Palestine .
Le juge sud-africain Richard Goldstone,
auteur d’un rapport de l’Onu sur les allégations de crimes
de guerre lors de l’opération israélienne dans la bande de
Gaza fin 2008, a affirmé que son rapport aurait été « un
document différent » aujourd’hui. L’annonce choque le Hamas
mais satisfait Israël.
Encore un pas en arrière
Sous pression, le juge Richard
Goldstone a repris position sur son propre rapport,
après avoir accusé Israël de crimes de guerre durant son
offensive contre la bande de Gaza à l’hiver 2008/2009. A la
suite de cette déclaration, Israël a réclamé l’annulation du
rapport qui l’accusait de « crimes de guerre ». Son auteur a
en effet reconnu avoir affirmé à tort que l’Etat hébreu
avait visé intentionnellement des civils. « J’appelle l’Onu
à annuler immédiatement le rapport
Goldstone. Il faut jeter ce rapport dans les
poubelles de l’Histoire », a affirmé le premier ministre
Benyamin Netanyahu, dans le cadre d’une offensive médiatique
et diplomatique destinée à rehausser l’image internationale
d’Israël.
En première réaction, le mouvement islamiste Hamas, au
pouvoir à Gaza, s’est déclaré « choqué par la position du
juge », alors que le groupe radical Djihad islamique
dénonçait « la reculade du juge Richard
Goldstone », lui reprochant d’avoir « cédé aux
pressions du lobby sioniste ». Selon Sami Abou-Zouhri,
porte-parole du mouvement islamiste, le rapport mandaté par
l’Onu « n’est pas la propriété privée du juge
Goldstone », compte tenu du fait
qu’il n’en était pas le seul auteur et il a réitéré son
appel à le mettre en application.
Partageant le même avis, l’Autorité palestinienne, par la
voix d’Hanane Achraoui, membre
de son comité exécutif, a dit « attendre du juge
Goldstone qu’il fasse preuve
d’un engagement inébranlable en faveur du droit
international et non qu’il cède à la pression israélienne.
Même s’il a fait l’objet d’attaques incessantes en Israël
depuis la publication du rapport, le juge
Goldstone est la dernière
personne qui aurait dû succomber à cette pression ».
A la parution du rapport, les autorités israéliennes, qui
avaient refusé de collaborer à l’enquête
de l’Onu, s’étaient déchaînées contre son auteur, de
confession juive, l’accusant de faire le jeu du Hamas. Dans
une tribune publiée samedi dernier par le Washington Post,
M. Goldstone a écrit que son
rapport évoquant de possibles crimes de guerre d’Israël —
comme des groupes armés palestiniens — pendant l’opération «
Plomb durci » aurait été « un document différent »
aujourd’hui. Il a expliqué que des attaques israéliennes
contre des civils avaient été classées comme intentionnelles
parce qu’aucune autre conclusion n’était possible à
l’époque, mais que de nouveaux éléments avaient montré
depuis qu’il n’y avait pas eu de politique visant à cibler
les civils « de manière intentionnelle ». L’offensive
israélienne, visant à mettre fin aux tirs de roquettes
depuis le territoire palestinien, avait coûté la vie à 1 400
Palestiniens, en majorité des civils, et à 13 Israéliens,
pour la plupart des militaires.
Faire le jeu d’Israël
Pour exprimer sa satisfaction, le ministre de la Défense,
Ehud Barak, a déclaré qu’il fallait « à présent multiplier
les efforts pour que ce rapport soit annulé, et je vais m’y
employer ». Il a aussi demandé au juge
Goldstone de « publier ses conclusions actuelles »
sans se contenter d’un simple article de presse.
Partageant le même avis, le président israélien, Shimon
Pérès, a appelé pour sa part le juge « à s’excuser, pour
avoir accusé Israël de crimes de guerre et ignoré que
l’offensive d’autodéfense, Plomb durci, avait été lancée en
riposte à des milliers de roquettes tirées (depuis Gaza)
contre des civils innocents ».
Un rapport, présenté en mars au Conseil des droits de
l’homme de l’Onu, reconnaissait qu’Israël avait engagé «
d’importantes ressources pour enquêter sur plus de 400
allégations de mauvaises conduites opérationnelles à Gaza »,
tout en regrettant qu’aucune enquête n’ait visé les
responsables de l’opération. Suite à ces enquêtes, trois
actes d’accusation ont été lancés contre des militaires
israéliens, selon des sources judiciaires. Le rapport
s’alarmait du fait que le Hamas n’avait pas, pour sa part,
mené d’enquêtes sur le lancement d’attaques à la roquette et
au mortier contre Israël. En mars 2010, le Conseil des
droits de l’homme de l’Onu avait créé un comité pour assurer
le suivi du rapport du juge Goldstone.
Le magistrat sud-africain avait recommandé la saisine de la
Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye si les autorités
israéliennes et palestiniennes refusaient d’ouvrir des
enquêtes crédibles sur les « crimes de guerre » afin de
punir les coupables. Le changement de position du juge
Goldstone vient décrédibiliser
son rapport, faisant ainsi le jeu d’Israël, pour qui le
massacre de Gaza n’était qu’une « opération de légitime
défense ». L’impunité dont jouit Israël face à ses crimes de
guerre l’encourage — que ce soit à Gaza, au Liban ou dans
l’attaque du bateau humanitaire turc — à davantage de
violence face aux populations civiles. Le revirement de
Goldstone renforce un peu plus
Israël dans son impunité à utiliser la force pour défendre
ses propres intérêts, peu importe le prix à payer si le sang
n’est pas israélien.
Maha
Salem