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 Semaine du 20 au 26 avril 2011, numéro 867

 

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Société

Moubarak . Des centaines d’établissements publics portent le nom de l’ancien président ou de membres de sa famille. La plupart sont en passe d’être rebaptisés.

Une page est tournée

« Si vous ne décrochez pas cette enseigne portant le nom de Suzanne Moubarak, on va l’incendier ... Si demain ses portraits sont encore là, nous allons les casser en mille morceaux … », lancent avec colère les parents d’élèves de l’école préparatoire Suzanne Moubarak, située au quartier de Wayli. Le lendemain, madame Attiyate, la directrice, a ordonné aux plantons de retirer les enseignes.

A l’école de Wayli, tout comme dans d’autres établissements scolaires, toutes les photos du raïs déchu ont été enlevées ou recouvertes. Dans ce même quartier de Wayli, il existe plusieurs établissements scolaires situés à une distance de quelques mètres les uns des autres et portant le nom de l’ex-président ou de son épouse : l’école primaire Suzanne Moubarak, l’école préparatoire Suzanne Moubarak, l’école secondaire expérimentale Moubarak, l’école Moubarak pour l’enseignement technique. « On compte aujourd’hui 549 écoles portant le nom de Moubarak ou de Suzanne, contre 314 pour les trois ex-présidents, Mahamad Naguib, Gamal Abdel-Nasser et Anouar Al-Sadate », affirme un responsable du ministère de l’Education.

Autre exemple : à l’Université de Zagazig, au gouvernorat de Charqiya, dans le Delta du Nil, les étudiants ont rassemblé 10 000 signatures pour rebaptiser l’Institut Moubarak pour le cancer en l’Institut de l’Université de Zagazig.

Les programmes aussi changent

Le ministère de l’Education a, par ailleurs, donné des ordres à toutes les écoles de supprimer des programmes scolaires tout ce qui a trait à l’ancien président. « En 3e préparatoire, un chapitre des manuels d’histoire a été supprimé. On a également supprimé un chapitre sur les partis politiques, l’Assemblée du peuple et le Conseil consultatif et un chapitre sur le rôle de la femme dans la vie politique qui mentionne le rôle de Suzanne Moubarak », précise Amer, professeur dans une école de langues située à Al-Tagammoe Al-Khamès.

Et ce n’est pas tout ! En 2e secondaire, on a retiré la 13e leçon, parce qu’elle comprenait des mensonges du genre : « La démocratie et l’équité existent à l’époque de Moubarak ... ». Une aberration, signale Monsieur Ibrahim, le professeur d’histoire. Pourtant, avant le 25 janvier, il était impossible de mettre en doute ces affirmations ...

Ignorer l’ère Moubarak est une bonne idée pour le moment mais, dans les années à venir, ce ne sera pas la bonne solution. « L’élève doit étudier les points positifs et négatifs de cette époque et tout ce qui se rapporte à l’ex-président. Bien sûr, il ne faut pas présenter cette époque comme un âge d’or pour l’Egypte, mais il faut dire la vérité car on ne peut pas supprimer 30 ans d’histoire égyptienne. On ne pourra plus demander aux élèves, par contre, de disserter sur le rôle du président Moubarak dans la lutte contre le terrorisme ou en matière de justice sociale et d’aide aux pauvres », note Abir, la maman de Farida, en dernière année préparatoire.

Il faut aussi rappeler les aspects positifs des trente dernières années. Il serait dangereux d’apprendre aux enfants que tout était négatif. D’après la psychologue Omayma Salah, cela risquerait de déstabiliser les enfants.

En tout cas, les récents événements ne se sont pas passés sous silence. Les enfants, même les plus jeunes, les ont suivis heure par heure. Il faut éviter qu’ils aient l’impression que ce qu’ils apprennent à l’école est déconnecté de la réalité. On ne peut pas mettre sous silence la victoire d’Octobre 1973 et les frappes aériennes déclenchées par Hosni Moubarak, commandant de l’armée de l’air à cette époque.

Un nom omniprésent

Le nom de Moubarak est partout, dans les écoles, les stations de métro, les rues, les places publiques, les parcs, les bâtiments, les bibliothèques, les hôpitaux, les cliniques, les ponts et les aéroports. Certains disent qu’il faut un effort considérable, aussi grand que celui qui a permis la construction des Pyramides, pour retirer le nom de Moubarak des lieux publics ! Plusieurs procès ont été intentés pour rebaptiser les établissements portant le nom Moubarak.

Dans les rues du Caire, comme partout en Egypte, les portraits du raïs ont disparu, et pas question d’en laisser un seul ! Des activistes ont changé les noms des stations du métro souterrain, Station des martyrs dans certaines, station de la révolution dans d’autres ou encore 25 janvier ou Station de la liberté. « Il ne faut pas rendre hommage à Moubarak et à sa femme sous quelque forme que ce soit. Lui et sa bande de corrompus ont ruiné notre pays », lance un des manifestants anti-Moubarak. Il est clair que l’heure n’est pas au pardon et à l’oubli.

A la station Moubarak, dans le métro, on découvre que quelques manifestants ont rayé le nom de Moubarak. La station a été rebaptisée d’un coup de marqueur noir Révolution du 25 janvier.

Mais Am Chawqi, le surveillant de la gare, a effacé ce que les activistes ont fait il y a quelques semaines. « Pour changer le nom de la station, il faut l’accord du ministère du Transport parce que tous les passagers qui veulent se rendre à la rue Ramsès descendent à la station Moubarak. Si on change le nom, le passager va s’égarer », dit-il.

Ce qui est valable pour les adultes l’est aussi pour les plus jeunes. Le Musée Suzanne Moubarak d’Héliopolis est un repère pour beaucoup d’entre eux. C’est pour cette raison que les dirigeants ont décidé de garder ce nom afin de garder l’excitation que ce nom suscite lorsqu’il est prononcé. En effet, des confusions ont eu lieu quand les dirigeants ont souhaité l’appeler « Musée de l’enfant ». Les enfants se sont égarés et n’ont pas compris qu’il s’agissait du même musée.

A Gaza, l’un des principaux hôpitaux nommé Hosni Moubarak, en raison des relations étroites entre l’Autorité palestinienne et le régime égyptien, va être rebaptisé en Tahrir (liberté). Là-bas, c’est surtout le silence de l’Egypte lors du massacre de l’opération israélienne Plomb durci qui est critiqué. Et que dire du blocus imposé aux Palestiniens et de la construction, en Egypte, d’un mur destiné à empêcher le ravitaillement par les tunnels ?

Culte de la personnalité

« En mettant son nom partout, Moubarak voulait ressembler aux pharaons de la 9e dynastie qui inscrivaient leurs noms et dressaient leurs statues partout. Ainsi Moubarak désirait se faire idolâtrer comme un dieu et être la seule personne à qui l’on doit attribuer toutes les réalisations. Comme s’il s’agissait là d’un héritage culturel », analyse le sociologue Ahmad Yéhia Abdel-Hamid. Il ajoute que Moubarak imaginait que le pouvoir lui était destiné comme un cadeau de Dieu. Sa famille est une dynastie qui détient un bien : le pouvoir. Ce patrimoine familial devient un objet transmissible de père en fils. Durant 30 ans, Moubarak est resté au pouvoir sans nommer de vice-président. Cette situation d’homme seul au pouvoir fait que les Egyptiens voyaient en lui un pharaon, celui qui n’accepte pas l’idée d’être un jour succédé par un homme du peuple.

Le citoyen égyptien veut effacer le nom de Moubarak, exactement comme ce qui s’est passé en Iraq pour Saddam Hussein. Il est convaincu que la corruption a ruiné le pays au temps de Moubarak. Mais seul Moubarak est concerné : les stations de métro qui portent le nom d’autres ex-leaders (Nasser, Sadate, Saad Zaghloul et Orabi) ne sont pas concernées par le phénomène. Il faut dire que seul Moubarak a été contraint de quitter le pouvoir sous la pression populaire.

Aujourd’hui, le citoyen est saturé par trente ans de propagande. Il ne supporte plus ces grandes affiches, alors omniprésentes, à la gloire d’un leader chassé. Mais qu’en sera-t-il à l’avenir ? Le futur président fera-t-il, lui aussi, imprimer des milliers d’affiches à sa gloire ? Et lorsqu’il inaugurera une école, la baptisera-t-il de son patronyme ? C’est l’ensemble du culte de la personnalité du président qu’il faut remettre en cause, et pas seulement le rôle de Moubarak. Nasser n’avait-il pas, d’ailleurs, la même manie ?

Costume à rayures

Le narcissisme de l’ancien dirigeant Hosni Moubarak bat tous les records, comme le dit le psychiatre Ahmad Okacha. Son costume à rayures (sur chaque rayure on peut lire Hosni Mubarak, Hosni Mubarak ...) est l’exemple même d’un amour de soi poussé à l’extrême. Ce costume a d’ailleurs fait la une des journaux. De loin, les rayures ressemblent à de simples lignes blanches mais, en faisant un zoom avec la caméra, le nom de Hosni Mubarak apparaît nettement.

Un blogueur ironise : « Et dire que, pendant tout ce temps, nous nous sommes trompés en écrivant son nom avec un O au lieu d’un U ! ».

Pendant que son peuple attendait des aides, il dépensait de l’argent pour des caprices de mauvais goût dont le prix s’élève entre 13 000 et 25 000 dollars par costume. « Tout cela montre le mépris, l’arrogance et le narcissisme de Moubarak », affirme un sociologue. Peut-on pour autant généraliser et comparer ses caprices personnels à sa politique ? Il est évident que les deux ont des liens.

Manar Attiya

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