Egypte .
Une de nos lectrices, qui a participé à la grève générale du
11 février, exprime son mécontentement vis-à-vis de ce qui
se passe dans le pays.
Cessez ce que vous faites
Depuis la révolution du 25 janvier 2011, les Egyptiens
souffrent de la violence, de l’insécurité et de multiples
autres problèmes comme la pénurie d’essence et le problème
du pain. Rien n’a donc changé. Force est de constater que la
phase transitoire est très mal gérée. Pour commémorer la
chute de Moubarak, le 11 février 2011, un appel à la grève
générale a été lancé dans tout le pays par différents
mouvements et forces politiques. Cependant, les Frères
musulmans s’y sont opposés, tout comme les partis d’Al-Nour,
d’Al-Wassat et du néo-Wafd. Les transports publics et
l’aéroport n’ont pas pris part non plus à cette grève.
Le Conseil militaire a tout fait pour empêcher le mouvement
lancé sur Facebook et Twitter. Le Conseil a déclaré que « le
peuple et l’armée seront toujours unis » et que «
l’institution militaire fait confiance au peuple égyptien
qui refuse cette grève ». Les véhicules de l’armée ont pris
place dans les rues principales pour contrôler la violence
et peut-être pour contrôler les activistes et les
révolutionnaires. Les étudiants sont sortis pour dire leur
opinion. Ils étaient très enthousiastes. J’en fais moi-même
partie. Nous avons formulé un certain nombre de demandes :
mettre fin au pouvoir militaire, avancer la date des
élections présidentielles, purifier les ministères de
l’Intérieur et de l’Information et juger les responsables
corrompus et ceux impliqués dans la mort des manifestants.
Il était impossible pour nous de passer sous silence ce qui
se passe dans le pays. Mais en même temps, nous sommes
contre la violence et contre les sit-in sauf s’ils sont
légitimes. Mais ce qui nous met en colère c’est qu’aucune
télévision n’a diffusé les images de cette grève, et surtout
cette marche qui a eu lieu le 10 février en direction du
ministère de la Défense. En plus, les institutions
religieuses comme Al-Azhar, Dar Al-Iftaa et l’Eglise
orthodoxe ont appelé les citoyens à ne pas participer à
cette grève comme si on faisait partie de l’ancien régime.
Nous n’accepterons plus d’être traités de cette manière.
Nous sommes à l’ère de la révolution.
Abir Mahmoud,
Le Caire.
Donnez aux ouvriers leurs droits
Les ouvriers n’ont pas participé à la grève générale du 11
février. Il n’empêche qu’il faut leur donner leurs primes et
leurs droits. Sous l’ancien régime, les ouvriers étaient une
catégorie de la société qui travaillait beaucoup et qui ne
prenait que des miettes. Ils ont cru après la révolution du
25 janvier que leur situation s’améliorerait. Mais il n’en
est rien. Depuis cette date, ils ne cessent de protester
contre les politiques en place. Mon oncle est un activiste
qui s’intéresse depuis des années aux ouvriers et à leurs
droits. Après la révolution, il souhaitait que la situation
des ouvriers égyptiens soit meilleure et que l’économie
égyptienne s’améliore. Mais pour réaliser ce but, nous avons
besoin de syndicats ouvriers plus forts et plus efficaces.
Il faut assurer la justice sociale et la dignité non
seulement aux ouvriers, mais aussi à tous les Egyptiens.
Lobna Ahmad,
Guiza.
Réalisez vos rêves
Une expérience intéressante a été menée par Dr Ghada Ali
Hassan, qui a voulu changer les habitudes des gens simples.
Elle donne des cours de maîtrise de soi à Fagnoon, un
village situé sur la rive ouest du Nil. Ce village est
entouré de magnifiques paysages où l’on peut respirer l’air
frais et laisser ses enfants jouer sans peur. Le but de Dr
Ghada Hassan est d’écouter les gens et essayer de leur
donner des conseils et de développer leur personnalité. Une
de mes amies assiste à ces cours et elle est vraiment
contente car elle a pu développer sa relation avec ses
enfants, son mari et avec la vie en général. Et cela m’a
encouragée à participer, car j’ai des difficultés avec mes
enfants. Je crie tout le temps si mes enfants ne m’obéissent
pas. Dans ces cours, on apprend à se maîtriser, à se
contrôler et à vivre d’une autre manière.
Héba Mohamed,
Guiza.
L’insécurité, jusqu’à quand ?
Il faut admettre que l’état de la sécurité en Egypte ne
cesse de se détériorer. Des mots comme « vol à main armée »,
« kidnapping », « explosion » et même « liquidation physique
et meurtre en pleine journée » sont devenus courants dans
notre langage de tous les jours.
Tout cela est lié bien entendu à cette période d’instabilité
que nous connaissons actuellement, mais il est déplorable
que nous soyons arrivés à ce niveau de laxisme au niveau de
notre sécurité.
Un an est passé depuis que les Forces armées se sont
déployées dans les rues.
Et pourtant, rien n’a changé, au contraire, le niveau de la
sécurité va de mal en pis. L’armée est la force la plus
organisée du pays.
Elle est bien mieux organisée que le ministère de
l’Intérieur. Si les Forces armées ne sont pas capables
d’assurer la sécurité intérieure du pays, qui va donc
assumer cette tâche ? Dans ce cas, les militaires feraient
mieux de retourner à leurs casernes et s’occuper de la
protection des frontières.
Ce dont nous avons besoin maintenant est une application
stricte de la loi, ensuite, il faut restructurer les
services de police et renvoyer tous les policiers qui
avaient un lien avec l’ancien régime de Moubarak.
Farida Khalil,
Héliopolis.
Quand la « baltaga »est exercée au nom de la religion
Dans la foulée des événements politiques qui se déroulent en
ce moment dans notre pays, un incident déplorable a eu lieu
à Al-Amiriya à Alexandrie, et a retenu mon attention. Selon
ce qui a été publié, des rumeurs sur une relation entre un
chrétien et une musulmane seraient derrière cet incident.
Le jeune homme et la jeune femme ont été filmés en plein
ébats amoureux. Des extrémistes musulmans ont appelé à se
venger de ce copte qui a « violé l’honneur » de la jeune
musulmane, et ce, sans même avoir recours à la loi.
Ensuite, nous avons lu dans les médias que plusieurs
familles coptes du même villages ont été obligées de quitter
leurs maisons et de quitter le village.
Ces citoyens chrétiens ont simplement été expulsés
d’Al-Amiriya en guise de punition collective.
Je sais qu’il y a toujours eu des extrémistes qui exercent
leur « baltaga » sur les autres.
Mais ce qui m’a vraiment effrayé c’est que cet incident a eu
lieu au vu et au su de tout le monde, et ceci après la
révolution du 25 janvier qui était censée rétablir l’égalité
et la justice dans la société.
Lors d’une séance parlementaire, le député Emad Gad a
demandé à ce que cette affaire soit discutée, mais le
président du Parlement, Al-Katatni, ne lui a pas donné la
parole.
J’ai peur. Lorsqu’un grand Etat comme le nôtre néglige la
loi et la Constitution et donne l’occasion à qui que ce soit
de faire ce qu’il veut, nous devons tous avoir peur.
J’aimerais dire un dernier mot à tous ceux qui se contentent
de regarder sans agir, sans défendre les impuissants et sans
faire face à ces injustes, un jour, lorsque vous serez à la
place de ces victimes, personne ne vous défendra.
Le problème n’est pas dans l’injustice elle-même, mais dans
ceux qui ferment les yeux pour ne pas avoir à l’affronter.
Joseph Khalil,
Héliopolis.