Al-Ahram Hebdo, Voyages | « Sauver le patrimoine de Hassan Fathy c’est préserver l’identité culturelle de l’Egypte »

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 Semaine du 21 au 27 septembre 2011, numéro 889

 

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Voyages

3 questions à  Nadia Radwan, coordinatrice des actions d’urgence au Nouveau Gourna.

« Sauver le patrimoine de Hassan Fathy c’est préserver l’identité culturelle de l’Egypte »

Al-Ahram Hebdo : Comment est née l’idée de fonder une association dédiée à la sauvegarde du patrimoine architectural de Hassan Fathy ?

Nadia Radwan : Notre intérêt pour l’œuvre de Fathy est né en 2005 lorsque Dr Leila Al-Wakil a décidé d’organiser un séminaire sur cet architecte à l’Université de Genève. Plusieurs étudiantes, dont moi-même, se sont passionnées pour son œuvre à tel point d’en faire leur sujet de thèse de master. Cette équipe d’étudiantes a ensuite collaboré au projet de Dr Al-Wakil d’écrire un ouvrage revisitant la vie et la production de l’architecte (Hassan Fathy dans son temps, à paraître en 2012 chez Folio). Ces recherches nous ont menés sur le terrain, où nous avons pris conscience de l’état désastreux dans lequel se trouvent quasiment tous les bâtiments construits par l’architecte en Egypte, qui étaient pour la plupart tombés dans l’oubli, voire démolis. Nous devions absolument réagir et alerter l’opinion publique, tant au niveau national qu’international. Dr Leila Al-Wakil et moi-même, nous avons donc fondé, avec Mme Rachida Teymour, l’association Save the Heritage of Hassan Fathy en 2008 pour la préservation et la valorisation du patrimoine bâti de l’architecte, qui regroupe de nombreux membres égyptiens et non égyptiens. Dès sa création, nous avons décidé d’œuvrer à la sauvegarde de Nouveau Gourna, icône de l’architecture durable et connu du monde entier. Nous espérons ainsi initier une campagne, qui s’étendra à l’avenir à l’ensemble de la production de Hassan Fathy.

— Comment mettre sur pied une mission d’urgence à Nouveau Gourna dans le contexte troublé de la révolution ?

— Bien sûr, nous avons mené cette mission dans des circonstances extraordinaires et difficiles. Les organisations internationales ne pouvant se rendre sur place, notre association, ayant les qualifications académiques requises, une grande connaissance du contexte local et bénéficiant d’un réseau étendu de spécialistes locaux, était la mieux placée pour intervenir rapidement. Sous mandat de l’Unesco, nous avons constitué une équipe d’experts égyptiens, qui ont tous pris le risque de se rendre sur le site, en l’absence totale de sécurité. Il a fallu d’abord négocier avec des autorités sur la sellette, pour obtenir l’autorisation d’intervenir. Mais avant de démarrer tout chantier, il nous a paru primordial de discuter avec une population locale en colère, qu’il a fallu convaincre du bien-fondé de nos actions. Petit à petit, à force de réunions avec les Gournis, tant les shabab (jeunes) que les cheikhs, une confiance mutuelle s’est établie. Nous avons été grandement aidés par certains habitants, conscients depuis longtemps de la nécessité de préserver leur village, notamment Ahmad Abdel-Radi, dont la famille vit depuis deux générations dans une maison originale de Fathy, où il a créé un petit musée dédié à l’architecte. Une fois établies les premières interventions d’urgence sur le khan, d’autres villageois se sont ralliés à cette cause, voyant qu’une action concrète était en route pour la première fois depuis près de 30 ans.

— Comment voyez-vous l’avenir de Nouveau Gourna ?

— La population locale a été depuis trop longtemps écartée de toute décision concernant son village. Le but final est la sauvegarde de Nouveau Gourna dans son entier et selon les règles de l’art. Elle doit résulter d’un travail collectif impliquant tant la population que l’expertise locale et les spécialistes internationaux dans le domaine de la terre crue. L’entreprise doit avant tout être pensée dans le respect des conceptions originales de Fathy, dont certaines sont tout à fait d’actualité. Par exemple, le village se trouve dans une zone très touristique et Fathy avait déjà tenu compte de ce paramètre par la création du khan, qui devait permettre aux artisans locaux de vendre leur production aux visiteurs, pouvant ainsi améliorer leurs conditions de vie. Il avait prévu également de créer un institut pour la technologie appropriée ; l’un de nos objectifs serait donc de voir un jour naître un centre international expérimental, un chantier éducatif pour les spécialistes du monde entier dans le domaine de l’architecture écologique et durable. Evidemment, de tels programmes nécessitent d’importants financements et nous allons faire tout notre possible, à travers la recherche de fonds, pour mener à bien cette sauvegarde, qui est aussi celle de la préservation de l’identité culturelle de l’Egypte.

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Héritage en péril

L’association Save the Heritage of Hassan Fathy vise à sauvegarder l’ensemble de la production architecturale de Fathy. La plupart des édifices construits par l’architecte sont actuellement en grand danger. Tour d’horizon des bâtiments en ruine, voire détruits en Egypte.

Maison Hamed Saïd, Al-Marg, 1942-45. Construite originellement dans une palmeraie à l’extérieur du Caire, la maison est aujourd’hui, avec l’extension de la ville, prise dans le tissu urbain et est en ruine depuis le décès de son propriétaire, un artiste proche de Fathy. Il s’agit de la première construction en briques de terre crue de l’architecte.

Maison Toussoun Abou-Gabal, Guiza, 1947. Proche de l’ambassade de Turquie sur la Corniche du Nil à Guiza, la maison est construite en béton, fait rare dans la production de Fathy, probablement en raison de la volonté de son commanditaire. Aujourd’hui abandonnée et vide, elle est menacée de démolition afin de vendre le terrain sur lequel elle se trouve.

Village modèle de Luluat Al-Sahra, Guiza, 1950. A l’image du Nouveau Gourna, cet ensemble destiné à une communauté rurale reste méconnu. Destiné à loger les paysans travaillant dans la ezba du grand propriétaire latifundiaire Hafez Afifi pacha, il se compose de six unités de logement autour d’une cour ouverte, d’une résidence pour les hôtes, d’une mosquée et d’une madrassa. Aujourd’hui occupé par des paysans, l’ensemble menace de tomber en ruine.

Maison Fouad Riyad, à Guiza, 1960. Située non loin de la route très fréquentée de Saqqara, la maison fut construite en pierre, suite à l’interdiction par le gouvernement égyptien de l’époque de construire en terre crue, considérée alors comme un matériau peu sanitaire. Elle est aujourd’hui menacée par les remontées d’eaux et par un projet de construction d’une gigantesque autoroute traversant le site.

Casino Bosphore, Le Caire, 1932. Situé sur la place Bab Al-Hadid, face à la Gare, ce complexe de loisirs de style art-déco, typique du goût des années 1930, a aujourd’hui disparu. Influencé par l’architecture européenne, il représentait un exemple de la production des premières années de la carrière de Hassan Fathy, au sortir de ses études à l’école des beaux-arts du Caire, avant qu’il ne puise ses influences dans l’architecture vernaculaire traditionnelle.

Ecole des garçons du Nouveau Gourna, gouvernorat de Louqsor, 1945-48. Cette école du village modèle de Fathy n’a pas résisté aux assauts du temps et est aujourd’hui démolie. Il s’agissait d’un bâtiment voûté aux salles de classes lumineuses et aérées, grâce à la structure permettant une ventilation naturelle. La température était agréable en toute saison, grâce au dôme et aux ouvertures dans les murs, sur le modèle de l’architecture traditionnelle, qui permettait de faire circuler l’air dans les différents espaces.

Maison de Aziza Hassanein, Maadi, 1949. Construite pour l’épouse de l’architecte, cette maison n’existe plus aujourd’hui. Cette maison élégante était un témoignage de l’architecture de commande de Hassan Fathy, destinée à une riche clientèle cairote.

Il est probable que beaucoup d’autres bâtiments de l’architecte, dont on ne connaît pas l’état de conservation, courent aujourd’hui un grand danger.

Camille Abele

 




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