Découverte .
Au mois de décembre, les rayons du soleil tombent à la
perpendiculaire sur Amon, gravé dans le sanctuaire du temple
de la reine Hatchepsout à Deir Al-Bahari. De quoi venir
confirmer l’idée que les pharaons étaient des astronomes
exceptionnels.
Un phénomène à élucider
Des
agences de presse, des caméras posées partout et une grande
foule de touristes, tous se sont regroupés à Louqsor.
Objectif : observer le phénomène de la tombée des rayons du
soleil sur la scène d’Amon au sanctuaire du temple jubilaire
de Hatchepsout à Deir Al-Bahari. « Ce phénomène naturel a
lieu le 21 décembre de chaque année », explique Moustapha
Waziri, directeur du département de la documentation
archéologique en Haute-Egypte. Les rayons du soleil
éclairent, en fait, une scène de la divinité Amon devant
laquelle est accroupi le roi Thoutmosis III pendant 120
secondes, soit deux minutes. Pour l’atteindre, les rayons du
soleil font une course de 1 000 mètres, commençant par la
porte principale du temple de Karnak de l’autre côté de la
rive du Nil pour illuminer la statue d’Amon et passer
ensuite au milieu des deux obélisques sculptés par la reine
Hatchepsout, traversent le Nil et pénètrent dans la
troisième terrasse du Deir Al-Bahari, pour enfin illuminer
la scène d’Amon.
Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau à l’archéologie
égyptienne puisqu’il se déroule deux fois par an dans le
temple d’Abou-Simbel, sa découverte cette fois-ci a suscité
un grand débat dans les milieux archéologiques. Si une
équipe le lie à la date de naissance de la reine
Hatchepsout, d’autres estiment que ce phénomène mérite
d’être étudié plus attentivement et avec beaucoup plus de
précautions.
L’histoire de la découverte de ce phénomène a commencé en
2005, lorsque l’ex-chef des antiquités, Zahi Hawas, a chargé
une équipe égyptienne d’observer le mouvement du soleil et
ses rayons perpendiculaires sur la scène d’Amon, dans le
sanctuaire du temple de Deir Al-Bahari. « Cette étude a duré
plus de cinq ans. Notre problème était de connaître sa
durée, s’il durait deux jours ou un seul » explique Waziri.
Pour lui, cette documentation a pris en compte toute
l’excursion solaire depuis la porte d’entrée du temple du
Karnak jusqu’au sanctuaire d’Amon au temple de Hatchepsout.
En effet, Hatchepsout avait décidé de faire installer son
temple sur la même ligne du temple de Karnak. Waziri relie
ce phénomène naturel à la légitimité du règne de la reine
elle-même. En effet, n’ayant pas le droit d’être intronisée,
Hatchepsout avait inventé une légende pour convaincre le
peuple de sa légitimité. Il s’agit d’un mariage sacré entre
la divinité Amon et sa mère qui a duré une seule nuit.
Hatchepsout en était le fruit. Ainsi avait-elle annoncé au
peuple son droit légitime sur le trône égyptien. Cette
annonce pourrait être reflétée et commémorée par ce
phénomène annuel. « Mais on n’en est pas encore certain »,
précise Waziri.
Plus d’observations
Si Waziri assure la réalité de ce phénomène et sa relation
avec certains faits de la vie de la reine Hatchepsout,
d’autres trouvent que ce phénomène mérite plus de temps,
d’observations et d’études entre égyptologues. D’après le
professeur Zbigniew Szafranski, directeur de la mission
polonaise opérant à Deir Al-Bahari depuis plus de 40 ans,
Hatchepsout avait décidé de faire une fenêtre devant la
scène d’Amon, suivie d’une autre, pour que les rayons du
soleil pénètrent deux fois par an, afin d’illuminer le
visage sacré. Pourquoi ? Une grande question dont les
égyptologues cherchent la réponse. L’autre énigme à résoudre
est la datation. « Jusqu’à présent, on n’arrive pas à
préciser la date exacte de ce phénomène. Mais on suppose
qu’il pourrait être effectué au mois d’octobre et de février
comme c’est le cas dans le temple d’Abou-Simbel », souligne
le professeur. « Quant au mois de décembre, il est loin de
nos calculs. Il faut prendre en considération que les rayons
du soleil pénètrent dans le sanctuaire à travers les portes
tous les jours et que l’illumination est plus forte en
hiver, parce que le niveau du soleil est inférieur à celui
du reste de l’année. L’essentiel est que cette ligne solaire
qui pénètre à travers les fenêtres pour éclairer le visage
sacré arrive deux fois seulement par an », reprend le
directeur. Afin de connaître la date correcte de ce
phénomène, Szafranski a coopéré avec l’égyptologue français
Luc Gabolde, qui a opéré pendant des années sur le temple de
Karnak. Ils vont calculer l’angle de la ligne solaire
passant par les fenêtres avec la ligne horizontale du sol du
sanctuaire. Le professeur met l’accent sur l’actuelle place
du temple qui a changé par rapport à celle au temps de sa
construction. Cette différence est due à des séismes qui ont
secoué le pays au cours de ces longues années passées.
Szafranski n’admet pas l’interprétation qui lierait ce
phénomène solaire à la date de naissance ou la date de
couronnement de Hatchepsout. Avis partagé par l’égyptologue
Ahmad Saleh, qui assure que personne ne connaît les deux
dates. Il faut se rendre aux documents civils de l’époque et
en déduire des calculs. Donc, rien n’est sûr. Afin de
résoudre ce problème, il faut « faire des études
astronomiques approfondies et voir leur lien avec les
temples funéraires. Malheureusement, nos facultés
d’archéologie sont privées de cette branche fortement liée à
l’égyptologie », déplore Khaled Saad, directeur général du
département de la préhistoire.
Le temple de Hatchepsout, comme les autres temples
pharaoniques, comprend plusieurs secrets solaires et
lunaires que les égyptologues cherchent à dévoiler par
diverses études poussées .
Doaa
Elhami