Corruption .
Détournement de biens publics, enrichissement illégal, abus
de pouvoir. La chute des symboles de l’ancien régime se
poursuit. Des crimes de toutes les couleurs sont devant la
justice.
Le feuilleton de la chute continue
L’enquête
sur la corruption des symboles de l’ancien régime se
poursuit et apporte chaque jour son lot de surprises. Le
Parquet a décidé cette semaine de déférer l’ex-ministre de
l’Intérieur, Habib Al-Adely, l’ex-premier ministre, Ahmad
Nazif, et l’ex-ministre des Finances, Youssef Boutros-Ghali,
qui sera jugé par contumace car hors du pays devant la Cour
d’assises dans l’affaire des plaques minéralogiques. Le
Parquet accuse les trois responsables de s’être enrichis
illégalement et d’avoir détourné quelque 92 millions de L.E.
dans le cadre d’une transaction pour l’achat de plaques
minéralogiques à une compagnie allemande. L’enquête a révélé
que ces plaques ont été importées sur ordre direct et sans
appel d’offres à un prix supérieur à celui du marché. Al-Adely
fait face à une série d’accusations. Outre la corruption, il
est accusé d’avoir ordonné les tirs à balles réelles contre
des manifestants de la place Tahrir. Mais c’est surtout du
côté de Safouat Al-Chérif que les enquêtes du Parquet auront
apporté le maximum de surprises. L’ancien président du
Conseil consultatif avait nié dans un premier temps avoir
des possessions hors d’Egypte. Or, l’enquête a révélé qu’il
possédait bel et bien plusieurs propriétés de luxe à
l’étranger. La fortune d’Al-Chérif et sa famille s’élèverait
à 27 milliards de L.E. Selon les rapports de l’Organisme des
biens acquis illégalement, ils posséderaient une quinzaine
de palais et de villas et 15 appartements de luxe, des
terrains ainsi que 17 agences de publicité en Egypte. La
valeur de son palais à Londres s’élèverait à 80 millions de
L.E. Le Parquet l’accuse d’abus de pouvoir, de dilapidation
de biens publics et de corruption au profit de personnes
déterminées et contre l’intérêt public.
Moubarak, Sameh Fahmi et les autres
Outre Safouat Al-Chérif et Fathi Sourour, ancien président
de l’Assemblée du peuple, lui aussi détenu provisoirement et
faisant l’objet d’une enquête pour corruption, le Parquet
enquête depuis quelques semaines sur la fortune de la
famille Moubarak. Selon les rapports préliminaires, Moubarak
et sa famille posséderaient 40 villas et palais en Egypte
ainsi que des comptes bancaires de plusieurs millions de
dollars. L’ancienne première dame d’Egypte, Suzanne
Moubarak, est accusée de détournement de 800 millions de L.E.
sur les comptes des aides européennes octroyées à l’Egypte.
Les deux belles-filles de l’ancien raïs, Haïdi Rasekh et
Khadija Al-Gammal, respectivement épouses de Alaa et Gamal
Moubarak, seront aussi interrogées la semaine prochaine par
le même organisme sur la fortune de leurs maris.
Les biens de Moubarak à l’étranger restent sujets à des
interrogations cependant. « L’Egypte a déjà récupéré un
palais à Londres appartenant à Moubarak d’une valeur de 230
millions d’euros, ainsi que plusieurs appartements
appartenant à ses deux fils et à son épouse. Toutefois, la
Suisse refuse toujours l’entraide judiciaire pour la
restitution des fonds de Moubarak et exige que des preuves
sur la corruption de Moubarak soient présentées au
gouvernement helvétique. Un expert suisse est attendu en
Egypte cette semaine afin de discuter de cette affaire »,
explique une source judiciaire.
L’ancien ministre du Pétrole, Sameh Fahmi, a été lui aussi
placé en détention provisoire avec sept autres anciens
responsables du ministère accusés de dilapidation de biens
publics en fournissant du pétrole à Israël à des prix
beaucoup plus bas que ceux du marché. Ils ont été interrogés
pendant quatre heures au sujet de l’accord d’exportation du
gaz qui, selon le procureur général, a coûté à l’Egypte des
millions de dollars de pertes. A noter qu’Israël reçoit de
l’Egypte 40 % de son gaz naturel aux termes d’un contrat
conclu en 2004. Suite à un procès intenté par des militants
politiques en 2008, la cour administrative avait interdit,
pour défaut de consultation du Parlement, les exportations
vers Israël en vertu du contrat signé en 2004. Mais le
verdict a été annulé par un recours présenté par
l’ex-gouvernement. Dans un communiqué, le Parquet général a
précisé que la vente de gaz à Israël s’effectuait à des prix
très inférieurs à ceux du marché et a entraîné une perte
estimée à 714 millions de dollars pour l’Etat. Le Parquet a
également ordonné la mise en détention de Hussein Salem,
homme d’affaires et l’un des proches associés de Moubarak.
Salem est le principal actionnaire de la compagnie du gaz
qui en assure la fourniture à Israël. Sur un autre niveau,
le premier ministre, Essam Charaf, a indiqué qu’il entendait
revoir les contrats de vente de gaz naturel à plusieurs
pays, y compris Israël et la Jordanie. Une révision qui
pourrait entraîner une hausse des recettes estimée à trois
ou quatre milliards de dollars. Des déclarations sur
lesquelles le gouvernement israélien n’a pas tardé à réagir
en exprimant la possibilité de négocier les prix de vente,
cependant, il a souligné qu’en cas d’annulation de l’accord,
Israël aurait de fortes raisons de se préoccuper.
D’autres figures de l’ancien régime comme l’ancien ministre
du Tourisme, Zoheir Garana, et l’ancien président de
l’Assemblée du peuple, Ahmed Fathi Sorour, sont actuellement
détenus pour gains illégaux.
Les têtes continuent à tomber mais le véritable défi sera
d’instaurer un système de contrôle rigoureux qui empêche une
copie du régime déchu.
May
Al-Maghrabi