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 Semaine du 9 au 15 mai 2012, numéro 921

 

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Société

Enfance . Omnia Khattab, 12 ans, a été élue ambassadrice des enfants arabes en Egypte. Elle agit de manière déterminée pour changer le sort des enfants des rues dans le pays. Rencontre.

L'engagement dès le plus jeune âge

« Je t'offre cette rose rouge et je souhaite que tu puisses réaliser tous tes rêves ». C'est par ces paroles que Omnia a tenté d'encourager Ahmad, un enfant de la rue âgé de 9 ans. Elle l'a rencontré lors de sa visite du bidonville de Mancheyet Nasser, au Caire.

Chaque week-end, on la voit se battre lors de ses visites dans les bidonvilles où elle tente de découvrir les conditions de vie difficiles d'autres enfants de son âge. Son rêve : apporter de l'espoir et de la tendresse aux enfants de la rue qui vivent parmi les détritus et subissent toute sorte de violence dans ces quartiers informels.

« Devenir ambassadrice, c’est lire, chercher, creuser, fouiller ... pour mieux comprendre les problèmes des enfants et pouvoir en parler. Il faut se jeter à l'eau, lancer des idées, ne pas hésiter, avoir le sens du contact et aimer communiquer : autant de qualités que Omnia valorise. Bref, j’ai trouvé tout cela dans la personnalité de cette fille qui ne manque pas de persévérance. Ce que je n’ai jamais rencontré chez un enfant de cet âge », confie Dr Hussein Ramadan, président de l’Union of Arab Ambassadors for Children (UNIAAC). Voir encadré.

Elle n’a que 12 ans, est élève en 1ère année préparatoire dans une école britannique du quartier de Zamalek au Caire, Omnia Khattab vient d'être élue ambassadrice des enfants arabes. Et cela, pour défendre les droits des enfants d'Egypte et dans le monde arabe sous l'égide de l’Union des ambassadeurs arabes pour les droits de l’enfant.

Après sa nomination, Omnia Khattab sait bien qu’elle a beaucoup à faire, c'est pourquoi son emploi du temps est chargé : visites aux enfants des bidonvilles de Doweiqa, de Maadi Tora, de Mancheyet Nasser ...

Lorsqu’elle marche dans les rues des quartiers populaires, elle constate la misère des gens. Et quand elle rentre chez elle, elle lance à ses parents : « Qu’aurais-je fais si j’étais à la place de l’un de ces enfants, sans refuge, sans parents. Vivre dans la rue est une chose horrible. Je voudrais faire quelque chose pour ces enfants ». Omnia Khattab a été traumatisée par les conditions de vie de ces enfants qui ne quittent pas la rue : « J’ai une enfance très heureuse et c’est affreux que d’autres enfants ne puissent pas l’être ».

Le choix d’Omnia en tant qu'ambassadrice de l'Union au niveau de l’Egypte, va de pair avec l’initiative qu’elle veut lancer intitulée « De l’enfant vers l’enfant ». Un titre qui n’a pas été choisi au hasard. L’idée de ce grand projet vient d’elle et elle en a même conçu la maquette, à savoir : construire un établissement ou une ville où on pourra loger et éduquer les enfants des rues. Elle fait tout son possible pour rencontrer des responsables travaillant dans toutes les ambassades accréditées en Egypte, pour discuter avec eux, les pousser à faire des dons et monter son projet au plus vite. Omnia a même pris rendez-vous avec l’ambassadeur britannique au Caire afin de l’aider à réaliser son projet de vie.

Comme elle a l'envergure d'une ambassadrice, l’Union arabe des ambassadeurs de l’enfant a décidé qu’Omnia Khattab serait l’invitée d’honneur dans une des conférences qu’elle vient d’organiser.

Au sein de la bibliothèque de l’avenir Al-Moustaqbal, situé à Héliopolis, Omnia a prononcé une allocution lors de la 1ère conférence des enfants, intitulée « La protection de l’enfant » : « Je souhaite être utile pour protéger le droit des enfants, non seulement en Egypte mais aussi dans le monde arabe ». Omnia debout sur l’estrade parle avec éloquence face aux membres de l’Union des ambassadeurs des enfants arabes et en présence de diplomates du ministère des Affaires étrangères, d’employés de quelques ambassades d’Egypte, d’enfants de différentes communautés arabes qui vivent en Egypte : Yéménites, Saoudiens, Mauritaniens ... étaient présents aussi les directeurs de bibliothèque, des acteurs et actrices à l’exemple d’Inas Nour et des chanteurs qui étaient là pour animer la soirée. Tout le monde est attentif et prête l’oreille à cette petite fille aux cheveux châtains et aux grands yeux bruns. Elle s’exprime haut et fort et avec beaucoup d’assurance. « Je pense que ma mission est de dénoncer la misère des enfants. Le problème des enfants de la rue doit être l’une des priorités des gouvernements arabes. L’éducation est la clé de la réussite », dit-elle. Et d’ajouter « On doit faire face à beaucoup de problèmes. Les immondices en Egypte sont un danger qui menace les enfants et notre santé à tous. Aujourd’hui, je suis fière d’être parmi vous et j’assume pleinement mon choix ».

La salle entière est émue par la détermination et la passion qui animent cette jeune fille. Une fois son discours terminé, Omnia termine et va serrer la main aux responsables. « Omnia a écrit elle-même son discours. Elle a refusé de se faire aider », confie sa tante Zeinab. « Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on n’a rien d’intéressant à dire », lance Omnia avec insistance.

D'autres préoccupations

Cette jeune fille ne ressemble pas à celles de son âge. Elle a mûri précocement. Et si ses camarades de classe aiment aller chez le coiffeur ou mettre du vernis à ongles, Omnia a d'autres préoccupations. Elle va même jusqu'à donner des conseils. « Il existe un autre monde que vous ignorez. Il y a des enfants qui vivent dans la rue, dorment sous les ponts, sont sans abris, et n'ont ni père ni mère », lance Omnia lorsque l'une de ses amies lui demande de l'accompagner au club. « Elle est toujours la 1ère de sa classe », confie Mme Amira, directrice de l’école qui a prédit à Omnia un bon avenir. «  Mais je ne savais pas que cela allait arriver alors que je suis encore en vie », ajoute-t-elle avec fierté.

Son école l'a beaucoup aidé à découvrir son talent d'ambassadrice. Elle a attiré l'attention de ses professeurs par ses questions pertinentes. Des professeurs qui ne l'ont pas brimée, bien au contraire : ils lui ont permis de s'exprimer et d'avoir confiance en elle-même. Dès la maternelle, Omnia présentait des petits spectacles devant les parents d'élèves.

Bref, tout était au rendez-vous pour qu'elle s'épanouisse. A l’école, lorsqu’on lui demandait ce qu'elle voulait faire plus tard. Elle répondait : « Conceptrice de projets ».

Omnia est convaincue de son rôle à l’école en tant qu’ambassadrice. elle se doit alors de s'informer correctement sur la situation des enfants en Egypte et dans le monde arabe, d'informer les jeunes filles et garçons de son âge, et les sensibiliser à la cause des droits de l'enfant.

La révolution, l'élection présidentielle, la rédaction de la Constitution, autant de sujets politiques qui préoccupent l'esprit de cette jeune ambassadrice. « La situation des enfants en Egypte et dans le monde arabe, une priorité après les révolutions du Printemps arabe », dit-elle avec fougue.

Beaucoup de parents évitent de parler politique avec leurs enfants car ils considèrent que ce sujet n'est pas de leur âge. Dans la famille Khattab, la politique n’est pas un sujet tabou. Omnia assiste aux débats houleux que son père entretient avec ses deux frères aînés et diplômés de l'université, lors des repas en famille : « Ces discussions ont permis à Omnia de s'ouvrir sur le monde et l’incitent à réfléchir. J'ai toujours rêvé d'éduquer mes enfants de façon à ce qu'ils soient des citoyens éclairés et responsables », confie son père. Sa mère, femme au foyer l’a incité à lire les journaux pour être au courant de l’actualité, et de ce qui se passe en Egypte mais aussi dans le monde. Elle l'encourage à approfondir ses connaissances, à maîtriser la langue anglaise.

Omnia Khattab est avide de savoir. Quand elle avait à peine 5 ans, elle s’asseyait à côté de son frère, diplômé de faculté de polytechnique et suivait ce qu’il faisait. « Je lui ai appris l’informatique. Bien qu’il n’y avait pas de livre d’apprentissage pour enfant, je lui ai enseigné comment manipuler un ordinateur alors qu’elle était encore un petit bout de chou : l’utilisation du clavier et de la souris l’intéressait et l’amusait en même temps », se souvient son frère. Il continue : « Quelques temps après, lorsqu’elle a appris à lire et à écrire, je lui ai montré comment faire de la recherche sur Internet pour obtenir toutes sortes d’informations : textes, audio et vidéo. Ensuite, je lui ai appris comment fonctionne le courrier électronique. Enfin, je lui ai montré brièvement ce que c’est le chat … Et maintenant, elle maîtrise parfaitement l’informatique ».

Pour mener à bien sa mission, elle ne rate aucun atelier. Elle fait son possible pour se rendre deux fois par semaines à l’atelier pour assister aux cours de protocole et d'étiquette.

Aujourd'hui, la jeune star a rendez-vous avec une émission télévisée. Elle est l'invitée d'une grande émission sur la chaîne satellite égyptienne. Une chose qui ne semble pas l'intimider puisqu'elle est habituée aux feux des projecteurs. Ses amies lui lancent souvent en plaisantant : « Qu'est-ce qui te manque pour devenir la première dame d'Egypte ? ».

Manar Atteya

A l'école des ambassadeurs de demain

L’Union des ambassadeurs arabes de l’enfant (Union of Arab Ambassaors for Children) est une Association à but non lucratif. Elle a ouvert ses portes en 2008, mais n’a commencé à agir qu’en 2011, après la chute du régime Moubarak. L’Union, qui regroupe 169 enfants dont l’âge varie entre 7 et 18 ans, a pour mission de les orienter vers des activités très diverses.

Ce nombre est en train d'augmenter grâce à la mobilisation et le bouche à oreille. Parmi ces enfants, des étrangers qui vivent en Egypte et sont natifs des îles Comores, de Mauritanie, de Somalie et beaucoup d’autres pays arabes. Au sein de l’Union, qui se situe dans le quartier de Doqqi au Caire, les enfants organisent leurs réunions avec les responsables de l’UNIAAC, à savoir des ambassadeurs à la retraite. Ils assistent à des ateliers pour discuter des conditions et problèmes des enfants en Egypte et dans le monde arabe, à savoir les enfants de la rue, les orphelins, le travail des enfants, la violel de l’Union se rencontre aussi durant la fête de l’enfant, les fêtes du petit et grand Baïram pour célébrer une journée exceptionnelle avec les orphelins et les sans-abri. « Nous sommes vraiment fiers de ces enfants, de leur enthousiasme, de leur engagement et de leurs idées fantastiques. Difficile de croire que ce sont des enfants qui vous parlent. A vrai dire, c’est une vrai nouvelle génération », note Dr Hussein Ramadan, président de l’Union.

Et d'ajouter : « On écoute les points de vue des enfants, on discute même les idées qu'ils proposent. D'ailleurs, on en a mis deux d'entre elles en application : une station de radio sur Internet et un magazine qui s’appelle Al-Sahwa Al-Arabia ».

Sur radio Nour Fm, c’est tout un nouvel univers présenté pour les enfants et par les enfants. Cette chaîne est accessible à tout moment et en direct de 18h à 23h. On présente, depuis 6 mois, des programmes éducatifs très variés qui sont orientés vers l’intérêt des enfants et des programmes de tous genres pour toute la famille et plusieurs sont réservés aux mamans. « Sur radio Nour Fm. Ce sont les enfants de l’Union qui préparent les programmes : Omnia Khattab, Donia Hani, Dina Abdel-Gelil, Menna Fekri, Bassmalla Hussein et Yehiya des îles Comores », note Mohamad Mahmoud, directeur général de la radio.

Quant au magazine Al-Sahwa Al-Arabia disponible sur Internet, 60 % des programmes sont des reportages écrits spécialement pour les enfants. 40 % des programmes offrent aux lecteurs des reportages innovants et constructifs qui s’adaptent à tous les âges, à tous les goûts. « Nous avons la conviction que la lecture, la culture et le respect de la vie des enfants sont des éléments essentiels de leur développement, surtout si ces reportages sont écrits par des enfants pour les autres enfants de leurs âges. C’est à travers ce genre d’expérience que l’enfant peut grandir avec une certaine confiance en lui-même », confie Ines Nour, chef de rédaction du magazine.

Manar Atteya

Des chiffres inquiétants

En Egypte, des dizaines de milliers d’enfants de la rue sont exposés au viol et environ 2 millions d'enfants travaillent.

Dans le monde arabe, 50 enfants sur 1 000 meurent avant l'âge de 5 ans. Plus de 6 millions d’enfants sont privés de scolarité.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 10 % des enfants travaillent entre 5 et 14 ans. En Syrie, 400 enfants ont été tués en Syrie depuis le début de la révolte.

Au Yémen, 23 % des enfants travaillent entre l’âge de 5 à 14 ans. 25 % des jeunes filles se marient avant l’âge de 15 ans.

En Algérie, 77 % des enfants algériens ont recours à l’Internet comme outil de savoir. 86 % d’enfants sont menacés d’agression et de violence dans leur vie quotidienne.

Au Soudan, 2,3 millions d’enfants (dont 700 000 moins de 5 ans) sont touchés par le conflit du Darfour.

En Somalie, 180 enfants sur 1 000 meurent à l’âge de 5 ans.

En Mauritanie, le taux de mariage entre enfants atteint 35 %.

(Source : l’Union arabe des ambassadeurs de l’enfant).

Manar Atteya 

 




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