Président.
Dans son discours d’investiture, Mohamad
Morsi, premier président élu, a
évoqué plusieurs questions
laissant retracer les grandes lignes de la politique
étrangère de l’Egypte post-Moubarak.
Un retour au panarabisme
A
la nassérienne, Morsi a affirmé
l’ancrage de « l’Egypte au sein de la nation arabe »,
dans son premier discours officiel, devant une foule de
politiciens, hommes d’Etat et militaires à l’Université du
Caire. Lorsqu’il parle politique étrangère, il parle monde
arabe.
Ainsi, il a souligné l’importance d’œuvrer pour la
concrétisation de l’unité arabe en œuvrant pour un accord de
défense arabe, un marché arabe commun et des relations
solides sur tous les plans. Il a également mis en relief la
protection de la sécurité nationale arabe. « L’Egypte
n’acceptera pas la violation de la sécurité nationale arabe,
soutiendra la paix globale et juste et affrontera les défis
qu’encourt la nation arabe », a-t-il dit. Des questions
fortes saluées par Amr Moussa, ex-candidat à la
présidentielle et ex-secrétaire général de la Ligue arabe,
qui a qualifié son discours « d’extrêmement positif »,
notamment en ce qui concerne la sécurité nationale
égyptienne et son rapport avec la sécurité nationale arabe.
La seule fois où il s’est adressé aux Occidentaux était
apparemment pour apaiser leurs appréhensions sur le sort du
traité de paix signé avec Israël il y a 35 ans. Le nouveau
président s’est ainsi engagé une fois de plus à respecter
les traités internationaux. Néanmoins, il a ajouté que
l’Egypte ne cédera pas aux droits légitimes du peuple
palestinien. « L’Egypte se tient au côté du peuple
palestinien pour qu’il obtienne tous ses droits légitimes,
et nous allons œuvrer à réaliser la réconciliation
palestinienne », a-t-il promis. Un soutien à une cause à
laquelle la rue égyptienne est fort attachée.
Mais dans les détails, Mohamad Morsi
s’adresse aussi à la Syrie. « L’effusion du sang du
peuple syrien doit cesser. Nous ferons de notre mieux et
nous déploierons tous les efforts pour y parvenir dans un
avenir proche », s’est-il engagé. « L’Etat égyptien,
son gouvernement, ses institutions et l’institution de la
présidence se rangent aux côtés des peuples palestinien et
syrien jusqu’à l’obtention de leurs droits », a-t-il
encore dit. Le Printemps arabe inquiète dans ce monde arabe,
il le sait. De quoi justifier un autre message pour rassurer
les pays du Golfe qui, depuis le Printemps arabe, craignent
que leur régime ne soit, à tour, affecté. « Nous sommes
porteurs d’un message de paix au monde. L’Egypte n’exportera
pas la révolution à d’autres pays et ne s’ingérera pas dans
les affaires intérieures des autres pays, comme elle ne
permettra pas aux autres pays d’intervenir dans les siennes »,
s’est exprimé Morsi.
Conscient de l’importance stratégique des relations avec
les pays du Golfe, vu le grand nombre d’Egyptiens
travaillant dans ces pays et le besoin de l’Egypte des aides
provenant de ces pays, le nouveau président vise à rassurer
ces pays. C’est de ces pays d’ailleurs que beaucoup d’argent
est sorti pour contrer la révolution égyptienne, d’où la
référence à l’ingérence étrangère dans les affaires du pays.
Ce qui lui a valu une plus grande popularité après des
décennies de politique de profil bas adoptée par Moubarak.
Achraf Al-Chérif, professeur de
sciences politiques à l’Université américaine du Caire,
estime que le discours de Morsi
sur la politique étrangère s’est basé sur la valorisation du
rôle régional de l’Egypte qui a beaucoup régressé sous
Moubarak. « Les paroles de Morsi
dévoilent qu’il vise à récupérer ce rôle au Moyen-Orient
sans toucher à ceux des autres pays », ajoute-t-il.
Selon ces positions, explique le politologue, « la
réactivation des initiatives de coopération et d’unité entre
l’Egypte et les pays arabes et musulmans est susceptible de
permettre à l’Egypte de récupérer son rôle de leader sans
entrer en conflit avec quiconque ». De plus,
Morsi pense que les dossiers
palestinien et syrien ont été traités avec assez de
lucidité.
Reste à savoir comment ce monde arabe, aux aguets à la suite
de la chute de Moubarak, réagira-t-il, notamment l’Arabie
saoudite, forte alliée de l’ancien régime.
Morsi entame son mandat
d’ailleurs avec une crise diplomatique avec les Emirats
arabes unis, l’un des grands donateurs de l’Egypte. Son chef
de police a fortement critiqué, voire insulté,
Morsi sur son compte
Twitter tout en
présentant ses condoléances aux Egyptiens pour sa victoire.
L’ambassadeur des Emirats au Caire à été convoqué au
ministère des Affaires étrangères pour des explications.
Abou-Dhabi a dépêché des
émissaires pour des excuses officielles. Le monde arabe ne
serait apparemment pas le dossier le plus simple pour le
président Morsi
.
May Al-Maghrabi