Election Présidentielle .
A
une semaine du scrutin, presque la moitié des Egyptiens ne
savent pas quel sera leur choix. 13 candidats sont en lice
et leurs programmes s’efforcent de répondre aux
revendications de la révolution.
Les
électeurs dans l’indécision
«
Pain, liberté, justice sociale ». C’est le chant qui a fait
vibrer la place Tahrir en janvier et février 2011. Depuis le
déclenchement de la révolution du 25 janvier et pendant 18
jours successifs et jusqu’à la chute de Moubarak, ces
revendications populaires n’ont cessé de retentir à chaque
fois que les Egyptiens retournaient sur la place. Les
candidats au marathon présidentiel semblent être très
conscients de ce que représentent ces « notions » pour les
Egyptiens.
La
plupart des programmes sont, en effet, similaires : une
économie libre avec une justice sociale, un rôle plus marqué
de l’Etat et une amélioration de l’éducation et de la santé,
la lutte contre la corruption, des projets nationaux géants
et la protection des libertés. Une similitude due au fait
que les grands problèmes sont bien connus. Les solutions
aussi, mais la difficulté face à chacun d’entre eux serait
cette capacité de mise en œuvre et l’habileté à mobiliser
les Egyptiens, les convaincre d’accepter les sacrifices
nécessaires pour appliquer ces programmes.
Le
traditionnel discours sur le développement recule en faveur
des questions de justice sociale. Un salaire minimum, une
allocation de chômage, une assurance médicale, la
suppression des subventions sur le gaz aux usines et une
annulation des dettes des agriculteurs. Aucun des candidats
ne se permet désormais de passer outre. Les détails restent
sur le taux, la somme ou la date. Mais les Egyptiens
commencent déjà à recueillir les fruits de la révolution
quel qu’il soit le nom du futur président. C’est ce que
croit le journaliste économique Waël Gamal, qui a étudié de
près tous les programmes électoraux.
Pour
l’expert en communication Yasser Abdel-Aziz, les programmes
des candidats avec leurs différentes tendances restent sur
le fond très proches l’un de l’autre. « Les slogans de la
révolution sont irrésistibles », note-t-il. En ce qui
concerne les principes de la révolution, on peut relever que
« chez les candidats révolutionnaires, tels que Hamdine
Sabbahi et Khaled Ali, ces notions sont évoquées avec
profondeur et en détail ». Abdel-Moneim Aboul-Foutouh
accorde un chapitre sur la « politique sociale » au côté
d’un chapitre sur « la politique économique ». Presque tous
s’efforcent ainsi de développer des idées pour une économie
« productive ».
Même les
plus libéraux, qui évoquent juste un langage pour attirer
l’électorat, accordent une importance pour les dépenses de
l’Etat, comme c’est le cas de Amr Moussa. Le candidat des
Frères musulmans est peut-être le plus libéral de tous, même
s’il parle d’« économie de développement ». Mohamad Morsi
est le seul candidat qui évoque la privatisation «
réglementée », dit-il. Un rôle des hommes d’affaires est
également mis en relief.
En
moyenne, les programmes des candidats s’étalent sur 80
pages, presque la moitié est consacrée à l’économie. Même
ceux qui n’ont pas publié de programme du tout, à l’instar
d’Ahmad Chafiq, qui s’est contenté d’une brochure, évoquent
les mêmes titres.
Bidonvilles, chômage et grands projets, soit des
investissements de l’Etat. L’amélioration des « conditions
de vie » est récurrente ainsi que la lutte contre la
pauvreté qui touche environ 40 % de la population en
fonction des estimations des Nations-Unies.
Les
taxes avec une nouvelle échelle « progressive » sont ainsi
proposées. Certains parlent ouvertement de taxes plus
élevées pour les plus riches, mais d’autres comme Moussa
préfèrent parler uniquement d’un système plus « équitable ».
Hamdine Sabbahi, candidat de gauche, a fondé son programme
sur ces 3 slogans de la révolution. Il part du principe des
« droits » économiques et sociaux. Ce qu’il appelle le 7+1,
mais sa vision s’étale pourtant sur deux mandats de 4 ans
chacun. Chez Khaled Ali, qu’il s’agisse « de politique ou
d’économie, le tout renvoie à la dignité humaine égyptienne
et à la justice sociale ».
Chez Amr
Moussa par exemple, dans son énorme programme de 80 pages,
on le voit bien tout comme les autres parler de justice
sociale. En effet, presque sur chaque page de son programme
électoral, les termes de justice sociale et de liberté
sautent aux yeux même si le contexte ne l’exige pas, mais
lorsqu’il parle de la réduction de la pauvreté de 20 %, il
ne précise pas comment. Il semble compter surtout aussi sur
des investissements étrangers contre un encouragement des
investisseurs « patriotiques » chez Aboul-Foutouh ou Sabbahi.
Sondages,
nouvelle expérience
Cette
similitude n’est guère surprenante, et il n’est guère
surprenant non plus que les candidats soient dans une large
mesure vus et évalués sur leurs personnalité, défauts,
histoire. On est presque dans une concurrence « personnelle
», et les programmes électoraux ne semblent pas trop
préoccuper les Egyptiens, en dépit du temps et de l’effort,
imaginés, que les candidats auraient déployés.
Pour Al-Azabawi,
« les Egyptiens font leur choix selon quelques principes
commençant par les intérêts, ensuite l’impression, la
réputation qui est souvent influencée par les campagnes
médiatiques et la télévision ».
Selon
les sondages les plus récents, effectués par le quotidien
Al-Shorouk, 32 % d’électeurs ont choisi Aboul-Foutouh pour
son programme et 34 % pour sa personnalité et 7 % ont choisi
Moussa pour son programme et 31 % pour sa personnalité. Mais
ce qui reste le plus étonnant c’est que presque la moitié
des Egyptiens n’ont toujours pas choisi leur président. Une
proportion qui augmente selon les derniers sondages
effectués par le centre Al-Bassira des recherches et des
études.
Yasser
Abdel-Aziz explique que les sondages sur les élections est
un nouveau concept en Egypte. Car ils sont liés à une réelle
concurrence politique, ce qui n’existait pas sous l’ancien
régime. « L’expérience est louable, même si des erreurs sont
notées », explique-t-il. Et d’ajouter : « Ces résultats
reflètent la réalité. La rue égyptienne souffre d’une réelle
dispersion, ce qui est normal, car les Egyptiens sont
exposés à des changements radicaux ».
Chaïmaa Abdel-Hamid