôtels respectent les normes de la charia que ce soit aux Emirats ou à l’étranger (Soudan, Egypte, Qatar).

Selon une étude effectuée par la société Al-Mela lil diyafa à Dubaï, ce genre d’hôtels représente environ 10 % de l’ensemble d’hôtellerie au niveau du monde. Une tendance qui ne cesse de gagner de l’ampleur. Les investisseurs du Golfe entendent construire 150 autres hôtels islamiques dans plusieurs pays arabes avant 2015. Le budget consacré à ces hôtels s’élève à 2 milliards de dollars.

Aujourd’hui, ce genre d’hôtels semble trouver une large clientèle en Egypte. D’après Ziyad Mahfouz, président du groupe saoudien Ilaf pour l’industrie, l’hôtellerie et le tourisme, une étude du marché égyptien est actuellement en cours afin d’installer une chaîne d’hôtels islamiques. Par ailleurs, des rumeurs circulent sur des négociations menées par des hommes d’affaires des Frères musulmans pour acheter les célèbres cabarets, boîtes de nuit et casinos de la rue Al-Haram afin de construire à leur place des hôtels islamiques. Certains propriétaires d’hôtels et de cabarets ont déjà reçu des offres sérieuses. Et ce, afin de mettre fin à la réputation de cette rue qui a vécu son âge d’or dans les années 1970. Une tendance qui va de pair aussi avec le succès réalisé par les deux plages réservées aux femmes à Marina sur la Côte-Nord.

Nouveau style de vie ou transformation due à l’ascension du courant islamiste ? Quelle que soit la raison, cette nouvelle tendance est au centre d’un vif débat. « Nous ne sommes pas contre l’expérience. Si quelqu’un veut inaugurer des hôtels pareils, il aura toutes les autorisations et toute l’assistance possible de notre part », affirme Elhami Al-Zayat, président de la Fédération égyptienne du voyage. Pourtant, c’est une aventure très risquée. « Je pense qu’il sera très difficile de généraliser cette expérience en Egypte. Car les hôtels égyptiens comptent environ 225 000 chambres. 209 000 autres chambres sont en cours de construction. Pour réaliser un essor dans le secteur du tourisme, nous avons besoin que 80 % de ces chambres soient réservées chaque année par 60 millions de touristes. Or, le maximum que l’Egypte a pu réalisé est de 15 millions de chambres réservées. Cela veut dire que nous avons besoin de 45 millions de touristes supplémentaires pour développer le secteur du tourisme. Comment peut-on atteindre ce chiffre si tous nos hôtels ne répondent qu’au goût des moltazemin ? », s’interroge Elhami Al-Zayat, qui évoque l’expérience turque. La Turquie n’a pu attirer que 100 000 touristes après la fondation de ce genre d’hôtels.

Adel Abdel-Razeq, membre de la Fédération égyptienne des chambres de tourisme et propriétaire d’un hôtel, partage cet avis. « Les hôtels qui ne servent pas de vin ont beaucoup de difficultés à survivre. L’alcool est une chose primordiale pour le touriste, exactement comme l’eau pour nous. Plusieurs hôtels ont essayé de respecter les normes de la charia, mais ont fermé leurs portes rapidement », affirme-t-il. Et d’ajouter qu’une expérience similaire avait eu lieu il y a 15 ans. « Je possédais un hôtel islamique dans la région des pyramides avec le cheikh Chaarawi avant sa mort. La condition du cheikh était que l’hôtel ne présente pas d’alcool. Au début, nous avons travaillé un peu, mais on a fini par subir d’énormes pertes. J’ai dû abandonner la gestion de l’hôtel. Plusieurs autres hôtels au Caire ont été obligés de fermer ou bien de céder et présenter de l’alcool », avance-t-il.

Cependant, pour certains experts du tourisme ce genre d’hôtels peut réaliser un véritable boom en Egypte. Il suffit de savoir que les touristes arabes du Golfe qui cherchent ce genre de service dépensent en moyenne 12 milliards de dollars par an. Leur argent de poche est trois fois supérieur à celui des touristes occidentaux. De plus, certains estiment que la diffusion de ce genre d’hôtels dans les pays musulmans va encourager les agences de tourisme à commercialiser les programmes touristiques parmi les familles pieuses et conservatrices.

« Dans ce genre d’hôtels, on se sent plus en sécurité et à l’abri de la nudité qui peut nous choquer parfois lorsque nous allons à la piscine. Ces hôtels nous fournissent une ambiance plus sereine et d’intimité avec des gens qui partagent avec nous les mêmes principes », assure Soha, médecin de 45 ans et mère de deux garçons.

Mais tout le monde ne partage pas cet avis. Et pour certains, ces hôtels risquent d’alimenter le fanatisme. « Ces hôtels vont-ils choisir leurs clients selon leurs confessions ? », s’interroge Fathi, journaliste. Il cite l’exemple d’un petit hôtel situé à Guiza qui prétendait que toutes les chambres étaient réservées lorsqu’il recevait un client où était mentionné sur sa carte d’identité « sans religion » ou bien quand il recevait des groupes de touristes en provenance de certains pays d’Extrême-Orient ou du Danemark, surtout après l’affaire des caricatures du prophète jugées blasphématoires. Cet hôtel refusait aussi de recevoir les juifs même s’ils provenaient des pays arabes. Pire encore. Selon Fathi, ces lieux d’hébergement risquent de devenir des nids pour le terrorisme, surtout si leur activité aussi bien que leur budget ne sont pas surveillés par le ministère du Tourisme. Tout ceci ne semble pas inquiéter les familles conservatrices qui préfèrent garder leurs principes. « Chacun vit à sa manière », explique Dina, traductrice de 30 ans. « N’y a-t-il pas de lieux qui interdisent l’entrée des femmes voilées comme les boîtes de nuit par exemple ? C’est le cas d’un restaurant appartenant à un homme d’affaires copte situé au bord du Nil à Zamalek. Aujourd’hui, il existe un club fréquenté uniquement par les coptes situé sur l’autoroute Le Caire-Ismaïliya. Il ne s’agit pas de semer la sédition, mais d’être plus à l’aise », avance-t-elle. Les hôtels islamiques ont-ils un bel avenir devant eux ? L’expérience seule pourra le dire.

Dina Darwich

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