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Enfance .
Omnia Khattab, 12 ans, a été élue ambassadrice des enfants
arabes en Egypte. Elle agit de manière déterminée pour changer
le sort des enfants des rues dans le pays. Rencontre.
L'engagement dès le plus jeune
âge
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« Je t'offre
cette rose rouge et je souhaite que tu puisses réaliser tous tes
rêves ». C'est par ces paroles que Omnia a tenté d'encourager
Ahmad, un enfant de la rue âgé de 9 ans. Elle l'a rencontré lors
de sa visite du bidonville de Mancheyet Nasser, au Caire.
Chaque
week-end, on la voit se battre lors de ses visites dans les
bidonvilles où elle tente de découvrir les conditions de vie
difficiles d'autres enfants de son âge. Son rêve : apporter de
l'espoir et de la tendresse aux enfants de la rue qui vivent
parmi les détritus et subissent toute sorte de violence dans ces
quartiers informels.
« Devenir
ambassadrice, c’est lire, chercher, creuser, fouiller ... pour
mieux comprendre les problèmes des enfants et pouvoir en parler.
Il faut se jeter à l'eau, lancer des idées, ne pas hésiter,
avoir le sens du contact et aimer communiquer : autant de
qualités que Omnia valorise. Bref, j’ai trouvé tout cela dans la
personnalité de cette fille qui ne manque pas de persévérance.
Ce que je n’ai jamais rencontré chez un enfant de cet âge »,
confie Dr Hussein Ramadan, président de l’Union of Arab
Ambassadors for Children (UNIAAC). Voir encadré. |
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Elle n’a que
12 ans, est élève en 1ère année préparatoire dans une école
britannique du quartier de Zamalek au Caire, Omnia Khattab vient
d'être élue ambassadrice des enfants arabes. Et cela, pour
défendre les droits des enfants d'Egypte et dans le monde arabe
sous l'égide de l’Union des ambassadeurs arabes pour les droits
de l’enfant.
Après sa
nomination, Omnia Khattab sait bien qu’elle a beaucoup à faire,
c'est pourquoi son emploi du temps est chargé : visites aux
enfants des bidonvilles de Doweiqa, de Maadi Tora, de Mancheyet
Nasser ...
Lorsqu’elle
marche dans les rues des quartiers populaires, elle constate la
misère des gens. Et quand elle rentre chez elle, elle lance à
ses parents : « Qu’aurais-je fais si j’étais à la place de l’un
de ces enfants, sans refuge, sans parents. Vivre dans la rue est
une chose horrible. Je voudrais faire quelque chose pour ces
enfants ». Omnia Khattab a été traumatisée par les conditions de
vie de ces enfants qui ne quittent pas la rue : « J’ai une
enfance très heureuse et c’est affreux que d’autres enfants ne
puissent pas l’être ». |
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Le choix
d’Omnia en tant qu'ambassadrice de l'Union au niveau de
l’Egypte, va de pair avec l’initiative qu’elle veut lancer
intitulée « De l’enfant vers l’enfant ». Un titre qui n’a
pas été choisi au hasard. L’idée de ce grand projet vient
d’elle et elle en a même conçu la maquette, à savoir :
construire un établissement ou une ville où on pourra loger
et éduquer les enfants des rues. Elle fait tout son possible
pour rencontrer des responsables travaillant dans toutes les
ambassades accréditées en Egypte, pour discuter avec eux,
les pousser à faire des dons et monter son projet au plus
vite. Omnia a même pris rendez-vous avec l’ambassadeur
britannique au Caire afin de l’aider à réaliser son projet
de vie.
Comme
elle a l'envergure d'une ambassadrice, l’Union arabe des
ambassadeurs de l’enfant a décidé qu’Omnia Khattab serait
l’invitée d’honneur dans une des conférences qu’elle vient
d’organiser.
Au sein
de la bibliothèque de l’avenir Al-Moustaqbal, situé à
Héliopolis, Omnia a prononcé une allocution lors de la 1ère
conférence des enfants, intitulée « La protection de
l’enfant » : « Je souhaite être utile pour protéger le droit
des enfants, non seulement en Egypte mais aussi dans le
monde arabe ». Omnia debout sur l’estrade parle avec
éloquence face aux membres de l’Union des ambassadeurs des
enfants arabes et en présence de diplomates du ministère des
Affaires étrangères, d’employés de quelques ambassades
d’Egypte, d’enfants de différentes communautés arabes qui
vivent en Egypte : Yéménites, Saoudiens, Mauritaniens ...
étaient présents aussi les directeurs de bibliothèque, des
acteurs et actrices à l’exemple d’Inas Nour et des chanteurs
qui étaient là pour animer la soirée. Tout le monde est
attentif et prête l’oreille à cette petite fille aux cheveux
châtains et aux grands yeux bruns. Elle s’exprime haut et
fort et avec beaucoup d’assurance. « Je pense que ma mission
est de dénoncer la misère des enfants. Le problème des
enfants de la rue doit être l’une des priorités des
gouvernements arabes. L’éducation est la clé de la réussite »,
dit-elle. Et d’ajouter « On doit faire face à beaucoup de
problèmes. Les immondices en Egypte sont un danger qui
menace les enfants et notre santé à tous. Aujourd’hui, je
suis fière d’être parmi vous et j’assume pleinement mon
choix ».
La salle
entière est émue par la détermination et la passion qui
animent cette jeune fille. Une fois son discours terminé,
Omnia termine et va serrer la main aux responsables. « Omnia
a écrit elle-même son discours. Elle a refusé de se faire
aider », confie sa tante Zeinab. « Ce n’est pas parce qu’on
est jeune qu’on n’a rien d’intéressant à dire », lance Omnia
avec insistance.
D'autres
préoccupations
Cette
jeune fille ne ressemble pas à celles de son âge. Elle a
mûri précocement. Et si ses camarades de classe aiment aller
chez le coiffeur ou mettre du vernis à ongles, Omnia a
d'autres préoccupations. Elle va même jusqu'à donner des
conseils. « Il existe un autre monde que vous ignorez. Il y
a des enfants qui vivent dans la rue, dorment sous les ponts,
sont sans abris, et n'ont ni père ni mère », lance Omnia
lorsque l'une de ses amies lui demande de l'accompagner au
club. « Elle est toujours la 1ère de sa classe », confie Mme
Amira, directrice de l’école qui a prédit à Omnia un bon
avenir. « Mais je ne savais pas que cela allait
arriver alors que je suis encore en vie », ajoute-t-elle
avec fierté.
Son
école l'a beaucoup aidé à découvrir son talent
d'ambassadrice. Elle a attiré l'attention de ses professeurs
par ses questions pertinentes. Des professeurs qui ne l'ont
pas brimée, bien au contraire : ils lui ont permis de
s'exprimer et d'avoir confiance en elle-même. Dès la
maternelle, Omnia présentait des petits spectacles devant
les parents d'élèves.
Bref,
tout était au rendez-vous pour qu'elle s'épanouisse. A
l’école, lorsqu’on lui demandait ce qu'elle voulait faire
plus tard. Elle répondait : « Conceptrice de projets ».
Omnia
est convaincue de son rôle à l’école en tant qu’ambassadrice.
elle se doit alors de s'informer correctement sur la
situation des enfants en Egypte et dans le monde arabe,
d'informer les jeunes filles et garçons de son âge, et les
sensibiliser à la cause des droits de l'enfant.
La révolution, l'élection présidentielle, la rédaction de la
Constitution, autant de sujets politiques qui préoccupent
l'esprit de cette jeune ambassadrice. « La situation des
enfants en Egypte et dans le monde arabe, une priorité après
les révolutions du Printemps arabe », dit-elle avec fougue.
Beaucoup
de parents évitent de parler politique avec leurs enfants
car ils considèrent que ce sujet n'est pas de leur âge. Dans
la famille Khattab, la politique n’est pas un sujet tabou.
Omnia assiste aux débats houleux que son père entretient
avec ses deux frères aînés et diplômés de l'université, lors
des repas en famille : « Ces discussions ont permis à Omnia
de s'ouvrir sur le monde et l’incitent à réfléchir. J'ai
toujours rêvé d'éduquer mes enfants de façon à ce qu'ils
soient des citoyens éclairés et responsables », confie son
père. Sa mère, femme au foyer l’a incité à lire les journaux
pour être au courant de l’actualité, et de ce qui se passe
en Egypte mais aussi dans le monde. Elle l'encourage à
approfondir ses connaissances, à maîtriser la langue
anglaise.
Omnia
Khattab est avide de savoir. Quand elle avait à peine 5 ans,
elle s’asseyait à côté de son frère, diplômé de faculté de
polytechnique et suivait ce qu’il faisait. « Je lui ai
appris l’informatique. Bien qu’il n’y avait pas de livre
d’apprentissage pour enfant, je lui ai enseigné comment
manipuler un ordinateur alors qu’elle était encore un petit
bout de chou : l’utilisation du clavier et de la souris
l’intéressait et l’amusait en même temps », se souvient son
frère. Il continue : « Quelques temps après, lorsqu’elle a
appris à lire et à écrire, je lui ai montré comment faire de
la recherche sur Internet pour obtenir toutes sortes
d’informations : textes, audio et vidéo. Ensuite, je lui ai
appris comment fonctionne le courrier électronique. Enfin,
je lui ai montré brièvement ce que c’est le chat … Et
maintenant, elle maîtrise parfaitement l’informatique ».
Pour
mener à bien sa mission, elle ne rate aucun atelier. Elle
fait son possible pour se rendre deux fois par semaines à
l’atelier pour assister aux cours de protocole et
d'étiquette.
Aujourd'hui, la jeune star a rendez-vous avec une émission
télévisée. Elle est l'invitée d'une grande émission sur la
chaîne satellite égyptienne. Une chose qui ne semble pas
l'intimider puisqu'elle est habituée aux feux des
projecteurs. Ses amies lui lancent souvent en plaisantant :
« Qu'est-ce qui te manque pour devenir la première dame
d'Egypte ? ».
Manar Atteya
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A l'école des
ambassadeurs de
demain
L’Union
des ambassadeurs
arabes de
l’enfant (Union of Arab
Ambassaors for Children)
est une
Association à but non
lucratif. Elle a
ouvert
ses
portes en 2008, mais
n’a
commencé à
agir qu’en
2011, après la chute du régime
Moubarak.
L’Union, qui regroupe 169
enfants
dont l’âge
varie entre
7 et 18 ans,
a pour mission de les orienter
vers des
activités très
diverses.
Ce
nombre
est en train
d'augmenter
grâce à la
mobilisation et le
bouche à
oreille.
Parmi ces
enfants, des
étrangers qui
vivent en
Egypte et
sont natifs
des îles
Comores, de Mauritanie,
de Somalie et beaucoup
d’autres pays
arabes. Au
sein de
l’Union, qui se situe
dans le
quartier de Doqqi au
Caire, les
enfants organisent
leurs
réunions avec les responsables
de l’UNIAAC,
à savoir des
ambassadeurs
à la
retraite. Ils
assistent à
des ateliers pour discuter des
conditions et problèmes des
enfants en
Egypte et dans le monde
arabe, à
savoir les enfants de la rue,
les orphelins, le travail des
enfants, la
violel de l’Union se
rencontre
aussi durant la fête de
l’enfant, les fêtes
du petit et grand
Baïram pour
célébrer une
journée
exceptionnelle avec les
orphelins et les sans-abri.
« Nous
sommes
vraiment fiers de
ces enfants,
de leur
enthousiasme, de leur
engagement et de leurs
idées
fantastiques. Difficile
de croire
que ce
sont des
enfants qui vous
parlent. A
vrai dire, c’est
une vrai
nouvelle génération », note Dr
Hussein Ramadan, président de
l’Union.
Et
d'ajouter :
« On écoute les points de
vue des
enfants, on discute
même les
idées qu'ils
proposent.
D'ailleurs, on en a mis
deux
d'entre elles en
application :
une station de radio
sur Internet et un magazine qui
s’appelle Al-Sahwa
Al-Arabia ».
Sur
radio Nour
Fm, c’est tout un
nouvel
univers présenté pour les
enfants et par les
enfants.
Cette chaîne
est
accessible à tout moment et en
direct de 18h à 23h. On
présente,
depuis 6 mois, des
programmes
éducatifs très
variés qui
sont orientés
vers
l’intérêt des enfants
et des
programmes de tous genres
pour toute la
famille et
plusieurs sont
réservés aux
mamans. « Sur
radio Nour Fm.
Ce sont
les enfants de
l’Union qui
préparent les programmes :
Omnia
Khattab, Donia
Hani, Dina
Abdel-Gelil, Menna
Fekri,
Bassmalla Hussein et Yehiya
des îles
Comores », note Mohamad
Mahmoud,
directeur général de la
radio.
Quant au
magazine Al-Sahwa Al-Arabia
disponible
sur Internet, 60 % des
programmes sont des
reportages écrits
spécialement pour les
enfants. 40 % des
programmes
offrent aux lecteurs des
reportages innovants
et
constructifs qui s’adaptent
à tous
les âges, à
tous les
goûts. « Nous
avons la conviction
que la lecture, la culture et le
respect de la vie des enfants
sont des
éléments essentiels de
leur
développement, surtout
si ces
reportages sont
écrits par des
enfants pour les
autres
enfants de leurs
âges. C’est
à
travers
ce genre
d’expérience que
l’enfant
peut grandir avec
une
certaine confiance en
lui-même »,
confie Ines
Nour, chef de
rédaction
du magazine.
Manar
Atteya
Des chiffres
inquiétants
En
Egypte, des
dizaines de milliers
d’enfants de la rue
sont exposés au viol
et environ 2 millions
d'enfants
travaillent.
Dans
le monde arabe, 50
enfants sur
1 000 meurent
avant l'âge
de 5 ans. Plus de 6 millions d’enfants
sont privés
de scolarité.
Au
Moyen-Orient et en
Afrique du
Nord, 10 % des
enfants
travaillent entre 5 et 14
ans. En Syrie, 400
enfants ont
été tués
en Syrie
depuis le début de la révolte.
Au
Yémen, 23 % des
enfants
travaillent entre
l’âge de 5
à 14 ans. 25 % des jeunes
filles se
marient avant
l’âge de 15 ans.
En
Algérie, 77 % des
enfants
algériens ont
recours à
l’Internet
comme outil de savoir.
86 % d’enfants
sont
menacés d’agression
et de violence
dans leur
vie quotidienne.
Au
Soudan, 2,3
millions d’enfants (dont
700 000 moins de 5
ans) sont
touchés par le
conflit du
Darfour.
En
Somalie, 180
enfants sur
1 000 meurent
à l’âge
de 5 ans.
En
Mauritanie, le
taux de
mariage entre
enfants
atteint 35 %.
(Source :
l’Union
arabe des ambassadeurs de
l’enfant).
Manar
Atteya
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