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 Semaine du 22 au 28 août 2012, numéro 936

 

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Pouvoir Politique. Les changements à la tête du Conseil suprême des forces armées soulèvent des interrogations sur le rôle des militaires après 60 ans passés à la tête de l'exécutif. Parler de la fin de leur influence semble prématuré.   

L’armée a la peau dure

« Vous savez, le président dans ce pays, pour les 50 ans à venir, doit être un militaire. Les dirigeants de la guerre priment sur les autres », ainsi aurait confié l’ancien président Anouar Al-Sadate à l’écrivain Hassanein Heikal. Les militaires régnaient déjà depuis un quart de siècle sur le pays. Mais lors de cette conversation qui a eu lieu en 1975, Sadate faisait la distinction entre les militaires de Juillet 1952 et ceux d’Octobre 1973. Aussi aurait-il dit : « La génération de Juillet n’est plus adéquate et il est temps pour elle de remettre les rênes à la génération d’Octobre ».

En mettant à la retraite le ministre de la Défense, le maréchal Hussein Tantawi, et le chef d’état-major, Sami Anan, le tout nouveau président Mohamad Morsi a mis fin au rôle de cette génération d’Octobre à qui Sadate avait remis les rênes. Morsi est, en effet, le premier civil à accéder à la magistrature suprême depuis le renversement de la monarchie par les Officiers libres en 1952, et il semble bien qu’il y ait eu des négociations entre la présidence et les militaires à propos de ces changements à la tête de l’armée.

Dans la foulée de la révolution qui a fait tomber Moubarak, successeur de Sadate, et tout au long des 18 mois de la transition, les Egyptiens révoltés scandaient « à bas le pouvoir militaire », appelant les militaires à remettre le pouvoir aux civils. Ces mots allaient au-delà d’une simple protestation contre une transition mal gérée. Ils donnent une description précise de la situation en Egypte depuis que l’armée est arrivée au pouvoir avec la révolution de Juillet. Une élite militaire qui n’est pas rentrée aux casernes comme le désirait le premier président Mohamad Naguib. Au contraire, les Officiers libres et leurs héritiers se sont solidement implantés en occupant les postes les plus importants au sein de l’Etat. Et à chaque fois qu’un général partait à la retraite, il se voyait attribuer un poste dans un appareil administratif de l’Etat. La discussion que Sadate a eue avec Heikal s’achève par le choix de Hosni Moubarak comme vice-président. Durant les trois décennies que ce dernier passera à la tête de l’Etat, les militaires sont au premier rang des institutions étatiques, une stratégie.

Le remaniement initié par Morsi apparaît donc comme une décision historique, puisque pour la première fois, depuis la création de l’Etat égyptien moderne, des chefs militaires sont limogés par une autorité civile élue. C’est également la première fois que la légitimité des urnes prend le dessus sur la légitimité des victoires militaires. La légitimité de Naguib et Nasser était le putsch de 1952, celle de Sadate était la guerre d’Octobre contre Israël. Quant à Moubarak, il a basé sa légitimité sur l’attaque aérienne qui a servi de couverture aux troupes égyptiennes pour traverser le Canal de Suez et dont il était l’architecte. Morsi, lui, tire sa légitimité de la volonté de la rue, des citoyens qui ont voté pour lui en mai dernier.

Le remaniement initié par Morsi au sein de l’armée a été pourtant vu comme une étape pour « frériser » le pays, c’est-à-dire renforcer la main des Frères musulmans dont il est issu. Les dirigeants militaires limogés n’ont pas été remplacés par des membres de la confrérie et ont d’ailleurs été honorés. Tantawi a reçu le très prestigieux Ordre du Nil qui lui vaut d’être traité comme un chef d’Etat, et Anan a reçu l’Insigne de la République. Les autres dirigeants remplacés se sont vu attribuer des postes importants au sein de l’administration comme celui de PDG de l’Organisme du Canal de Suez.

Ce changement à la tête de l’Etat, suivi d’un autre à la tête de l’armée, ne met pourtant pas fin au pouvoir des militaires.

Selon le professeur de sciences politiques, Rabab Al-Mahdi, « c’est vrai que l’institution militaire n’est plus à la tête de l’exécutif, mais cela ne signifie pas la fin de son rôle politique. Elle continue à jouer un rôle dans les coulisses ».

Et sur scène, ils sont déjà très présents dans l’administration et dans l’économie. Fait révélateur, 16 des 27 gouvernorats d’Egypte sont dirigés par des généraux ou colonels. Et 13 des 25 chefs de quartier du Caire sont des militaires sans compter les municipalités.

On les trouve dans des ministères comme l’Environnement et le Transport, dans les compagnies d’eau et de pétrole.

Les officiers à la retraite dirigent trois secteurs très importants, à savoir l’agriculture, l’urbanisation et le tourisme. Ils dirigent également des usines de pâte, d’huile et d’eau minérale. L’historien Mohamad Al-Gawadi parle d’un changement de rôle et non d’un rôle affaibli de l’armée, et base sa vision sur les activités économiques des forces armées qui restent d’ailleurs un tabou. Ces activités représenteraient entre 25 et 40 % de l’économie. On ne sait pas comment les décisions se rapportant aux projets d’investissement géants sont prises au sein de l’armée, combien coûtent ces projets et qui en récolte les bénéfices, car l’armée s’applique à dissimuler toutes les informations ayant trait à ses intérêts, ce qui fait d’elle un Etat dans l’Etat, surtout que ses activités échappent à tout contrôle de l’exécutif.

Il semble donc exagéré de parler de la fin des militaires, selon Seifeddine Abdel-Fattah, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. « L’armée continuera à jouer un rôle politique et continuera aussi à soulever des questions », conclut-il.

 Samar Al-Gamal

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