Election Présidentielle .
Dans leurs programmes, tous les candidats promettent un
exercice plus vaste des libertés de manifester, d’expression
et de culte. Si certains y ont consacré des chapitres,
d’autres se sont contentés de les évoquer.
Des
libertés à conserver
Les
récentes déclarations du candidat Abdel-Moneim Aboul-Foutouh,
ancien dirigeant des Frères musulmans, ont suscité un débat
houleux sur la liberté de culte dans son programme électoral.
Dans une émission télévisée diffusée fin mars, Aboul-Foutouh,
islamiste modéré, a annoncé que « tout citoyen est libre de
choisir la religion à adopter, et que tout musulman a le
droit de se convertir au christianisme et vice-versa, sans
aucune intervention, ni d’Al-Azhar, ni de l’Eglise, et que
l’Etat doit le protéger ». « L’Erdogan égyptien », comme
certains l’appellent, voudrait attirer les suffrages d’une
partie de l’opposition non islamiste. Réduisant les
références religieuses dans son discours à leur plus simple
expression, il entend rassurer les coptes et les minorités.
De son
côté, le candidat Amr Moussa, ancien ministre des Affaires
étrangères et ex-secrétaire général de la Ligue arabe, se
présente comme un rempart contre l’influence croissante des
islamistes. Dans son programme, il refuse de modifier
l’article 2 de la Constitution qui fait de la charia la
source principale de la législation tout en accordant le
droit à autrui de recourir à ses lois religieuses, et ce, en
leur élaborant des articles à part, et de mieux conserver la
citoyenneté.
Sous
Moubarak, de sévères restrictions ont été imposées à la
liberté religieuse, et d’innombrables conflits sectaires ont
eu lieu, notamment en ce qui concerne la communauté bahaïe,
dont les rites sont incompatibles avec la charia. Vont-ils
vivre paisiblement sous le nouveau président ? « Il n’y a
aucune différence à faire entre les citoyens sur la base de
la religion. Ils sont tous égaux. Peu importe s’ils vont à
une mosquée ou à une église ou ailleurs encore … », souligne
le candidat Mohamad Morsi, président du Parti Liberté et
justice, bras politique des Frères musulmans. Il a consacré
le deuxième chapitre de son programme aux libertés
individuelles, où il défend également la liberté de
protester pacifiquement, qui est le droit de chaque Egyptien.
Des actes et non pas des paroles : Morsi a suspendu sa
campagne électorale pour 48 heures, en signe de solidarité
avec les manifestants après les violences survenues devant
le ministère de la Défense, le 4 mai. Même position est
adoptée par Khaled Ali, qui dénonce le recours à la violence
contre les protestataires. Avocat et défenseur des
manifestations ouvrières, Ali veut mettre à profit toute son
expérience dans le domaine de la justice pour défendre les
libertés. Dans son programme électoral, il promet la
révision des lois organisant les manifestations et les
sit-in pour les exercer sans que l’Etat mette les bâtons
dans les roues. Or, le candidat Ahmad Chafiq, dernier
premier ministre de Moubarak, les réclame pareillement, mais
tout en insistant à imposer des limites « pour ne pas porter
atteinte à l’ordre public ».
Pour sa
part, le candidat Hamdine Sabbahi, leader des Nassériens
radicaux, promet en quelques lignes dans son agenda de
respecter tous les droits politiques et d’abolir toutes les
lois imposant des restrictions au droit à manifester, aux
grèves et aux sit-in. Même son de cloche pour Aboul-Foutouh.
Il promet de protéger les libertés civiles et politiques en
« réactivant le rôle de la société civile, des syndicats et
des organisations de la société civile », cite-t-il dans le
deuxième chapitre de son programme élaboré en six axes.
Le
rapport annuel de l’organisation mondiale Human Rights Watch
dénonce : « La liberté d’expression a été agressée sous
Moubarak, et encore aujourd’hui ». Il énumère plusieurs cas
d’arrestation des manifestants et des blogueurs, des
interrogatoires des journalistes et des militants pour avoir
critiqué l’armée, des agressions commises contre des
journalistes, même les étrangers, et la suspension des
licences des chaînes satellites, sans compter les procès
contre l’homme d’affaires Naguib Sawirès, et du célèbre
comédien Adel Imam pour « mépris » de la religion, en vertu
des lois « arbitraires » datant du régime Moubarak.
L’abrogation de ces lois et la garantie des libertés des
médias, de pensée, d’opinion, de créativité, et de
publication de journaux sont recommandées par tous les
candidats. Sabbahi, journaliste de carrière, confirme dans
ses déclarations aux médias que ces libertés devraient être
gérées par des chartes d’honneur élaborées par les syndicats
concernés, sans imposer des peines de prison. Lui, Moussa et
Aboul-Foutouh préfèrent supprimer le ministère de
l’Information et le remplacer par un conseil ou un organisme
indépendant, comme on le lit dans leurs documents.
Moussa
s’est contenté de promettre, dans son agenda, une
purification de l’organisme médiatique. De plus, il a
dévoilé récemment, dans ses déclarations, son intention de
faire rendre aux médias officiels leur crédibilité « pour ne
pas jouer le rôle du porte-parole du régime et couvrir ses
abus ». Aboul-Foutouh est allé plus loin. Dans ses papiers,
il cherche à abolir la loi actuelle relative à la presse,
pour permettre l’exercice de la liberté d’expression « sans
la moindre limite ».
Et
Chafiq suit cette même ligne concernant la liberté des
médias, mais de plus, il sort encore une fois avec « ses
lignes rouges » à ne pas dépasser, parlant de sécurité
nationale. Très étonnant, puisqu’il venait de confisquer
l’enregistrement des journalistes après son interview sur la
BBC pour l’avoir interrogé sur ses rapports avec Moubarak et
le maréchal Hussein Tantawi !.
Héba
Nasreddine